3 décembre

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Elle avait passé une nuit paisible si bien qu'elle se demandait si elle n'avait pas rêvé ce qu'il s'était passé durant la soirée. Encore blottie dans ses couvertures, elle pouvait se permettre d'y repenser autant qu'elle le désirait. Le samedi matin,  peu de personnes assistaient au petit-déjeuner et son absence ne serait donc pas nécessairement remarquée.

Il allait donc dans ce bar tous les mercredis, vendredis et samedis. Était-ce une sorte d'invitation déguisée, ou une simple information ? Dans un sens il était étrange d'imaginer qu'il pourrait l'inviter à se joindre à lui ... Mais on ne pouvait tout de même pas dire qu'il avait l'habitude de dévoiler des informations  a tout le monde. C'était-il permis de le faire uniquement parce qu'il s'agissait d'elle ? Était-ce uniquement parce qu'elle avait passé la soirée avec lui ?

Une chose sur laquelle elle pouvait être certaine, c'est qu'il attendait d'elle qu'elle soit présente. Il avait été assez clair, preuve qu'il pouvait l'être quand il le voulait. S'il s'attendait à ce qu'elle soit là, à quoi devait-elle s'attendre ?

Décidant qu'il s'agissait de bien trop de réflexions pour un samedi matin, elle se redressa, décidée à se sortir cette histoire de la tête jusqu'à la fin d'après-midi. Évidemment, c'était vain mais elle avait envie de s'en persuader autant que possible.

Elle se plongea dans ses préparations de leçons, la tête complètement ailleurs pendant plusieurs heures. Au diable le repas de ce midi, elle se fit apporter une petite assiette garnie de sandwichs, directement dans sa chambre, se remettant au travail le plus rapidement possible.

Elle devait terminer de rédiger la leçon pour la semaine suivante et ne devait surtout pas oublier de terminer les corrections des derniers devoirs si elle voulait pouvoir voir les mines réjouies de ses élèves au prochain cours. Étonnamment, ils étaient toujours très impatients de découvrir leurs points, même pour ceux qui savaient qu'ils n'avaient pas été parmi les plus brillants.

Quand elle releva les yeux pour la première fois, le soleil descendait lentement pour aller se coucher derrière les collines. Le ciel  teinté d'une couleur orangée délicate et absolument magnifique, presque hypnotisante. L'après-midi touchait doucement à sa fin, lui donnant le signal pour le reste de sa soirée.

Son travail était terminé, elle était libre de penser à ce qu'elle voulait et à qui elle voulait. Elle n'était pas  de vouloir quitter le confort de ses appartements, à nouveau, mais l'idée de pouvoir profiter d'une nouvelle  avec lui était tout de même tentante. Plus elle y réfléchissait, plus elle avait envie d'y aller, curieuse des conversations qu'ils pourraient avoir et se languissant de sa voix grave, posée et délicate, comme du velours.

C'était dans aucun doute l'une de ses caractéristiques préférées. Elle avait toujours apprécié l'entendre parler quand il leur donnait cours, y trouvant tout le  et la concentration dont elle avait besoin, allant jusqu'à s'en inspirer. Très rapidement, elle s'était retrouvée empreinte de cette voix, l'entendant même alors qu'elle était seule, dans la salle commune, pour faire ses devoirs.

Quand elle l'avait vu, dans l'infirmerie, elle avait été surprise et touchée de voir qu'il pouvait lui arriver d'être faible. Sa voix était alors plus tremblante, presque  par la douleur. Il était un homme, comme les autres, et sa voix, qui était d'ordinaire son armure face au reste du monde pouvait également le trahir.

Décidément, elle avait bien trop pensé à lui aujourd'hui que pour pouvoir se dérober. Comme si elle subissait le choix du destin, elle décida de se préparer pour finalement se rendre au bar, comme elle l'avait déjà fait la veille.

Elle n'avait rien choisi de très extravagant comme tenue, n'arrivant pas à se défaire de ses vêtements moldus. Même si le bar était bien chauffé, il lui fallait tout de même affronter le vent glacial sur le chemin, si bien qu'elle opta pour un pull en mailles rouges et un pantalon noir. Ses bottines enfilées, elle se mit en route rapidement, trouvant son trajet étrangement plus rapide, aujourd'hui. Peut-être marchait elle un peu plus vite ...

En arrivant, elle constata qu'elle était à peine plus tôt que la veille mais vit également qu'il était déjà là.

« À quelle heure arrivez-vous donc ?

-Vous avez besoin d'un argument de plus pour me traiter d'ivrogne ?

-J'ai besoin de savoir à quelle heure je dois partir, si je ne veux pas vous faire attendre. »

Elle afficha un sourire à la fois malicieux et sincère, s'installant face à lui, comme si rien n'avait changé depuis hier. Il avait déjà un verre et très rapidement, elle fut également servie, pouvant se plonger librement dans leurs échanges et se couper du monde.

Quand ils discutaient de la sorte, c'était comme si rien d'autre n'existait, pour l'un comme pour l'autre, même s'ils étaient loin de s'en douter.

Les heures défilaient, sans qu'ils n'en aient conscience. Plongés dans la pénombre de cette arrière salle, ils parvenaient à se faire discret, comme pour dissimuler un précieux secret. Ils ne faisaient pourtant que discuter, mais il y avait un sentiment d'interdit à se retrouver là, tous les deux.

D'ordinaire, il préférait la solitude et siroter son verre, calmement, à l'abris des regards. C'était une manière de décompresser et de se couper du reste du monde. Les premières années après la guerre, il avait souvent dû faire face à des attaques. Il s'était toujours retenu de répliquer, sachant qu'il risquait de perdre le peu qu'il lui restait. Il avait finalement arrêté de quitter Poudlard autant que possible, se satisfaisant des moments passés au château ou à Pré-au-Lard et se faisant livré ses ingrédients dès qu'il en avait l'occasion.

Il ne savait pas trop ce qui l'avait poussé à lui donner ce rendez-vous. Quand elle l'avait interpelé, au moment où ils prenaient tous les deux le chemin de leurs appartement, il avait répondu sur un ton pour le moins automatique. Il avait apprécié cet instant et n'était pas prêt à ce que cette soirée, passée avec elle, soit la dernière.

Elle lui apportait un souffle de fraîcheur, comme une brise libératrice qui envoie tout valser et le libère de chaînes invisibles qu'il portait depuis déjà bien trop longtemps. Elle était différente et lui apportait quelque chose d'indéfinissable, mais de définitivement inédit. Tout cela, il pouvait se l'avouer s'il était seul, dans ses appartements, durant un moment où il se sentait faible de succomber à de telles pensées. Mais jamais il ne pourrait formuler ces pensées à haute voix, et encore moins devant elle.

Tout comme la veille, le soir était tombé très rapidement, noyant le paysage dans la pénombre, comme si on venait de renverser un encrier sur un parchemin. La journée du samedi disparaissait, les plongeant dans la menace de la semaine à venir alors qu'ils rentraient, lentement, vers l'école.

S'ils avaient longuement échangé jusqu'à présent, ils ne disaient pas un mot sur le chemin de retour. Loin d'être plongée dans ses pensées, Hermione désirait plus que tout pouvoir capter autant de détails que possible, dans la présence de l'homme, à ses côtés. Elle voulait pouvoir mémoriser ce qu'elle ressentait, en marchant auprès de cette homme. Elle avait vécu une sorte de parenthèse, dans la réalité, comme si le destin lui offrait quelques instants, hors du temps et hors d'atteinte, ou elle pouvait profiter, un peu égoïstement. Avec le début de la semaine, elle serait absorbée par la vie et en un claquement de doigts, ces soirées seront déjà bien loin.

A croire qu'ils suivaient le même scénario, ils se séparèrent devant les escaliers, sachant que lui descendraient vers les cachots et qu'elle devait monter dans les étages. Mais ce n'est pas elle qui brisa le silence pour l'interpeler. Au contraire, c'était à son tour de s'immobiliser en haut des marches.

« Vous saurez où me trouver mercredi. »

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant