Chapitre 26

158 26 106
                                    

Damian

Présent

Le coup de fil de Terry me fait l'effet d'une bombe. La terre explose autour de moi et ne laisse qu'un champ de ruine. Je n'arrive pas à assimiler la moitié des mots qui sortent de sa bouche. Il pleure de l'autre côté du téléphone, il sanglote, j'entend des gens crier derrière lui, le brouhaha des sirènes. Et subitement mon corps entre en état d'urgence.

Fusillade... Book'n'coffee... Charlie... Darius... Hôpital... Police...

Silvio me regarde les yeux remplis d'incompréhension.

- Mec, qu'est-ce qu'il y a ? Tu es blanc.

- Je... Je ne sais pas, il y a une fusillade... il faut qu'on aille à l'hôpital rapidement.

Il me demande de lui expliquer calmement mais les mots me manquent. Il me pousse jusqu'à sa voiture avec force, et je me laisse faire, comme un pantin. Sur le trajet, j'essaie de joindre Charlie une bonne cinquantaine de fois mais elle ne répond pas. Je tape du poing contre la portière. Merde. La panique me gagne, je transpire à grosse goutte, mes mains sont moites et mon cœur va finir par exploser à son tour. Je ne me suis jamais senti comme ça, déséquilibré, suffoquant, ma cage thoracique me brûle, je me sens tomber au bord du précipice de la panique.

- Silvio accélère s'il te plaît.

Il s'exécute sans questions et conduit comme un fou, nous grillons au moins trois feux rouges et nous manquons d'écraser un gars sur le chemin mais je m'en branle, je ne pense à rien d'autre que Charlie.

Charlie putain, est-ce que tu vas bien ? Faites que tu ailles bien.

Nous nous garons devant les urgences de notre ville et entrons au pas de course, j'ai l'impression de retomber quelques mois en arrière quand j'ai eu ma sœur au téléphone m'annonçant que Charlie avait eu un accident à Los Angeles, en pire, en bien pire.

L'homme à l'accueil indique à Silvio un couloir, je cours à en perdre haleine. Et je la trouve, recroquevillée dans les bras de ma mère, elle est couverte de sang. Elle ne dit rien et regarde dans le vide. Je me stoppe net, la voir ainsi raidit mon corps. Mes yeux la quittent pour se poser sur les parents de Darius, en larmes, sa mère est à genoux, son père est retenu par un infirmier, il crie, il veut voir son fils, son petit garçon, mes oreilles se mettent à siffler je n'entends plus rien, mes tympans me font souffrir.

Un hurlement vient me sortir de ma torpeur, je reconnais ce cri, cette voix. Lia, ma sœur, ma petite sœur, Silvio, lui barre la route, il la tient contre lui. Elle hurle, hurle encore. Elle veut qu'on la laisse passer, elle ne ménage pas notre ami et cogne son torse et ses jambes de toutes ses forces, mais il ne lâche pas, il garde Lia contre lui et la serre avec poigne.

Un médecin s'approche, un air navré sur le visage, sa blouse est souillée par le sang.

- Je suis désolé... il s'essuie le front. Nous n'avons rien pu faire pour réanimer votre fils.

Je reste là, je ne peux pas bouger, j'aimerais avancer pour consoler ma sœur, pour consoler les parents de Darius mais mon cerveau refuse à mon corps le moindre mouvement. Mes jambes me lâchent, je tombe à genoux, tête baissée et bras ballants.

Nous restons là plusieurs heures à pleurer sa mort. Quand Lia et ses parents partent auprès de lui. Je me lève enfin.

- Charlie ?

Elle ne répond pas, elle regarde dans le vide, son visage est crasseux, les larmes et le sang entachent ses traits. Je ravale un haut le cœur. Elle est blanche, son regard est vitreux, comme si son âme avait quitté son corps. Elle a encore vu la mort, de trop près, elle ne s'en remettra jamais. Je veux la prendre par la main, je remarque qu'elle tient quelque chose dans son poing, elle serre si fort que ses jointures sont blanches.

Pure HeartsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant