Depuis deux jours, soit sa dernière rencontre avec Caleb, Eloïse se sentait fiévreuse et bougeait à peine de son lit. Entre ça et sa fatigue, difficile d'effectuer quoi que ce soit sans avoir l'impression de tomber d'épuisement.
De ce fait, elle avait posé un congé maladie au AMI. L'organisation, fidèle à elle-même, s'était empressée d'envoyer quelqu'un sur place vérifier qu'il était justifié. Fort heureusement, difficile de passer à côté de son état de larve, aussi l'agent qui était passé avait généreusement missionné un médecin du quartier général pour la voir. Ce dernier avait supposé qu'elle avait la grippe, ce qui ne surprenait pas Eloïse. Encore un coup de son système immunitaire.
Miranda, qui avait sa matinée de libre, avait gentiment accepté de lui tenir compagnie. Elles étaient toutes les deux installées sur canapé à fleurs du deuxième salon, à regarder un programme de cuisine après avoir fait défiler les chaînes de la télévision pendant dix minutes. Enfin, regarder était un bien grand mot. Eloïse pianotait sur son téléphone, enroulée dans sa couette, et Miranda soupirait avec ennui toutes les minutes.
- Tu ne veux pas plutôt jouer aux cartes ? demanda-t-elle.
- Bonne idée si tu cherches à m'achever, répliqua Eloïse.
- Je ne te demande pas résoudre une équation du quatrième degré non plus.
- Non, mais mon cerveau est déjà à la limité de me couler par le nez.
- Charmant.
De dépit, Miranda éteignit la télévision et lança la télécommande sur le fauteuil à sa droite. Elle jeta un œil vers Eloïse, qui ne relevait pas le regard de son écran.
- À qui tu parles ?
- Andromeda.
- Elle n'est pas supposée être en cours ?
- Elle est en pause. Je lui ai demandé de faire quelque chose pour moi.
Miranda haussa un sourcil.
- À l'académie ?
- C'est une histoire amusante.
Eloïse avait voulu faire part de ses découvertes sur HR à Miranda, mais leurs emploi du temps des derniers jours l'en avait empêchée, aussi elle comptait bien en profiter aujourd'hui – sans oublier de lui demander si elle y avait bien enseigné sous un faux nom.
Puisque les photos de la fameuse Hayden Rivière qu'Eloïse avaient prises étaient floues, faute de sa précipitation, elle avait chargé Andromeda d'aller en prendre de nouvelles, qu'elle venait tout juste de lui transmettre.
- Je t'en prie, raconte, l'invita Miranda. Je préfère ça que de voir un groupe de gens cuisiner une tarte à la framboise.
Eloïse lui montra la photo d'Adriama Delaustray. La mage noire, d'abord surprise, se renfrogna instantanément.
- Ah. C'est vrai qu'ils ont toujours cette histoire de portraits dans le hall.
- Donc c'est bien toi, conclut Eloïse.
- Oui. En revanche, ça remonte à un paquet d'année.
- Cent cinquante sept. J'ai compté. Comment tu en es arrivée à être prof là-bas ?
Miranda poussa un soupir de lassitude – le énième de la matinée – et se prépara mentalement à exposer une partie de son passé.
- C'est mon fiancé de l'époque qui m'y a encouragée, alors j'ai fini par tenter. Ensuite il s'est fait assassiner. C'est ce qui m'a fait quitter mon emploi.