KEI
" Il n'y a rien qui soit plus menaçant que le bonheur, et chaque baiser qu'on donne peut éveiller un ennemi "
- Maurice MAETERLINCK
C'était terrible.
Depuis deux jours, Kei avait beau s'impliquer dans ses cours, approfondir ses recherches et découvrir des œuvres plus passionnantes les unes que les autres, le corps de Nathaël dévasté par le plaisir restait imprimé derrière ses paupières.
Quand il faisait défiler son diaporama en salle de cours, il voyait ses yeux écarquillés par la force de sa jouissance. Lorsqu'il répondait aux questions de ses étudiants, il se rappelait de ses mains crispées sur le drap blanc. Quand il se plongeait dans les archives, il se remémorait la douceur de sa peau hâlée et la fermeté de ses muscles sous ses doigts. Lorsqu'il ouvrait un livre, il se souvenait de l'odeur de son corps, de ce subtil mélange entre sueur et effluves orientales.
Putain.
Cette nuit où l'orgasme les avait unis pour la première fois, ils étaient restés enlacés de longues heures, plongeant dans un sommeil doux et apaisant dont ils ne s'étaient extirpés que tard le lendemain matin, leurs corps encore collants des ébats de la veille. Pour la première fois, Kei avait découvert les yeux encore gonflés de sommeil de son partenaire, son air chiffonné tandis qu'il tentait de se dégager des bras de Morphée, ses cheveux complètement décoiffés qui tombaient en désordre sur son front et dans lesquels il s'était empressé de plonger son nez.
Nathaël avait semblé gêné de se montrer aussi vulnérable face à lui, peut-être incommodé par leurs membres entremêlés et les lèvres de Kei qui s'étaient déjà égarées dans son cou, très certainement embarrassé par l'état de son propre corps impudiquement exposé à l'envie de son partenaire, son érection matinale bien en vue, sa clavicule décorée de deux petites marques écarlates, ses tétons rougis et gonflés d'avoir été trop mordillés la veille, son ventre encore poisseux de sueur et de leurs semences qu'ils s'étaient contenté d'essuyer rapidement avant de s'endormir.
Alors, Kei s'était fait un malin plaisir de couvrir son torse de baisers avant de prendre le sexe dressé en bouche et, malgré les protestations gênées de Nathaël, de mener ce dernier jusqu'à la jouissance.
Rien que d'y penser, Kei sentait son boxer rétrécir. Or, bien que son bureau le dissimule des éventuels regards curieux de ses étudiants, il n'était pas certain de vouloir bander pendant qu'il expliquait les grands types de rituels magico-religieux autour de la mort.
Quand le cours se termina enfin, il resta assis de longues secondes et se prit la tête entre les mains. Il fallait qu'il se calme maintenant, il ne parviendrait à rien s'il restait dans cet état d'excitation permanente.
Ouais, mais qu'est-ce que je donnerais pour le plaquer sur ce bureau et le prendre jusqu'à ce qu'il me supplie d'arrêter, se contredit-il mentalement.
Sentant son sexe tressauter une nouvelle fois, il jura à voix haute et se releva d'un bond. Il fallait qu'il concentre ses idées sur autre chose.
Il rassembla ses affaires et se dirigea vers le laboratoire d'anthropologie situé à l'extrémité sud du campus. L'endroit était presque vide ; la majorité de ses collègues prenaient leur pause déjeuner à l'extérieur et les autres restaient enfermés dans leurs bureaux. Kei se dirigea vers celui qu'il partageait avec un vieux collègue spécialisé en anthropologie politique et, lorsqu'il en poussa la porte, l'odeur de renfermé que ce dernier traînait derrière lui attaqua ses narines. Grimaçant ostensiblement, il ouvrit en grand la fenêtre avant de s'échouer sur le fauteuil en vieux cuir, creusé en son milieu par les centaines de postérieurs qui avaient dû se poser dessus.
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Eros avait les yeux vairons
RomanceLorsque Kei Néroni revient dans sa ville natale, onze ans après en être parti, des figures du passé ressurgissent sur son chemin. L'une d'entre elles a les yeux vairons, un visage tuméfié et une veste en jean délavée. Mais surtout, le premier regar...