Chapitre 10

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Charlie

Présent

Je sens quelque chose me caresser la main, c'est chaud, doux, agréable. Cela contraste avec les sensations du reste de mon corps, j'ai l'impression d'être passée sous un camion. Où je suis ? Cette odeur qui règne, elle me dit quelque chose. Un mélange entre du désinfectant et du détergent.

Je parviens à ouvrir les yeux, tout est flou, mais je reconnais la voix de ma mère.

- Lia ! Lia vite va chercher une infirmière ! Elle se réveille.

Pourquoi est-ce qu'elle crie comme ça ? Je suis juste tombée dans les pommes, je m'en souviens, au brunch. J'entends un bip régulier, qui résonne dans ma tête. Je cligne des yeux plusieurs fois, fort, lentement, les paupières lourdes, douloureuses, comme si de minuscules grains de sable étaient coincés à l'intérieur, me brûlant à chaque frottement.
Ma vision s'éclaircit peu à peu, je regarde autour de moi, perdue. La panique me gagne.
Qu'est-ce que je fais à l'hôpital ? Un homme en blouse blanche s'approche de moi, j'essaie de bouger, de parler mais je ne peux pas, je ne suis qu'un énorme sac de nœud douloureux. Je regarde partout autour de moi avant d'être happée par sa voix.

- Bienvenue parmi nous Charlie, tu as fait une jolie frayeur à ta famille. Il pose ses mains sur mes épaules pour me contenir. Non non ne bouge pas, doucement, tu pourrais te blesser, le médecin va arriver, on va te faire un examen rapide. Il me lâche pour regarder l'écran à côté de moi et note des choses sur un carnet posé sur la petite table. Tes constantes sont bonnes je vais te retirer ce tube de la gorge, il t'aidait à respirer.

Quoi ? M'aider à respirer ? Pourquoi est-ce que j'ai eu besoin d'aide ? J'ai l'impression de juste avoir fait une grosse sieste. Il demande à ma mère et à Lia de quitter la pièce.
Il retire l'aide respiratoire non sans douleur. J'ai l'impression qu'on m'arrache les entrailles, le médecin arrive au même moment, il me tend un verre d'eau et une barquette en plastique.

- Tiens, rince-toi la bouche mais n'avale pas pour le moment. Tu pourras boire plus tard quand on se sera assuré que tout va bien.

Il m'aide à me redresser. Je porte ma main sur le côté de ma tête, je sens un énorme pansement, je regarde mes bras, je suis perfusée. Ça a l'air plus sérieux que ce que je pensais, je prends l'eau en bouche en faisant bien attention de tout recracher.

- Alors Charlie, pour faire clair tu as eu un traumatisme crânien en tombant, nous avons dû te placer dans le coma pour être sûr que ton cerveau et ton corps se reposent, tu as eu un saignement important, dans ces cas-là on ne prend aucun risque, ça fait deux jours que tu dors presque trois en fait. Est-ce que tu te rappelles de ce qu'il s'est passé avant ta chute ? Une douleur particulière ? Quelque chose qui pourrait donner une explication à ton état ?

Deux jours ? Impossible... Je fais non de la tête et je baisse les yeux sur les mains, le gobelet vide toujours entre elles.
Quelle piètre menteuse, je me rappelle très bien ce qui a causé ma perte de connaissance. Une douleur ? Oui la pire douleur que j'ai ressentie depuis la nuit de sa mort. Une douleur qui m'a transpercé jusqu'au plus profond de mon âme. Une douleur que je ne pensais plus jamais ressentir.

Lui, il était là, j'en suis sûre c'était lui, ce n'est pas un pressentiment, c'est une certitude, c'est viscéral, je l'ai ressenti jusqu'au plus profond de mon être, je ne peux pas l'expliquer et je ne veux pas en parler, pas maintenant, pas après tout ce temps, pas après dix-sept ans et si je me trompais ? Non, je ne peux pas, je revois ses yeux bleus, la cicatrice qui traverse ses lèvres, la scène de cette nuit-là m'a percutée de plein fouet comme un énorme coup de poing en plein visage. C'était lui, avec quelques rides en plus. Le choc de le voir se tenir là devant moi avec sa famille alors que mon père est six pieds sous terre m'a fait défaillir, j'ai cru que la vie allait me quitter quand ses yeux se sont plantés dans les miens.

Pure HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant