02/10/2013.
Himiko n'en finissait jamais de faire des heures supplémentaires. Un jour c'était un collègue en arrêt maladie dont elle devait récupérer une partie du travail. L'autre, une liste de comptes rendus de mission mal faits qu'elle devait entièrement réécrire.
Tout serait ajouté à sa fiche de paye, ce qui n'était pas négligeable, mais Himiko voulait juste se reposer un peu. À force de comparer son emploi du temps à celui de ses collègues, elle commençait à croire qu'elle était la seule inondée de travail.
Elle plaça les derniers dossiers qu'elle venait de traiter dans son casier – il était vingt-trois heures passées, autant dire qu'il valait mieux attendre le lendemain pour les rendre – et le ferma à clé dans un soupir. Elle n'aspirait plus qu'à une bonne nuit de sommeil.
- Bonsoir Himiko.
L'agent technique sursauta et se retourna vivement. Sakura lui adressa un sourire poli, comme à chaque fois qu'elles se croisaient.
Himiko se détendit. Il était rare qu'elle rencontre quelqu'un d'autre à cette heure ci. Elle en venait parfois à oublier qu'elle n'était pas la seule à travailler en dehors des heures conventionnelles.
- Bonsoir Sakura. Tu as un problème ?
- J'ai besoin de discuter avec toi, c'est important.
- Oh. Ce sont les laboratoires ?
- Oui. Considère que je te parle en tant que Valentiana et non Sakura.
Himiko se frotta les mains dans un réflexe nerveux. Elle ne faisait pas grand chose pour les laboratoires du Phoenix, majoritairement du relais d'informations, alors elle ne voyait pas bien ce que Valentiana lui voulait. Avait-elle fait quelque chose de mal ?
- Plusieurs agents te soupçonnent d'être une traîtresse au AMI.
- Quoi ? s'étonna Himiko. Mais je n'ai trahi personne !
- Non, je sais. Mais l'attention qui a été amenée sur toi est une mauvaise chose. Il faut trouver un moyen pour que ces gens regardent dans une autre direction.
- Vénérios ne peut pas leur effacer la mémoire ?
Valentiana se passa une main sur le front. Elle aussi était épuisée.
- Ce n'est pas aussi simple. Ça demande beaucoup trop d'organisation. En revanche, les supérieurs ont eu une autre idée, un peu extrême, qu'ils m'ont demandé de mettre en oeuvre. Je vais avoir besoin de toi pour y arriver.
Himiko ne savait pas quoi en penser. S'il fallait qu'elle aille sur le terrain, ce serait une catastrophe. Il y avait une bonne raison pour laquelle elle était agent technique.
- Explique toujours, je vais voir si je peux t'aider.
Valentiana s'adossa aux casiers et chercha comment formuler sa phrase.
- Je n'approuve pas forcément le raisonnement qu'ils m'ont sorti pour justifier la suite des événements, mais c'est la meilleure chose à faire pour le moment. Disons que nous sommes plusieurs à gérer la communication, mais que nous n'avons pas tous la même importance aux yeux des laboratoires. Par exemple, je suis en premier plan quand tu es davantage en retrait.
- ... Oui ? Et ?
- Tu ne leur est pas essentielle. Pour ne pas que l'on continue à te soupçonner, mieux vaut couper tout lien avec les laboratoires.
Himiko se sentit pâlir.
- Vous me renvoyez ?
- Himiko...
Valentiana avait l'air sincèrement désolée.
- S'il te plaît, rappelle-toi que cette décision ne vient pas de moi et que je t'apprécie malgré tout. Je suis désolée que tu n'aies pas compris où je voulais en venir.
Pas compris ? Himiko sentit son sang descendre jusqu'à ses pieds.
- Pourquoi tu as besoin de moi ?
- Pour ne pas bouger.
Himiko se jeta par terre au moment où Valentiana fit apparaître un sabre entre ses mains et tenta de la faucher à la tête.
Alors c'était ça, la solution des laboratoires ? Se débarrasser d'elle pour brouiller les pistes ?
Elle n'était rien d'autre à leurs yeux qu'un dommage collatéral ?
Elle aurait dû s'en douter. C'était loin d'être la première fois qu'ils assassinaient des agents techniques.
Himiko se releva de justesse pour éviter un nouveau coup de sabre. Elle retint un cri à grand peine. Valentiana n'était pas une excellente combattante, loin de là, mais était déjà bien meilleure qu'elle.
En tout cas, elle refusait de se laisser faire.
Une lame la transperça par derrière. Himiko, gagnée par une douleur insoutenable, riva son regard sur le morceau de métal qui dépassait de son ventre.
Ils étaient deux.
La lame se retira. Un instant plus tard, sa tête était coupée net du reste du son corps. Valentiana, qui se s'était pas suffisamment écartée, reçut plusieurs projections sanglantes sur son visage et son uniforme.
Le corps tomba au sol dans un claquement sourd. La tête roula, puis s'arrêta contre les casiers.
Une bonne chose de faite.
Valentiana soupira de lassitude, s'essuya le visage et re-transforma son sabre en bague.
- Merci, Julien.
- Pas de quoi, répondit le magicien. C'est plus rapide quand c'est moi. Tu deviens lente.
- J'en ai déjà tué assez comme ça. Je n'ai pas l'exclusivité pour me salir les mains.
Julien haussa les épaules. Il fit trois pas pour ramasser la tête en l'attrapant par les cheveux. Du sang tomba sur ses chaussures.
- Où est-ce que je la mets ?
- Casier de Cristal Aurora. Je dois joindre un mot avec.
Valentiana lui donna le papier rédigé au préalable. Elle espérait que ce serait suffisant pour brouiller les pistes.
- Je m'en occupe et tu nettoies ? proposa Julien.
- Ça marche.
Valentiana lui donna les clés des casiers et s'en alla chercher du matériel de nettoyage dans une pièce adjacente. Au moins, ils arrivaient toujours à se débarrasser des problèmes dans des endroits faciles à laver.
Deux minutes plus tard, un balais, un seau d'eau et une serpillière en sa compagnie, elle commença à éponger le sang qui s'infiltrait sous les casiers.
- Il ne faut plus qu'on fasse ça aussi souvent, maugréa Valentiana. Ça va devenir vraiment suspect.
- Si tu veux mon avis, dit Julien en fermant le casier, c'est mal parti.