1er décembre

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En se regardant dans le miroir, elle jugeait sa tenue, n'étant jamais totalement satisfaite par son reflet. A maintenant vingt-cinq ans, elle avait largement laissé derrière elle l'adolescence, trouvant sa place dans le monde avec, finalement, assez de caractère.

Elle était revenue à Poudlard, après ses études, pour devenir professeur. Si, au départ, elle venait surtout en aide à Minerva, cette dernière avait finalement accepté de délaisser son rôle de professeur pour devenir, à temps plein, la directrice de l'école. C'est donc finalement comme cela qu'Hermione avait eu, également, un poste fixe, au sein du château, enseignant la culture moldue à ses élèves.

Depuis la fin de la guerre, le Ministère avait été forcé d'admettre que les sorciers d'origines moldues sont souvent ceux qui sont le plus marginalisés et pointés du doigt, comme si leur différence était aussi visible que le nez au milieu d'un visage. Pour combattre cela, il leur avait semblé évident d'instaurer de nouveaux cours qui permettraient de mettre tout le monde, sur un même pied d'égalité.

La voilà donc, à enseigner les coutumes moldues, aux sorciers, et à aider les né-moldus, surtout les plus jeunes, à s'adapter à ce nouveau monde qui s'ouvre à eux. Elle avait d'abord craint de ne pas savoir faire preuve d'assez d'autorité envers ses élèves, surtout les plus âgés avec qui elle n'avait que quelques années de différence. Finalement, ils avaient tous semblé comprendre rapidement la différence de statut qui se dressait entre eux.

Elle veillait toujours à être présente pour ses élèves, à leur octroyer du temps pour les écouter et les aider au maximum et c'est naturellement qu'un respect mutuel s'était instauré.

Ce qui avait été moins évident avait été la collaboration avec ses anciens professeurs. Ils l'avaient accueillie chaleureusement, pour la grande majorité, l'encourageant à se joindre à eux, mais elle ne parvenait pas à se voir comme une égale à côté d'eux. Le seul avec qui cette frontière semblait plus mince était, étonnamment, le professeur Snape. Mais il y avait tellement longtemps qu'elle avait cessé de ne voir en lui que le professeur de Potions ...

A cette pensée, elle ne put s'empêcher de rougir, replongeant plusieurs années en arrière.

Elle devait être en dernière année, après la guerre, quand pour la première fois, elle avait découvert une autre facette de lui. A l'époque, elle allait régulièrement à l'infirmerie pour aider Mme Pomfresh. Quand elle était entrée, ce samedi-là, l'infirmière était occupée auprès du Maître des Potions, qui était allongé dans l'un des lits.

Le soleil brillait dehors, inondant la pièce d'une lumière claire et pure. Ce décor contrastait avec la scène qui se dressait devant ses yeux. Les draps du lit étaient tâchés de sang, trahissant la présence de blessures plutôt sérieuses.

Tout naturellement, elle s'était avancée pour aider une infirmière visiblement débordée. Durant des heures, elles avaient dû s'évertuer à soigner les plaies qui zébraient le corps pâle de l'homme. Ce n'est qu'une fois cette tâche terminée qu'elle s'était risquée à poser plus de questions.

« Que s'est-il passé ?

-Une agression, alors qu'il faisait des achats. Malgré son rôle durant la guerre, malgré les preuves présentées durant son procès, des personnes ne semblent toujours pas satisfaites et sont en colère de le voir enseigner, librement.

-Vous parlez comme s'il ne s'agissait pas de la première fois ...

-Parce que ce n'est pas la première. Surtout, ne dites pas que vous étiez là aujourd'hui : normalement, je ferme l'infirmerie, pour que personne ne puisse être témoin de cela. »

Elle avait tenu sa langue, évidemment, mais cet épisode ne l'avait pas laissée indifférente. Il lui arrivait, depuis, de penser à lui, avec des pensées qui s'étaient faites de plus en plus douces. Elle avait pu entrevoir l'homme qui se cachait derrière ce masque d'indifférence et cela ne l'avait rendue que plus curieuse encore.

Une fois Poudlard derrière elle, elle avait pensé que cette histoire resterait entre les murs, comme un souvenir d'étudiante qui naît et meurs en quelques mois. Mais elle n'avait pas imaginé revenir au château et encore moins, pour y enseigner. Dès les premières semaines, elle avait été presque percutée par tous ses souvenirs et tous les sentiments qui y étaient liés.

Avec lui, au fil des mois, il lui arrivait d'échanger, de plus en plus régulièrement. Ils parvenaient à débattre, sur divers sujets et tout semblait naturel.

Elle avait pu satisfaire, d'une certaine manière, sa curiosité, et découvrir que, derrière ce masque froid et distant, se trouvait bien un homme, cultivé, posé, réfléchit. Une personne qui était doté d'un charisme désarment et d'une autorité naturelle à en désarmer plus d'un. Il était différent en dehors de sa salle de classe, comme s'il abandonnait un peu de son acidité, sans pour autant devenir mièvre.

Des coups à sa porte la ramenèrent à la réalité, chassant de son esprit toutes ces pensées. Minerva venait la chercher pour se joindre au repas du soir.

Depuis quelques temps, elle préférait rester seule, dans sa chambre, pour la soirée, mangeant très peu, blottie dans son plaid, au coin du feu. Elle appréciait ces instants où elle pouvait se retrouver seule, chez elle, pour penser à tout et à rien en particulier. Elle se laissait bercer par les danses et le crépitement des flammes dans l'âtre. Après des journées agitées, elle était heureuse de retrouver un peu de quiétude, isolée du monde.

Visiblement, la directrice ne l'entendait plus de cette oreille et elle était déterminée à s'assurer que sa jeune recrue mangerait bien, ce soir.

Elle avait enfilé une tenue moldue, appréciant retrouver un peu de simplicité en dehors des heures de cours. D'habitude, en semaine, elle portait des vêtements sorciers, sans aller jusqu'à revêtir des robes aussi extravagantes que celles d'Albus. Puisque les jours  terminés pour aujourd'hui, elle pouvait se permettre de porter un pantalon ample brun et un pull orangé.

Alors qu'elles marchaient, toutes les deux, dans les couloirs, jusqu'à la grande salle, Hermione fut surprise par un coup de vent glacial. Elle se félicita d'avoir choisi un pantalon molletonné, prête à affronter la fraîcheur du mois de décembre, qui commençait pourtant à peine.

« L'Ecosse n'est pourtant pas reconnue pour être la région la plus douce, en hiver.

-Je sais, mais étrangement, je suis toujours étonnée quand arrivent les premières gelées. »

L'ambiance était légère et dans la Grande Salle, une douce chaleur régnait. Les conversations allaient bon train, tant aux tables des étudiants, qu'aux tables des professeurs. C'était une chose qu'elle avait pu constater, en intégrant l'équipe éducative : en matière de ragots, les professeurs étaient loin d'être sages et innocents. Ils se plaisaient à échanger à chaque repas sur bon nombre de rumeurs et de bruits de couloirs qu'ils avaient pu entendre.

« Et vous, ma chère, vous joindrez-vous à nous ? »

C'était Aurora qui venait de l'interpeler et c'est un peu gênée qu'elle avait dû avouer qu'elle n'avait pas écouté la conversation. Apparemment, ils étaient plusieurs professeurs à échanger sur le même sujet, se mettant visiblement d'accord.

« Nous sortons, comme chaque vendredi soir, serez-vous des nôtres ? »

Elle hésita quelques instants, se demandant si elle était véritablement d'humeur à sortir, demain. Devant les mines presque suppliantes Pomona et Poppy, elle abdiqua, rassurant tout le monde sur sa présence.

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant