Chapitre 17_ Baie

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Douloureux, triste, horrible, les sentiments tout aussi forts les uns comme les autres se mélangeant, assise sur le goudron qui frôle la baie de Tokyo, je pose mes mains sur les commissures de mes lèvres et un cri à l'agonie sort de ma gorge.

Un cri, des larmes, une peine plus forte que tout, une prière silencieuse, des sanglots étouffés, ma souffrance reste muette, je n'arrive plus à respirer à cause des reniflements incessants, mon cri douloureux poussé me donne si mal à la tête que j'ai l'impression que mes yeux risquent de sortir de leurs orbites, entre sanglots et maux de têtes, je ne sens même pas cette main compatissante frotter mes cheveux.

La personne derrière moi ne dit rien, la main se retire lentement sur le dessus de mon crâne, il s'assoit à côté de moi et une chevelure reconnaissable entre toutes se pose sur mes jambes en tailleurs.

- Ran : Peine de coeur ?

- Je pense, j'ai du mal à mettre un nom sur ces sentiments incohérents.
D'ailleurs, tu es seul, c'est rare, ou est ton frère ?

- Ran : Il t'a entendu hurler, il est resté à l'écart pour que je puisse te parler, car des fois Rindô n'a pas vraiment les mots qu'ils faut et je préfère qu'il rumine sa haine loin de nous.

- C'est Ken.

- Ran : Raconte.

Ses yeux fixent le ciel qui prend une teinte orangée, semblable à un départ de feu, Ran a toujours sut me rendre la tâche facile quand il faut que je parle de mes sentiments, car c'est la chose la plus compliqué pour moi, je m'exprime bien mais lorsqu'il faut que je mette des mots sur mes sentiments ça peut vite devenir du grand n'importe quoi.

Discrètement, pour éviter que mes paroles soient entendues, je susurre à l'oreille de Ran ce que je ressens à l'encontre de Ken Ryûgûji, mots après mots, je comprends que je suis amoureuse de lui et mots après mots, je comprends qu'il faut que j'abandonne, sa façon de la regarder hante encore mes pensés.

Ran ne pipe pas un mot, mes larmes accompagnent mes tristes et sombres paroles, l'eau salée coule sur sa joue droite, il retenir une goutte de son pouce qu'il porte à sa bouche, mon dos est fait prisonnier et je me retrouve entourée par les bras chaleureux de Ran et par l'étreinte réconfortante de Rindô.

Ce geste qui rafistole mon coeur me prend aux tripes, mes sanglots refont surfaces, mes larmes sont tues par l'épaule de Ran et le torse collé de Rindô derrière moi fait parcourir sa chaleur humaine sur la mienne.

- Rindô : Tu vas laisser Emma et Ken, vivre leurs histoires ?

- Ran : Rindô, ne l'accable pas.

- C'est ce que je vais faire, son regard là, il ne l'avait pas en me regardant, alors je vais prendre de la distance avec tout ça.
Merci les garçons, ça m'a fait du bien de parler avec vous.

Ma main sur l'épaule de Ran, l'autre sur la tête de Rindô, je me glisse entre les frères Haitani pour que je puisse enfin me lever, rester inerte à fait naître des fourmis dans mes jambes, debout je m'étire en baillant avant d'embrasser les Haitani, je récupère le sac posé derrière Rindô et je les saluts de loin en me dirigeant vers le parc d'Ueno.

Le parc d'Ueno est un grand parc public situé dans le quartier d'Ueno (arrondissement Taitō), au nord-est du centre de Tokyo, le parc est particulièrement connu pour ses nombreux cerisiers (environ un millier) sous lesquels les Tokyoïtes se réunissent chaque année durant la floraison pour manger, boire, discuter, chanter et parler lors de la période traditionnelle du hanami, « littéralement regarder les fleurs ».

En pleurant silencieusement derrière un arbre, des pas s'approchent de moi, ces mêmes pas froissent des feuilles, le bruit des chaussures s'arrêtent et un garçon plus grand que moi aux grand yeux violets profonds me toise sans rien dire avant de s'assoir face à moi.

Le garçon a une peau hâlée magnifique, il doit avoir la peau bronzée toute l'année ce chanceux, ses cheveux blancs contrastent avec sa peau parfaite, il pince ses lèvres avant de sortir de sa poche un mouchoir qu'il me tend.

- Merci beaucoup.

- Lui : Tes yeux, ils sont comme les miens.

- Non, les tiens sont captivants, mystérieux, envoûtants.

- Lui : Tu es la première à me le dire.

- Tu n'as pas dut demander l'avis à beaucoup de filles alors.

- Lui : C'est vrai. Habituellement je m'en fou.

- Ca a le mérite d'être sincère, alors pourquoi tu m'as donné un mouchoir ?

- Lui : Tu es fais du même bois que moi, je l'ai senti, tu es brisée.

- Oui.

Nous ne disons plus rien, lui scrute mes yeux et moi je scrute les siens, à travers ses pupilles je cherche à comprendre ses paroles, mais je ne vois rien, ce moment de silence ne me gêne aucunement, je ne me sens pas seule, j'ai l'impression qu'il comprend ce que j'endure ou qu'il le ressent, c'est assez étrange, mais je fais plein de cette énergie, le froid qui parcoure ma combinaison me fait frémir, je le remercie pour sa compagnie et je me lève pour partir mais sa main qui s'empare de mon poignet gauche m'empêche d'avancer.

- Lui : On peut se retrouver ici, demain?

- Bien évidement, pourquoi?

- Lui : Je serai avec un ami.

- D'accord. A demain.

- Lui : À demain Jin.

- Comment tu connais mon prénom ?

- Lui : Ton père, il a racheté l'orphelinat dans lequel je suis, ton portrait est dans son bureau.

- Décidément, mon père a la folie des grandeurs, tu es ?

- Lui : Izana Kurokawa.

- Enchantée Izana alors, à demain passe une bonne soirée.

- Lui : Toi aussi Jin, toi aussi. Je t'ai enfin trouvé. 

A suivre.

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