Chapitre 16

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Jordan


Depuis quelques semaines, je m'essaye à un nouveau genre de relation. Cela s'est fait naturellement, sans que j'y fasse réellement attention. Après les tableaux, Robin a commencé à me sculpter. Elle avait déjà reproduit mon visage sur une plaque de plâtre, je l'avais découvert un soir, alors que je venais chez elle pour une dernière touche sur une toile. Il était posé sur un support, sur la table basse. Elle avait commandé différents matériaux comme du marbre, du granit, du bois et fait livrer le tout à son atelier, un endroit où elle ne m'avait pas encore amenée.

L'endroit lui servait aussi d'entrepôt pour son travail, la deuxième partie de cet entrepôt n'était accessible que par elle. Je regardais des ébauches, des projets abandonnés, à peine entamé. Je ne posais pas de question sur le visage qu'elle avait commencé à extraire d'un tronc d'arbre, d'un cube de marbre. Je savais que d'autres femmes étaient passées entre ses mains, entre ses cuisses, dans ses fantasmes. Je me demandais simplement si cela avait été aussi intense avec les autres, si moi aussi, je serais un projet abandonné à un moment, un demi visage abandonné sur une étagère, à côté des autres, dont seule Robin connaît le prénom.

Je regarde ses ébauches, ses croquis. Elle me voit en Vénus, veut reproduire la toile sur sa terrasse, celle où je sublime la sensualité et la beauté selon elle. Un autre croquis représente deux mains, l'une dans l'autre. Ce pourrait être n'importe qui, j'ose croire que c'est nous. Un croquis me représentant avec une chevelure très longue, est scotché sur du granit rouge. Robin sait ce qu'elle veut et je lui donne. Je me rends exclusive pour un moment, le temps qu'elle me sculpte. Aussi, après le travail, je vais chez elle, je me change, je me rafraichis, et nous partons pour son atelier, avant que ne me raccompagne chez moi. Au bout de quelques jours j'ai des vêtements dans un coin de sa garde-robe, une brosse à dent dans sa salle de bain, une brosse à cheveux. Certains soirs où nous finissons tard, je reste chez elle, sans forcément coucher, juste dormir, elle me dépose au travail ou à la station de métro. Je ne me suis pas installée chez Robin, ce sont des vêtements de rechange, deux ou trois bricoles nécessaires pour mon hygiène et être présentable au travail.

C'est un soir, alors que je me changeais, retirant mon tailleur pour une tenue plus relax, que je me suis rendu compte que la moitié de la penderie était occupée par mes vêtements. Que j'avais une trousse de maquillage dans sa salle de bain, des bijoux sur sa commode. J'avais annulé plusieurs mercredis avec mon plan cul, je n'allais plus sur mon réseau social de rencontre, je ne faisais plus de rencontre occasionnelle.

Je suis en couple, je vis chez Robin.

Je ne m'en étais pas aperçu, mais à force de laisser un truc chaque jour, je m'étais installée chez elle.

Boutonnant mon jean et enfilant une veste, je la rejoins dans l'entrée, là aussi, j'ai plusieurs paires de chaussures. J'enfile mes Converse en la regardant, en souriant.

« Tu aurais pu me dire que nous sommes en couple. Je viens de réaliser que j'habite quasiment chez toi en voyant la penderie.

— Ça ne me dérange pas, toi ?

— D'habiter chez toi ou d'être en couple ?

— Les deux » demande Robin en fixant mes yeux, le regard pétillant.

« D'accord, je signe pour une relation exclusive. Nous sommes officiellement en couple, Robin. Si tu en fais de même, je ne te partage pas.

— Aucun risque, je n'ai pas couché avec un homme depuis notre dernière fois avec Peter. Quant aux femmes, c'est fini aussi, depuis que je t'ai rencontrée. Puisque nous sommes en couple, ça te tente de faire une pause et de sortir, demain soir, je te propose un vernissage. Une amie expose.

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