Chapitre 22 - L'Amour f(l)ou

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Abords d'Hawkins, 1986.

L'attente était interminable. Le processus prenait beaucoup plus de temps que d'ordinaire. C'était probablement normal, Eleven pratiquait de la localisation et de la télépathie à un niveau largement supérieur à ce qu'elle avait l'habitude de faire.

Tout le monde tachait de rester aussi silencieux que possible. Au moindre écart, il faudrait tout recommencer. Le sang qui coulait du nez d'El attestait des efforts engendrés.

Au milieu du silence, El sursauta.

- - -

Lieu Inconnu, date inconnue.

- El.

El se retourna brusquement pour se retrouver face à une femme, la trentaine avancée. Cheveux mi-longs tirés en arrière par une pince bon marché. Sa tenue était très simple, un débardeur à bretelles épaisses sous un gilet long en laine et un jean décontracté. 

- Je ne me souviens pas avoir un jour cherché à entrer dans mon propre esprit.

- Es-tu... moi ?

- Et tu es moi.

- Comment m'as-tu trouvée ?

- Je ne te cherchais pas toi, mais quelqu'un d'autre quand je t'ai senti arriver. Tu essayais de prendre contact avec une telle force.

- Tu cherchais Elsie ?

L'alter-ego plus âgée d'El se tue un instant.

- Tu connais Elsie ? Tu sais où elle est ?

- C'est pas "où" mais "quand". Elsie est à Hawkins, elle est en vie, en bonne santé. Mais elle est avec nous en 1986. C'est la raison pour laquelle je te...me... cherche. On doit l'aider à partir.

- Et je dois l'aider à revenir. Si tu es ici c'est que tu sais comment faire ?

- Il faut que tu ouvres un portail sur l'Upside Down. Elle t'attendra. Dans le petit bois derrière la maison de Mike. Demain, 15h. C'est sûrement la seule chance qu'elle aura de rentrer. Si on s'en sort, demain l'Upside Down sera détruit.

- - -

Abords d'Hawkins, 1986.

El rouvrit les yeux et s'essuya le nez. Je frôlais la tachycardie, attendant qu'elle ouvre la bouche, espérant désespérément qu'elle revenait avec de bonnes nouvelles.

- C'est bon.

Je soupirai de soulagement.

- Elle m'a trouvée en te cherchant Elsie. Demain à 15h, sois derrière la maison de Mike dans l'Upside Down. Elle ouvrira le portail. Ne te préoccupe pas de nous ou de Vecna. Demain tu dois rentrer chez toi, quel que soit le prix, c'est tout ce qui importe.

La peur de me jamais pouvoir partir d'ici disparu pour faire place à une autre forme angoisse. L'épée de Damoclès au dessus de mon coeur et de ma tête. Le moment où on sait qu'on va se quitter, souffrir et qu'il n'y a rien à faire à part attendre que la douleur soit là, déchirante, lancinante, persistante. Ce moment où il y a dans notre gorge un poids énorme, celui des larmes qui s'accumulent jusqu'au moment fatidique où on ne pourra plus les retenir.

El quitta la maison accompagnée d'Hopper de de Joyce.

- Alors... c'est ta dernière nuit ici ? Je suis contente qu'on ai pu aller à Bloomington ce soir. dit Robin les yeux plein de larmes.

- Ça va être tellement vide sans toi. continua Steve.

- Donc... on va vous laisser tous les deux. Quelque chose me dit que vous en avez besoin. Tu viens Steve ? dit Robin avant de m'enlacer et de quitter la maison.

- On revient demain matin avec tout le monde pour faire un dernier point sur la chute de Vecna.

La porte se referma derrière eux.

- - -

- Il faut rendre cette nuit inoubliable Eddie...

- Toutes les nuits passées avec toi sont inoubliables, mais celle-ci sera exceptionnelle.

Pour commencer, il m'entraîna sur le canapé et m'assit sur ses genoux. Il avait le regard tendre, caressait délicatement mes cheveux en me disant à quel point il me trouvait magnifique. Puis je me dirigeai vers la cuisine, pour préparer quelque chose à manger. Des S'mores. Du moins j'essayai. Eddie m'embrassait, aussi souvent que possible, passionnément, amoureusement. Il me prit ensuite par la main et se dirigea vers la chambre, sans dire un mot. Attrapa sa guitare et se mit à jouer sans vraiment réfléchir, les notes qui lui venaient, prétextant que cette mélodie était pour moi. Entièrement à moi, comme lui l'était aussi. Comme une suite logique, on coucha ensemble, pour la troisième et dernière fois. Les sensations étaient aussi puissantes et intenses que la première. Frissons, vibrations, flot d'ocytocine puis apaisement et plénitude.

Assit sur le lit, il me regardait, encore, sa main carressant mon visage, semblant déborder d'envie de me dire quelque chose. Je savais quels étaient les mots qu'il cherchait.

- Eddie. Je crois qu'il n'y aura jamais de meilleur moment que celui-ci pour te dire je t'aime. Je t'aime d'un amour puissant, l'amour, le vrai, celui qui ramène à la vie, celui qui éclaire les chemins les plus sombres. Celui pour lequel on pourrait tuer et accepté d'être tué. Celui qui rend fou. L'amour fou.

Il sourit, comme si je l'avais libéré d'un poids énorme par ma déclaration improvisée.

- Personne ne m'a jamais aimé, et je n'ai jamais aimé personne avant d'ouvrir les yeux sur ton visage le jour où tu m'as ramené. Je ne croyais pas aux coups de foudre, ni aux âmes soeurs, mais je suis sûr maintenant. Cette symbiose ce jour-là, tu l'as sentie aussi ? J'ai peur, je n'ai jamais aimé avant toi, et je ne sais pas comment faire pour ne pas mourir de ton absence. Est-ce que l'amour peut tuer ? C'est tellement flou.

- On sera séparés Eddie, mais on surmontera cette ultime épreuve en sachant que l'autre fait de son mieux pour se relever aussi. Ça ne sera pas un chagrin d'amour, ni un manque, ce sera un Deuil.

- Je t'aime Elsie.

Ces mots provoquèrent une envolée de papillons dans mon ventre. Un énième shoot d'Ocytocine réduisant presque ma souffrance à néant.

J'enlevai la chaîne attachée autour de mon cou. L'objet le plus précieux que j'avais en ma possession. Un cadeau de mon père pour ma naissance. Je passai mes mains autour du cou d'Eddie et la lui offrit.

- C'est... pour moi ?

- Tu es à moi Eddie, et cette chaine c'est juste pour le rappeler à quiconque passera après.

Eddie regarda autour de lui, semblant chercher quelque chose.

- Je veux ton tee-shirt.

- Celui du Hellfire ?

- Oui. Celui que tu portais aujourd'hui.

- Mais l'odeur s'estompera avec le temps...

Sentant que je ne lâcherai pas prise, il le plia délicatement et le posa sur mon sac, accompagné du médiator qu'il avait utilisé la première fois qu'il avait joué Master of Puppet pour moi.

- Voilà. Ces souvenirs crient "Eddie Munson".

T.1 Attends-moi | Eddie MunsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant