Chapitre 29

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–Maman, attends.

Je la suis à travers la maison alors qu'elle marche rapidement jusqu'au salon. Lorsque j'y arrive à bout de souffle, Jeanne et Paul y sont déjà et les jumeaux dans la cuisine. Ma mère se retourne vers son mari, ses mains recouvrant son visage. J'échange un regard inquiet avec Jeanne qui s'approche de moi.

–J'ai essayé, elle chuchote en s'arrêtant près de moi.

–Maman laisse-moi t'expliquer, je tente à nouveau.

Sans même tourner la tête, elle tend une main dans ma direction pour m'arrêter. Mon cœur risque d'exploser d'une minute à l'autre. La pression est lourde. Personne ne parle. Stan arrive derrière moi et comme nous, observe ma mère qui semble encore reprendre ses esprits.

J'appréhende le moment où elle se tournera vers nous et que je verrai cette expression de dégoût sur son visage. Lorsque je la vois se tourner doucement, mon cœur rate un battement. Mais contre toute attente, c'est de Jeanne qu'elle s'approche, pointant furieusement son doigt vers elle.

–Je te confie la responsabilité de mon fils, et voici ce que tu le laisses faire ?

Jeanne fronce les sourcils, regardant ma mère avec confusion et colère.

Ce que je le laisse faire ? Il a dix-sept ans maintenant, il fait ce qu'il veut.

Ma mère lâche un rire sarcastique en regardant autour d'elle.

–Coucher avec des garçons, c'est ce qu'il fait. Et tu ne dis rien ?

Avant que Jeanne ne puisse répondre, je me rapproche d'elles.

–Elle peut pas m'en empêcher, je dis doucement, les larmes aux bords des yeux.

–Recule ! Ne me touche pas, ma mère explose lorsque je me rapproche en balançant ses mains dans tous les sens comme si elle chassait un insecte.

Je me fige sur place, tétanisé.

–Je vais y aller, j'entends Stan déclarer rapidement avant qu'il ne quitte précipitamment la maison.

–Je savais que quelque chose n'allait pas chez toi, elle reprend en reportant son attention sur Jeanne. Ton frère aurait dû m'écouter quand je lui ai dit qu'il fallait pas te faire confiance.

J'aperçois la mâchoire de Jeanne qui se serre alors qu'elle se retient de lui répondre. Mon cœur s'alourdit dans ma poitrine. Ma propre mère n'ose même pas me confronter, et à la place c'est ma tante qui paie pour mes actions.

Je fais un pas entre les deux, Jeanne face à mon dos alors que je fais face à ma mère.

–Arrête, je commence, la voix tremblante. Tu peux pas la blâmer pour ça. 

–Je n'ai rien à te dire, elle dit simplement sans me lâcher du regard.

Alors qu'elle s'apprête à se retourner vers son mari, je lui aggripe le bras plus férocement que je ne l'aurais voulu. Mais mes émotions prennent le dessus, je ne contrôle plus rien.

–Dis-moi, je dis d'un ton froid.

Elle entrouvre les lèvres en me regardant d'un air confus, déplaçant son regard entre mon visage et ma main qui se serre autour de la sienne.

–Lâche-moi ! Elle hurle en tentant de s'en défaire.

Je resserre mon étreinte sans la lâcher des yeux, ravalant mes larmes. Je ne suis pas triste, je suis furieux. Je suis fou de rage qu'elle puisse agir comme une enfant dans une situation aussi sérieuse.

–Toi, sale ingrat, elle marmonne en secouant la tête comme si elle tentait encore d'avaler la nouvelle. Tu me dégoûtes. Je te confies à ta tante et c'est comme ça que tu finis ?

–Comment ?

Un échange de regard s'installe. Ma mère me fixe dans le blanc des yeux d'un air arrogant lorsqu'elle répond :

–Une salope.

Avant même que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit, je suis poussé sur le coté par Jeanne qui fait un pas en avant et plaque violemment sa main contre la joue de ma mère. Le bruit du contact entre sa peau et la sienne était si perçant que je l'entends presque résonner dans la pièce.

Les yeux écarquillés, ma mère déplace son regard entre Jeanne et moi, tout en gardant une main sur sa peau à présent rouge.

–Sors de chez moi, Jeanne ordonne durement en pointant la porte d'entrée du doigt.

Ma mère ouvre la bouche, prête à parler mais son mari pose une main sur son épaule avant qu'elle ne puisse dire un mot.

–Allons-y, il lui demande doucement.

Elle le regarde un court instant avant de déplacer son regard sur ses enfants qui nous fixent avec de gros yeux. Elle se dirige vers eux, aggripant son téléphone et son sac qu'elle jette sur son épaule et prend les jumeaux par les mains.

–Sois sûr d'une chose, je vais tout dire à ton père, elle me lançe d'un ton menaçant en revenant vers son mari.

–Pas la peine, il sait déjà, Jeanne répond alors que ma mère et sa famille se dirigent vers la porte.

Elle se retourne vers nous, puis me fixe pendant un long moment. Son expression veut tout dire. Elle me déteste, plus que jamais. Elle me regarde comme elle regarde mon père ; avec tant de répugnance, tant de haine qu'on croirait qu'ils ne se sont jamais un jour aimés. La minute d'après, la pièce est calme. Il n'y a plus que Jeanne et moi, installés à la table à manger.

Les coudes contre la table et mon visage dans mes mains, j'essaie encore de réaliser ce qui vient de de se passer. Tous ces mots que ma mère m'a sortis comme si je n'étais même pas sa chaire et son sang. Un sentiment lourd pèse sur ma poitrine.

Ma propre mère me déteste.

–Hey, Jeanne pose une main sur mon épaule. Elle finira par l'accepter.

Je secoue la tête.

–C'est fini. Elle ne va plus jamais vouloir me revoir.

–Non, ne dis pas ça. Bien sûr qu'elle voudra te revoir, il lui faut juste du temps pour... accepter tout ça.

Je fixe la table, l'esprit embrouillé. Puis ce que Jeanne a dit à ma mère me revient, et je tourne la tête vers elle.

–Il l'a accepté, lui ? Je l'interroge.

Elle soupire alors qu'un sourire léger se creuse au coin de ses lèvres. Elle acquiesce en poussant une mèche de ses cheveux derrière son oreille.

–Il nous a entendu parler.

Je lâche un rire sans joie.

–Il ne dormait pas, je dis.

–Non, elle souffle en s'esclaffant.

Je me sens déjà moins inquiet en sachant que je n'aurai pas à traverser ça deux fois. Mon père est au courant du nouvel aspect de ma personnalité, et même si ce n'est pas un sujet dont j'aimerai discuter avec lui, je suis vraiment heureux qu'il l'accepte.

–Je suis désolée pour ta mère. C'est ton anniversaire, tu ne devrais pas avoir à vivre ça.

Je secoue la tête et souris pour la rassurer.

–Qu'est-ce que tu dirais d'un petit resto pour arranger ça ?

Je souris à nouveau. Un petit resto. Comme au bon vieux temps.

–C'est parfait.

Exactement ce dont j'avais besoin.

Entre nous deux [bxb]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant