Charlie
Présent
Depuis que nous sommes rentrés de Los Angeles, nous avons transformé le sous-sol de Silvio en bureau de police, on se croirait dans un film. Nous avons accroché un énorme tableau plein de post-it et d'annotations, le portrait robot de l'inconnu, nous essayons de trouver des liens, mais que trouver quand nous ne sommes personne. Comment relier une pauvre femme qui travaille dans un restaurant au meurtre d'un flic sans histoire commis il y a dix-sept ans ? C'est mission impossible et je le sais.
J'ai essayé de joindre Zachary pour lui proposer plus d'argent pour qu'il enquête sur cette Zoé mais son portable est sur messagerie. Je lui ai envoyé des dizaines de messages mais ils sont restés sans réponse. Et je me suis sentie abandonnée, encore. Moi qui pensais que c'était un type bien, je me suis royalement plantée. Qu'il aille au diable. Les garçons m'avaient prévenu, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Je ne placerai plus jamais autant d'espoir en personne, surtout en un inconnu.
Je me regarde dans le miroir, replace mes cheveux et lisse ma robe noire du bout des doigts. Aujourd'hui a lieu la commémoration pour mon père. Je déteste cette journée, j'aurais voulu ne pas me réveiller, rester au lit et penser à lui dans mon coin. Ma mère est déjà au cimetière, je dois l'y rejoindre avec Lia dans quinze minutes.
Quand elle passe me prendre, elle n'est pas elle-même, elle hait cette journée autant que moi. L'éclat qui fait habituellement briller ses yeux verts n'est pas là aujourd'hui. Malgré la présence de Darius, elle affiche un air grave, sa mine est triste.
- Allez les beautés, haut les cœurs.
Il embrasse la tempe de mon amie, le coin de ses lèvres s'étirent légèrement. Je les observe avec tendresse. L'amour qu'il y a entre ces deux là est palpable, je jugerai que l'on peut voir cette aura autour d'eux quand ils se tiennent. Le même amour qui unissait mes parents, sous sa forme la plus pure. Deux âmes qui n'avaient pas d'autre choix que de se rencontrer car leurs destins sont liés. Des âmes sœurs, ça crève les yeux. C'est le souhait de chaque être de vivre ça, mais pas le mien. Jamais je ne voudrais aimer quelqu'un au point ou ça me détruirait si je le perdais.
—
Le cimetière est bondé. Comme chaque année, nous posons tous des fleurs sur sa tombe, nous disons quelques mots et nous nous recueillons.
Tout le monde a la tête baissée, le silence plane dans le cimetière.
Je me sens mal à l'aise, ma nuque se couvre de frissons, j'ai l'impression qu'on m'observe. Je deviens complètement paranoïaque, depuis que les garçons m'ont dit avoir vu l'homme du portrait-robot devant le garage, j'ai l'impression que son ombre plane sur moi. Je vis la peur au ventre, de le revoir, qu'il surgisse et de subir le même sort que mon père.
Je regarde par-dessus mon épaule, il n'y a personne derrière moi. Silvio remarque mon trouble et attrape ma main, mais contrairement à d'habitude, ça ne calme pas mon angoisse, au contraire, ça s'intensifie. Son visage apparaît dans mes pensées, comme dans mes cauchemars. J'ai envie que ça s'arrête. Cette sensation de malaise ne me quitte plus, je la revêt comme une seconde peau et ça me ronge de l'intérieur. Je n'ai pas les épaules assez solides pour supporter ça. Je me sens comme un vieil arbre fatigué, dont le tronc est prêt à céder au moindre coup de vent.
C'est la première année depuis sa mort que je ne pense presque pas à mon père pendant la cérémonie, du moins pas de la même manière que d'habitude.
Une fois tout le monde parti, nous décidons d'aller manger au restaurant tous ensemble, c'est ce que mon père voudrait, qu'on le célèbre en riant, en étant en famille. Mais cette fois le cœur n'y est pas pour moi.
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Pure Hearts
RomanceCharlie , le deuil et l'amnésie traumatique ont marqué son enfance. Après avoir passé toutes les étapes de ce deuil et accepté cette perte de mémoire, elle vivait une petite vie tranquille . Une famille et des amis aimants , un petit ami sympa, un...