KEI
« Un jour, on prend une décision, on ne sait pas comment, et cette décision a sa propre force d'inertie. Avec chaque année qui passe, il est un peu plus difficile de la changer »
- Milan KUNDERA
— Tu es sûr que tu n'as rien oublié ?
Léo se gratta la tempe puis réajusta ses lunettes de soleil.
— Je ne crois pas, réfléchit ce dernier. Sinon, ce sera l'occasion pour toi de venir me ramener mes affaires à la capitale.
— Rêve.
Le soleil commençait à décliner derrière les montagnes, colorant la ville d'un magnifique camaïeu orange. Debout au milieu du quai, la silhouette de Léo paraissait d'autant plus fragile au milieu de ces lumières chatoyantes.
— Merci de m'avoir accueilli, déclara-t-il soudainement en se tordant les doigts entre eux, et... je suis vraiment désolé. Pour l'autre soir.
Kei sourit tristement et le prit dans ses bras en soupirant.
— Le principal c'est que tu ailles bien, souffla-t-il d'une voix douce. Mais promets-moi de faire attention quand tu rentreras. Ne te surmènes pas autant, promets-moi que tu feras passer ta santé avant tout.
— Je te le promets, acquiesça vigoureusement le concerné. Je t'appellerai au moindre problème.
— N'hésite jamais.
— Tu remercieras ton homme pour moi ?
— Ce n'est pas mon homme, rétorqua Kei en grimaçant.
— J'espère qu'il le deviendra, s'amusa Léo. Vous faites la paire. Il va t'en faire voir.
— C'est déjà le cas.
Léo sourit et se décolla de son ami. Il hissa sa valise dans le wagon et monta sur le marche-pied.
— Vous viendrez me rendre visite lorsque vous serez en couple ? insista-t-il d'un air taquin.
— Sachant que j'hésite à te balancer sur les rails, pas sûr qu'on ait l'occasion.
Léo pouffa et lui donna une dernière accolade.
— Prends soin de toi Kei, j'espère qu'on se reverra vite.
— J'espère aussi.
Il resta sur le quai jusqu'à ce que le train disparaisse à l'horizon.
Tu sais Léo, j'espère vraiment que j'aurai l'occasion de le remercier, soupira-t-il intérieurement.
Lorsqu'il posa ses fesses sur le banc inconfortable du téléphérique, Kei se rendit compte d'à quel point il était fourbu. Depuis que Léo était rentré à moitié inconscient deux soirs auparavant, il avait très mal dormi. Il avait été profondément choqué de voir son ex-conjoint dans un tel état, lui qui prenait tellement soin de lui et n'était absolument pas porté sur l'alcool. Il aurait pu lui arriver des tas de choses ; il était faible et naïf, jamais il n'aurait pu se sortir tout seul d'une situation dangereuse.
Il avait dû attendre le lendemain matin pour avoir une discussion avec lui, durant laquelle le jeune commissaire-priseur avait reconnu, en pleurs, ne plus être capable de suivre le rythme effréné de son travail. Ils avaient longuement parlé et Kei avait dû calmer les angoisses de Léo pendant des heures. Ils n'étaient passés à autre chose que lorsque son ami avait promis de se faire suivre par un psychologue dès son retour à la capitale.
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Eros avait les yeux vairons
RomanceLorsque Kei Néroni revient dans sa ville natale, onze ans après en être parti, des figures du passé ressurgissent sur son chemin. L'une d'entre elles a les yeux vairons, un visage tuméfié et une veste en jean délavée. Mais surtout, le premier regar...