Une femme. 3 enfants. Deux chiens. 4 chats. Il aimait faire du sport et son métier, et avait son patron en haute estime. L'homme détestait les menteurs et les beaux-parleurs, et appréciait ceux qui lui disaient ce qu'ils pensaient avec honnêteté. Sa couleur favorite était le jaune, et s'il avait pu avoir un poulailler dans son jardin il l'aurait fait. Le seul problème étaient ses autres animaux, qui pourraient voir ce nouvel ajout de volailles comme un garde-manger ou une menace. Cela faisait 14 ans qu'il était dans la région, et 13 ans qu'il travaillait à laver des vitres.
Toutes ces informations, Paul les apprit pendant les quinze premières minutes avec le personnage. Une discussion fort intéressante, qui aurait continué sur les préférences de ses enfants, sa femme, ses chiens et ses chats s'ils n'étaient arrivés à destination. Le client, un habitué, leur fit signe d'avancer pour se garer. Une fois descendu du véhicule, le stress remonta une nouvelle fois dans l'estomac du jeune homme. Il enfila nerveusement son uniforme à l'arrière de la camionnette, avant de récupérer les outils que son collègue lui tendait. Joe sembla la percevoir sa nervosité, puisqu'il lui donna une grande claque dans le dos en lui souhaitant bon courage. A dire vrai, l'adolescent aurait préféré une phrase du style « ça va bien se passer ». Mais il ne pouvait pas tout avoir.
Quelques secondes plus tard, il était devant sa vitre, un sceau à la main, la perche dans l'autre. Les instructions qu'il avait reçues dansaient devant ses yeux, mais ne voulaient pas s'arrêter.
- C'est pourtant bien simple, lui avait dit Joe. Tu prends l'mouilleur, tu l'mets dans l'mélange d'eau et d'savon, tu mouilles toute ta vitre. Ensuite y'a ta raclette. Tu fais soit la méthode française soit américaine. Mais honnêtement, choisis la française, elle est bien mieux. T'façon j'suis sûr que tu parles pas trop anglais, donc laisse les où y sont ces américains.
Les explications continuaient à tourner et retourner alors que le jeune homme s'attelait à la tâche. Sa concentration était telle qu'il oublia tout ce qu'il se passait autour de lui. Un coup en bas, un coup en haut. Un coup de raclette, un coup de chiffon. Régler la hauteur de sa perche. Réapprovisionner le mouilleur en savon. La tâche était immense, très physique, mais à sa plus grande surprise il appréciait. Elle était loin, son imagination du laveur de vitre sur une nacelle à 25 mètres du sol ! Mais cette façon de faire lui convenait mieux.
Pendant ce temps, au bureau, les deux filles s'étaient mises au travail. Plus exactement, Maurina avait ouvert l'ordinateur, regardé quelques mails et fait des propositions de réponses, et les avait envoyés à Richard pour vérifier qu'il s'agissait bien de ce à quoi il s'attendait. Chloé en allait de ses petits commentaires, sa crise de larmes passée. La fillette était beaucoup plus ouverte qu'elle ne l'était auparavant, comme si montrer cette vulnérabilité lui permettait d'être elle-même. La jumelle apréciait cela, et la laissait déverser son flot de paroles. Maurina avait l'impression d'avoir une petite sœur, et la fillette une grande sœur.
De temps en temps, le téléphone sonnait. Alors la jeune fille prenait l'agenda de la compagnie et organisait les rendez-vous en fonction. D'autres petites tâches lui furent confiées en fonction des besoins tout au long de la mâtinée, et Maurina trouva le travail difficile, certes, mais plaisant à effectuer. Elle ne s'ennuyait pas. Tout était différent, il y avait un peu de contact humain et elle pouvait toujours faire des mouvements pendant qu'elle était au téléphone. Son moment préféré étant quand elle était au combiné. L'adolescente décrochait et commençait des squats, sous le rire à peine contenu de Chloé. Si bien sûr des clients entraient, la jeune fille faisait alors mine qu'elle s'était juste levée de sa chaise, avant de se rasseoir en un petit « plop » déçu. Son accolyte, Chloé, se dépêchait alors de détourner les yeux pour ne pas rendre son fou rire trop apparent.
L'heure de la pause midi arriva sans même qu'elle s'en aperçut. Le téléphone sonna à 11h59.
- Bonjour, commença une voix à l'autre bout du fil.
Automatiquement, la jeune fille se leva pour commencer des squats. Cependant, cette voix lui disait quelque chose, mais la jumelle n'arrivait plus à resituer.
- C'est l'heure de la pause déjeuner, termina Richard.
Il sortait du bureau, un grand sourire aux lèvres. En voyant la position dans laquelle la jumelle se trouvait, il s'esclaffa, et sa fille ne put retenir son fou rire. Ce fut sur ces entrefaites que son jumeau et son collègue rentrèrent à leur tour dans la pièce, découvrant une Maurina toute rouge et un père et sa fille au bord des larmes. Bien que n'ayant pas compris toute la scène, les nouveaux venus se joignirent au concert. Il ne fallait pas manquer une occasion de rigoler. S'avouant vaincue, la jumelle se joignit aux autres, et ils furent bientôt quatre à se tordre le ventre en essayant d'arrêter.
La pause déjeuner amena les autres employés que les jumeaux n'avaient pas eu l'occasion de rencontrer. Il y avait deux autres équipes de deux laveurs de vitres, et Maurina apprit que son poste de secrétaire était un remplacement suite à un congé. La jeune fille comprit également que leur patron était plutôt fan de son travail, et n'hésitait pas à faire des heures supplémentaires si le besoin s'en faisait ressentir. Avoir de la main d'œuvre supplémentaire pour éviter de l'épuiser était une suggestion de sa femme.
Après la pause déjeuner, qui se passa dans la bonne humeur et les anecdotes de la matinée, il fut l'heure de retourner au travail. L'après-midi s'avéra plus ardue pour le frère comme pour la sœur. La digestion devait en être partiellement la cause, mais ils n'imaginaient pas que leurs postes respectifs puisent autant dans leurs ressources.
Alors que Paul était devant une énième vitre, prêt à se vider l'esprit comme il l'avait si bien appris de la matinée, ses bras lui firent connaître leur mécontentement. Les muscles du jeune homme avaient décidé qu'ils avaient trop travaillé, et ils le lui firent savoir pendant tout le reste de son travail.
De son côté, Maurina pensait être une secrétaire d'exception. Mais lorsqu'un client entra dans l'agence et ressortit, la traitant de tous les noms parce que leurs prix étaient considérés trop élevés, seule la présence de Chloé l'empêcha de devenir violente. La jeune fille eut du mal à s'en remettre, ce qui perturba tous ses autres projets de l'après-midi, qui mirent beaucoup plus de temps à se résoudre.
Les jumeaux se retrouvèrent dans le bureau de Richard à la fin de leur première journée, tous deux exténués. Leur patron leur lança un sourire compatissant.
- Bon ! Et bien, commença-t-il. Bon travail pour ce premier jour, c'est toujours compliqué. Vous vous en êtes bien sortis.
Les jumeaux poussèrent un soupir de soulagement, néanmoins leurs mains étaient moites. Ils savaient qu'ils n'avaient pas été à la hauteur, surtout en vue de ce qu'il s'était passé lors de la deuxième partie de la journée. Qu'est-ce que Maurina enviait les compétences sociales et techniques de son frère ! Qu'est-ce que Paul enviait les muscles et l'envie de se surpasser de sa sœur !
- Bien sûr, si vous échangiez les rôles, vous seriez parfaits ! Rigola Richard. Mais bon... vous pouvez voir des choses différentes, voir ce que ça fait d'être dans le domaine de prédilection de l'autre.
Les jumeaux acquiescèrent. L'homme allait en venir au fait. Bientôt. Prochainement. Très prochainement. Axes d'amélioration ? Défauts ? Renvoyés ?
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La voiture nous a quittés...
Genel KurguIl était une fois... un départ. Celui d'une voiture que Maurina et Paul, des jumeaux, avaient toujours connu. Ils prennent alors une décision importante : compenser cette perte à l'occasion de l'anniversaire de mariage de leurs parents, dix jours pl...