NATHAËL
« L'angoisse est le vertige de la liberté »
- Soren Kierkegaard
— Tu dois faire quelque chose ! Je sais pas putain, va présenter tes excuses ! Ça peut pas continuer comme ça !
— Bordel, mais puisque je te dis que ça sert à rien ! Ils en ont rien à foutre de mes excuses, Tom, qu'est-ce que tu comprends pas là-dedans ?
— Je m'en bats les couilles, réessaye ! Putain Nel, tu réalises qu'on aurait pu crever ?
— Mais qu'est-ce que je peux y faire ?!
Sa voix dérailla sur le dernier mot et Nathaël avala douloureusement la boule qui s'était formée dans sa gorge. Face à lui, son ami était hors de lui, le visage rougi par la colère et les pupilles dilatées à l'extrême. Sur sa tempe, une veine palpitait follement et ses tresses tombaient en désordre sur ses épaules. L'adrénaline faisait trembler tout son corps, sa respiration était courte, sifflante. Nathaël le vit se frotter énergiquement les yeux en jurant avant de donner un violent coup de pied dans un caillou.
— Je peux plus supporter ça... Faut que ça cesse. Faut qu'on trouve un moyen.
Nathaël ne répondit pas. La boule dans sa gorge continuait à grossir et il avait l'impression qu'il pouvait éclater en sanglots à tout moment. Ses mains tremblaient affreusement et ses jambes supportaient tout juste son poids. Il entendit Tom gémir de frustration pour la énième fois mais n'eut pas le courage de le regarder dans les yeux.
Ils avaient failli mourir. Par sa faute.
Il frissonna lorsqu'il revit les phares de la voiture se refléter dans son rétro, le pistolet sortir de la fenêtre et la balle siffler contre son oreille.
Putain je vais craquer, s'affola-t-il intérieurement.
Nathaël ferma les yeux aussi fort que possible et tenta de prendre une grande inspiration, mais un puissant hoquet le fit porter ses mains à sa poitrine. Il paniquait. Ça n'allait pas du tout. Son cœur battait bien trop vite, il n'arrivait plus à reprendre sa respiration, la sueur coulait le long de son dos.
Tom s'approcha de lui et entoura ses épaules de ses bras. Lui aussi continuait de trembler.
— On va trouver, chuchota-t-il d'une voix vacillante. On va trouver d'accord ? Je... Je vais réfléchir à quelque chose. Je vais rentrer. Va te cacher chez toi. Ils...Ils ne reviendront pas ce soir.
Nathaël serra les dents. Chaque mot de son ami était plus incertain que le précédent. En réalité il ne savait rien, il ne savait pas quoi faire, il était incapable de prévoir les prochaines actions de leurs poursuivants. Mais surtout, il lui en voulait. Il le sentait. Tom lui en voulait. Il ne voulait pas rester avec lui ce soir. Il voulait s'éloigner de lui. Parce qu'il portait malchance.
Les bras autour de ses épaules se desserrèrent et leur propriétaire se dirigea vers sa moto qu'il enfourcha d'un geste maladroit. Lorsqu'il démarra, il lui fit un discret signe de la main puis disparut au coin de la rue.
Le silence retomba soudainement. Lourd, menaçant, terrifiant. Nathaël avait l'impression qu'une voiture pouvait débouler à tout moment, plein phares, et foncer sur lui. Le spasme qui l'agita l'obligea à ouvrir la bouche en grand. Putain. Il pensait être habitué à la peur, au danger, à la souffrance, mais à chaque fois, il en découvrait un degré supérieur et devait recommencer à zéro.
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Eros avait les yeux vairons
RomanceLorsque Kei Néroni revient dans sa ville natale, onze ans après en être parti, des figures du passé ressurgissent sur son chemin. L'une d'entre elles a les yeux vairons, un visage tuméfié et une veste en jean délavée. Mais surtout, le premier regar...