9 décembre

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Elle avait toujours été heureuse en voyant la fin de la journée, évidemment, mais aujourd'hui, tout particulièrement, elle avait hâte de pouvoir quitter l'école. Cette fois, Minerva ne pourrait pas l'intercepter pour s'entretenir avec elle sur un sujet, peu importe lequel. Elle voulait rentrer chez elle et déposer son sac pour pouvoir filer, en toute liberté, jusqu'à Pré-au-Lard.

Les hordes d'élèves se bousculaient dans les couloirs, mais, forte de son rôle de professeur, elle parvenait à se frayer un chemin avec un peu plus de facilité. Elle ne croisa pas sa directrice, pour son plus grand bonheur, mais, une fois revenue chez elle, elle prit peur. Se pourrait-il que Minerva ait prévu, elle aussi, de se rendre à Pré-au-Lard ? L'invitation avortée remontait au vendredi précédent donc, en toute logique, toutes les invitées devraient se retrouver aujourd'hui.

Au diable ses collègues, elle ne voulait pas changer ses plans. Elle comptait se dépêcher jusqu'au bar pour s'y installer, bien au calme, à l'abris des regards. Avec un peu de chance, elle pourrait se faire assez discrète jusqu'à ce qu'il arrive.

C'était étrange de réaliser que ça ne faisait qu'une semaine qu'ils s'étaient retrouvés pour la première fois dans le bar. Les jours s'étaient succédés à une vitesse folle et elle avait pourtant l'impression que ça faisait des années qu'ils se retrouvaient à cet endroit, tous les deux. Ces rendez-vous avaient le goût de l'habitude, sans avoir pour autant perdu de leur piquant.

Depuis le temps qu'elle pensait à lui, secrètement, jamais elle n'aurait pensé en arriver à ce point. Dans ses rêves les plus absurdes, ses sentiments étaient peut-être partagés. Et dans les plus extravagants, il lui arrivait d'imaginer que tout ceci aille plus loin. Mais jamais elle n'aurait pu envisager le retrouver, en dehors de ses songes les plus intimes.

Quand elle était avec lui, c'était comme une dimension parallèle, un endroit où plus rien n'existait. Elle ne devait penser à rien, pouvait se laisser bercer. Il avait l'art de la rassurer et de la pousser dans ses retranchements, il l'acceptait telle qu'elle se présentait à lui et, en même temps, parvenait à la challenger, juste ce qu'il fallait pour qu'elle puisse exprimer son potentiel. A son contact, elle se sentait évoluer, se sentait stimulée.

Elle s''installa sur la banquette, dans le bar, sachant pertinemment qu'il s'agissait de sa place habituelle. Au moins, elle pourrait se cacher au mieux, jusqu'à ce qu'il arrive.

Elle ne savait pas à quelle heure il arrivait d'ordinaire mais eu très rapidement une réponse en le voyant apparaître, dans l'encadrement. Il était surpris de voir qu'elle était déjà là et d'autant plus, installée à sa place. Elle était fière de son effet, affichant un sourire lumineux.

"Je vois que vous avez appris des leçons de la dernière fois.

-Hors de question de faire deux fois la même erreur."

Elle fut étonnée de voir qu'il s'installa à côté d'elle, ayant imaginé qu'il s'installerait en face, comme elle en avait eu l'habitude. Mais pour autant, elle n'en était pas déçue, appréciant de pouvoir sentir sa chaleur, si proche d'elle. Il avait retiré sa cape pour la déposer juste à côté d'eux, à la table voisine, sachant que personne ne viendrait à côté d'eux.

Il retrouva rapidement la place à côté d'elle, comme s'il était naturel pour eux d'être si proches. Il se souvenait encore de cette dernière soirée qu'ils avaient terminé enlacés. Etonnamment, ce moment lui était resté en mémoire, le suivant encore jusqu'à aujourd'hui. Tout avait semblé si simple et évident à son contact, qu'il en avait été étonné.

Même s'il lui était déjà arrivé de penser à elle, et à la jeune femme qu'elle était devenue, jamais il n'aurait pu imaginer partager des moments comme cela avec elle, et encore moins les apprécier autant. Lui qui avait d'habitude en horreur les contacts physiques, le voilà presque en train de rechercher le sien.

Il la vit rougir et ne put s'empêcher de penser qu'elle avait certainement moins de courage que le mercredi soir.

"Serait-ce a vous, cette fois, de devoir accepter les attentions ?

-Je n'étais pas prête à en recevoir.

-Et pourtant ..."

C'était comme parler de deux choses différentes mais étroitement liées, en utilisant les mêmes mots. Ils arrivaient à jongler avec cette ambiguïté et ses sous-entendus, sans pour autant véritablement vouloir accepter ce qu'ils signifiaient véritablement.

Comme souvent, le silence se prolongea quelques secondes, comme si le temps était suspendu au-dessus d'eux. L'univers leur donnait l'opportunité de passer un peu plus de temps ensembles et ils ne savaient que trop bien à quel point ce temps était précieux.

Le bar était plus animé ce vendredi, étant le jour qui donnait le top départ du week-end, ils n'étaient pas les seuls à avoir décidé de sortir pour quitter leur quotidien rythme par le travail. Elle regardait régulièrement en direction de la porte, jetant des coups d'œil pour s'assurer de ne pas voir apparaître Minerva pu une autre collègue.

"Et je dois supposer que ces regards a répétition en direction de la porte traduisent quoi ? Une envie irrépressible de fuir, ou l'attente impatiente de quelqu'un.

-Vous savez très bien, j'espère, qu'il ne s'agit ni de l'un, ni de l'autre.

-Comment suis-je supposé le savoir ?

-Vous savez que je ne viens ici que pour passer du temps avec vous. Vous êtes la seule raison de ma présence ici, ce soir et tous les autres soirs."

Il était presque assommé par cette réponse qui était presque brutale et criante de sincérité. Il savait pourtant qu'elle n'avait pas pour habitude de venir ici, puisqu'il ne l'avait jamais vue avant. Mais il y avait une différence entre le savoir et admettre ce que cela impliquait.

Il la regardait dans les yeux, se plongeant dans ce regard chocolat qui semblait sans fin. S'il n'écoutait que sa petite voix intérieure, il avait envie de se pencher sur ce visage qui attendait impatiemment une réaction et capturer ces lèvres pulpeuses qui le tentaient depuis déjà trop longtemps.

Qu'attendait-elle de lui maintenant ? Devrait-il succomber à ses envies ou devrait-il, au contraire, demeurer le plus raisonnable des deux ? Mais depuis quand est-ce que la raison devait parler ? Il était en hésitation, ne sachant plus ce qu'il était acceptable de faire ou non. Délicatement, presque comme si elle comprenait son cheminement de pensée et qu'elle savait ce qu'il traversait, elle lui prit la main, faisant des allers et retours avec son pouce sur le dos de celle-ci.

C'était le signal dont il avait besoin, le petit quelque chose qui sembla tout débloquer, lui indiquer qu'elle était dans le même état d'esprit que lui, et surtout, qu'elle attendait la même chose.

La scène n'était pas au ralenti, comme dans un film romantique, mais elle n'en était pas moins belle. Il se pencha vers elle, capturant enfin cette bouche tentatrice pour y goûter.

Elle ne s'attendait pas à ce qu'il l'embrasse mais dire qu'elle n'avait pas désiré ce moment aurait été un mensonge honteux. Elle savourait ce contact comme si son existence en dépendant, s'accrochant à ses lèvres. Douces et délicates, elle avait l'impression de pouvoir être transportée dans un autre monde.

Ce baiser, d'abord chaste et presque tendre, devint progressivement plus langoureux, les laissant finalement pantois tous les deux et presque à bout de souffle. C'était comme si un ouragan avait soufflé entre eux, les bouleversant au-delà de ce que des mots pourraient décrire.

Alors qu'ils se séparaient, leurs corps demandaient pourtant irrépressiblement de retrouver l'autre dans cette étreinte qu'ils avaient attendu déjà bien trop longtemps. 

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant