Lysandre marchait à travers les rues enneigées de Lille, les mains dans les poches de sa veste et le menton enfoncé dans son écharpe.
Il était furieux.
Contre lui.
Contre Eloïse.
Contre laboratoires du Phoenix.
Il était énervé contre le monde entier. Parce que sa meilleure amie était morte et qu'il n'avait rien pu faire.
Tout avait commencé par l'annonce de la véritable identité de leur professeur d'histoire à la classe. Michaël Zepleski, accompagné par deux de ses collègues, avait laissé tomber le sortilège qui le recouvrait pour se montrer sous son véritable jour.
Les réactions des élèves ne s'étaient pas faites attendre – leur professeur était en réalité un magicien de tout juste dix-huit ans ? – mais Michaël s'était longuement expliqué sur les raisons de son geste et avait affirmé qu'il prenait son travail très à cœur. Tout avait été arrangé avec la direction, non sans tensions, et il resterait jusqu'à la fin de l'année scolaire.
Lysandre n'avait pu qu'approuver. Michaël était un bon professeur, alors qu'il soit humain ou magicien importait peu.
Mais Michaël n'était pas venu qu'avec de bonnes nouvelles.
Lysandre s'était attendu à tout sauf à l'annonce du décès d'Eloïse la semaine passée.
Il n'y avait pas cru. Il avait immédiatement contesté. Eloïse était sa plus vieille amie, rencontrée alors qu'ils avaient tous les deux trois ans. Elle était une magicienne. Elle ne pouvait pas mourir.
Michaël, attristé, lui avait dit qu'il avait tout vu se dérouler sous ses yeux. Le Seigneur des Ombres était parti avec et cela faisait une semaine qu'ils n'avaient pas la moindre nouvelle de sa part, or ce n'était pas faute d'avoir essayé. La conclusion à en tirer avait été simple.
Lysandre avait passé le reste de la journée dans un état second, à ressasser le dernier échange qu'Eloïse et lui avaient entretenu.
À la fin de la journée, il n'était pas rentré chez lui. Et depuis, il marchait dans les rues sans discontinuer. Tant pis si son père s'inquiétait.
La neige cessa progressivement de tomber sur son crâne tandis que l'air s'emplissait d'une lourdeur qu'il reconnaissait maintenant comme étant celle de la magie rouge. Sous ses pieds, la poudreuse se transformait en flaques.
Il se fichait bien qu'on le voit. De toute manière, il était incapable de contrôler ses pouvoirs.
- Petit, attends !
Lysandre s'arrêta brusquement. Un jeune homme plus grand que lui, aux traits tirés et yeux bleu électriques dignes d'un magicien, trottina pour le rejoindre. Lysandre n'aurait pas su dire s'il l'avait suivi et depuis combien de temps.
- Quoi ? demanda-t-il plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu.
- Je sais que tu es un mage rouge, lui dit l'inconnu. Je t'ai senti de très loin. Tu cherches à te mettre en danger ?
Lysandre, après un dernier regard dans sa direction, reprit sa route. Les flaques sous ses pieds se transformèrent en vapeur.
L'inconnu le suivit.
- Tu ne contrôles pas tes pouvoirs.
- C'est mon problème, pas le votre, contra Lysandre.
- Au contraire. Je viens te proposer mon aide.
Lysandre se figea. De l'aide ? Ça, il en aurait bien besoin, mais de la part d'un inconnu ? Était-il vraiment si désespéré ?
Oui, mais il avait du mal à l'admettre.
Le magicien regarda autour de lui pour vérifier qu'ils étaient toujours seuls. Eloïse avait un jour parlé de chasseurs de magiciens qui parsemaient la ville. La pensée n'avait pas traversé l'esprit de Lysandre, mais ils auraient pu facilement s'en prendre à lui, qui agissait comme un phare dans la nuit.
- Pourquoi vous voudriez m'aider ? demanda-t-il.
- Parce que tu te mets en danger. Et parce que je peux. J'ai connu des gens de ta situation et je sais à quel point c'est difficile.
Lysandre sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses mains se crispèrent dans ses poches. De nouveau, il sentit la neige lui tomber sur le visage.
Pourquoi tout devait être si difficile ? Il avait l'impression que le monde entier lui tombait dessus alors qu'il n'avait rien fait. C'était profondément injuste. Alors qu'on lui propose ainsi de l'aide...
Lysandre avait arrêté de l'attendre alors que c'était tout ce dont il avait besoin.
- Qui êtes-vous ?
Le magicien tâcha de lui adresser un sourire rassurant. Lysandre ne savait pas trop s'il le regretterait, mais il lui accorda tout de suite sa confiance.
- Je m'appelle Phrixos Elyren. Ravi de te rencontrer.