Black Bikers, Tome 3 : La lionne enragée

Chapitre 3

Avec mes études, j'ai été habitué à lire depuis que je suis jeune. Après avoir sauté des classes et être devenue la plus jeune étudiante en droit que Harvard n'a jamais connu, j'ai dû répondre à certaines exigences. Je devais être parfaite et ainsi, j'ai dû m'améliorer sur chacune de mes lacunes notamment la littérature. J'aime les livres, c'est un fait, mais je n'arrive pas à lire un livre complet, j'ai souvent l'impression de perdre mon temps, d'avoir autre chose de plus intéressant à faire. On m'a habitué à m'améliorer sur chacune de mes connaissances et lorsqu'on me demandait de m'asseoir et de lire les plus grands classiques de la littérature américaine et britannique, j'avais juste l'impression que ça ne me servirait jamais. Jack London, Washington Irving, Henry David, Emily Dickinson, Arthur Miller, Samuel Johnson, les sœurs Brontë... J'en ai lu assez pour faire plaisir à toutes mes connaissances et mentors, mais je n'en ai jamais vraiment éprouvé du plaisir à proprement parler. Rien à voir avec la sensation que gagner un procès ou un simple débat au lycée me faisait ressentir. C'est l'action qui me fascine, qui m'exalte, ce n'est pas forcément l'intellect à proprement parler.

Pourtant, lorsque je rentre dans cette petite librairie de campagne, j'éprouve quelque chose de doux. Je ne sais pas d'où ça provient, mais dès mes premiers pas, je sens mes émotions s'apaiser. Quand la libraire me voit entrer, son sourire est authentique et elle repose le livre qu'elle lisait pour se pencher vers moi.

— Bonjour, est-ce que je peux vous aider ?

Je ne sais pas pourquoi je suis ici. Je ne devrais plus m'intéresser aux lieux qu'ils ont écrits sur ma feuille de route, ni même continuer à faire des recherches sur les Black Bikers, encore moins depuis la remarque de Harry, pourtant, je suis là. C'est plus fort que moi. À chacune de mes découvertes, à chaque chose que j'apprends sur les Black Bikers, j'ai l'impression de comprendre un peu mieux les choix de ma famille. C'est complètement insensé, mais c'est comme ça.

— Bonjour. Je ne fais que regarder, merci beaucoup.

Cette femme me donne envie d'être gentille. Elle est plus jeune que moi, elle doit avoir aux alentours de la vingtaine et elle dégage une aura si douce que je n'arrive pas à agir comme je le fais d'habitude. Elle ne dégage aucune animosité, aucune méchanceté, elle n'est que douceur et tendresse. Bien loin des personnes que je connais normalement. C'est un tel plaisir d'être là, à côté d'elle, que je m'approche de la caisse pour regarder les premiers rayonnages.

Je suis toujours sur la défensive, depuis que je suis enfant, à cause de mes facultés. Tout le monde pense que je suis un miracle, une personne incroyable avec un QI au-dessus de la moyenne, mais la réalité est tout autre. Je suis incapable de discuter avec les autres. C'est une chose que j'ai réalisée lorsque j'étais encore en primaire, dès qu'une enfant de mon âge me parlait, je n'arrivais pas à suivre la conversation. Je ne comprenais pas l'intérêt qu'ont certains pour les balles à la récréation, ou bien le gâteau au chocolat du goûter. Pour moi, ces informations n'étaient pas inutiles, non, mais incompréhensibles. Aussitôt, j'ai senti que je ne pouvais pas parler avec n'importe qui, n'importe comment. Parce que mes inquiétudes n'étaient pas les mêmes. Moi, je m'inquiétais parce que la météo avait prévu de la pluie le lendemain et je devais déjà réfléchir à comment j'allais m'habiller, ou même à l'exposé que j'allais devoir rendre dans trois semaines. Ce n'était pas pareil et quand j'en parlais, tout le monde me répondait que ce n'était pas grave, que je n'avais pas à y penser. Mais ça ne faisait que m'inquiéter encore plus.

Alors j'ai cessé de parler avec les autres dès mon entrée au collège, alors que j'avais huit ans. Après avoir sauté plusieurs classes, je me suis retrouvée à être la plus jeune élève de mon collège privé. On en attendait encore davantage de moi. Et ainsi de suite.