KEI
« Le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle que l'on fait contre le destin qui nous est imposé »
- Albert Camus
— Et si on allait manger à l'extérieur pour une fois ?
Il avait suffi de ces quelques mots pour que le visage détendu de Nathaël ne se crispe à nouveau et que son regard jusqu'alors clair et joyeux ne s'obscurcisse d'un coup. Le jeune homme fixa un point imaginaire entre ses pieds tout en contractant la mâchoire.
— Je suis pas sûr, marmonna-t-il entre ses dents.
— Pourquoi pas ? insista Kei. Ça nous changerait un peu et ce serait l'occasion de fêter ton retour !
Une nouvelle fois, Nathaël évita consciencieusement son regard puis enfonça ses mains dans ses poches.
— Je sais pas...
— Qu'est-ce que tu aimes manger ? reprit le plus âgé en ignorant son regard fuyant. Burgers ? Sushis ? Indien ?
Aucune réponse ne lui parvint, mais Kei ne renonça pas.
— Ou on peut aller boire un coup avant. Tu connais des bars sympas ?
Nathaël s'obstinait à garder les yeux rivés au sol, sa tête rentrant de plus en plus entre ses épaules comme si cela allait finir par le dissimuler du regard intrusif de son interlocuteur.
Oh tu peux faire la tortue bébé, railla Kei intérieurement, cette fois je te lâcherai pas.
— C'est toi qui choisis, continua-t-il comme si de rien n'était. Au moins, s'il y a des endroits ou des gens que tu veux éviter, on le fera.
Nathaël eut enfin l'air de réaliser qu'il ne possédait pas réellement de carapace sous laquelle se cacher et cessa de se prendre pour une tortue. A la place, il fronça les sourcils et lança un regard agacé à Kei.
— Pourquoi tu veux manger dehors ? grinça-t-il.
— Je te l'ai dit, ça nous changera. Et j'ai envie de faire des trucs avec toi, à l'extérieur.
— T'as pas peur qu'un de tes collègues ou étudiants te surprenne ? demanda le plus jeune, espérant certainement que cette remarque dissuade Kei de sortir.
— Me surprenne à quoi ? ricana ce dernier. En train de déjeuner avec un mec qui me regarde tellement mal qu'on pourrait croire que je l'ai kidnappé ? Si c'est de ma sexualité dont tu t'inquiètes, ne t'en fais pas, je pense qu'elle est sauve.
— Et si on croise Elio ? s'obstina Nathaël de mauvaise foi.
— Je lui dirai bonjour.
— Et moi ?
— Oh toi, tu te démerdes.
Nathaël lui lança un regard mauvais et Kei se retint de rire.
— Ton frère travaille à cinquante kilomètres d'ici toute la journée, développa-t-il en contenant son sourire. Faudrait vraiment qu'il ait décidé de ruiner notre moment si on le voit débarquer devant nous.
Il observa Nathaël froncer un peu plus les sourcils et sourit en coin.
— Arrête de chercher des arguments pour te défiler ! Ça va être cool. Si t'acceptes, je te suce ce soir.
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Eros avait les yeux vairons
RomanceLorsque Kei Néroni revient dans sa ville natale, onze ans après en être parti, des figures du passé ressurgissent sur son chemin. L'une d'entre elles a les yeux vairons, un visage tuméfié et une veste en jean délavée. Mais surtout, le premier regar...