16 décembre

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En passant la porte du bar, ce vendredi, elle ne put s'empêcher de penser à la serveuse et à l'image qu'elle devait se faire d'elle. Si, à ce stade, on ne l'assimilait pas à une ivrogne, cela relevait du miracle.

Minerva et elle avaient longuement parlé la veille, la directrice essayant de rassurer la jeune femme, tout en comprenant son désarroi. Elle avait fini par conclure la discussion en insistant pour que, cette fois, cette sortie entre collègues puisse enfin se faire. Elle savait que se morfondre chez elle ne servirait à rien et que tout ce qu'elle pouvait faire, c'était attendre le retour de l'homme, alors elle avait craqué.

Se retrouver en compagnie de ses collègues, en dehors de l'école, lui dévoilait une facette d'elles , complètement différente. Elle découvrait une Aurora pétillante, visiblement impatiente de se faire tourner la tête et une Pomona quelque peu réservée mais dont les connaissances en matière de cocktails étaient visiblement sans limite.

La joyeuse troupe était entrée dans le bar, qui était déjà bien animé en ce vendredi, attirant quelque peu les regards des uns et des autres. La serveuse, justement, les regardait d'un air un peu surpris, les invitant pourtant bien rapidement à s'installer à une table, le long du mur. La première tournée à peine commandées, les conversations allaient bon train.

C'était étrange de découvrir ces personnes qu'elle avait longuement côtoyées dans un cadre scolaire, devenir complètement différentes une fois sortie de l'école. Lorsque l'on est élève, on a du mal à s'imaginer que les professeurs qui nous donnent cours, durant la semaine, peuvent aussi s'amuser et aller boire un verre. Et pourtant, elle avait la preuve devant les yeux qu'être professeur ne rime pas toujours avec raison et modération.

Au fil de la soirée, les verres s'enchaînaient, l'alcool pleuvant à souhait sur cette table qui devint rapidement la plus animée de tout le bâtiment. Hermione observait la scène avec un peu de distance, jusqu'à ce qu'elle soit attirée à un coin, visiblement embarquée pour aller faire un karaoké. Elle se débattait gentiment, faisant comprendre qu'elle n'avait pas vraiment la tête à chanter ce soir mais qu'elle les regarderait avec plaisir.

Elle s'amusait à voir ces personnes d'ordinaire si sérieuses, massacrer passablement les chansons les plus célèbres du monde sorcier. Certaines avaient certainement l'impression de chanter à merveille mais l'alcool, en plus de donner du courage, rendait certainement sourd dans ce cas.

Minerva était également resté à table, jouant négligemment avec un ourson en peluche qui venait de lui être offert. Plusieurs personnes avaient pris un « ours brun » amélioré, si bien qu'elles avaient eu cette peluche, que la directrice était chargée de garder pendant cette prodigieuse session de chant.

« Vous voilà donc bien gâtée avec cette peluche.

-N'est-ce pas ? Remarquez, elle me sera peut-être utile un jour.

-Vous croyez ?

-On ne sait jamais de quoi l'avenir est fait.

-A qui le dites-vous ... »

Cet ourson lui rappelait celui de son enfance qu'elle avait longuement gardé contre elle, durant les nuits d'orages et qui semblait être le seul à pouvoir la consoler.

Elle n'avait jamais été particulièrement une addicte des peluches, mais elle avait eu de grandes difficultés à se séparer de ce petit ours. Elle le regardait, un peu distraitement, portée par les effluves caramel qui l'entouraient et lui rappelaient son enfance. Elle se sentait presque bercée par un délicat souvenir et ces arômes si plaisants.

En relevant les yeux, elle fut pourtant immédiatement attirée par cette silhouette noir qui se détachait du paysage enneigé. Tout était tapissé de blanc et il devenait alors aussi évident qu'une tâche d'encre sur un parchemin. Elle restait immobile, comme hypnotisée par ce qu'elle voyait face à elle.

Se pouvait-il qu'il soit juste dehors, face au bar ? Elle avait l'impression d'halluciner et elle avait visiblement blêmi parce que Minerva s'était également retournée, suivant son regard. Elle avait l'impression de sentir son sang bouillir dans ses veines, tout en ne pouvant se détacher de ce regard charbonneux qui pouvait presque la transpercer. Que devait-elle faire, maintenant ?

Lui, ne semblait pas bouger, restant immobile, dehors, n'esquissant pas un geste. Elle sentait la colère monter en elle, devant une telle inactivité. Il avait disparut subitement et réapparaissait de la même manière, et voilà qu'il ne daignait même pas s'avancer pour venir vers elle ? Comment aurait-elle pu réagir autrement que par la colère ?

Finalement, elle sentit la main de Minerva prendre délicatement la sienne, l'incitant à détourner les yeux de l'homme.

« Vous devriez certainement sortir. Les autres ne feront pas attention. »

Un peu dans un état second, elle se leva, lentement, attrapant juste son écharpe pour se couvrir un minimum. Malgré ce vêtement, elle fût pourtant frappée par ce froid glacial, à la limite du polaire. Lui, il se tenait à quelques mètres, dans cette rue déserte, droit comme un « i » et avec, sur le visage, son éternel air impassible.

Mille questions lui passaient par la tête, mais elle n'aurait pu en formuler une seule à haute voix, alors qu'elle faisait les quelques pas qui la séparaient de lui. Enfin arrivée juste en face, elle attendait qu'il prononce les premiers mots, mais il n'en fut rien. Alors, rageusement, elle se mit à frapper son torse, le martelant pour libérer toute la colère qu'elle pouvait ressentir.

« Tu es horrible ! Tu me fais croire qu'il y a quelque chose, tu me laisses croire que je suis particulière pour toi et tout ça pour quelle finalité ? Tu disparais comme un voleur, comme si tu n'avais été qu'un fantôme et que j'avais halluciné tout ce temps !

Est-ce qu'à un seul instant tu as pensé à quelqu'un d'autre que toi-même ? Est-ce qu'à un moment, tu as essayé de te mettre en ma place ? Est-ce que tu as pu seulement envisager que je puisse m'inquiéter, culpabiliser ou me sentir terriblement mal ? »

Les larmes dévalaient ses joues sans qu'elle ne puisse les contrôler mais il s'agissait du dernier de ses soucis. Elle se fichait d'avoir l'air puérile, tout ce dont elle avait besoin, c'était de laisser exploser sa rage et toutes les émotions qu'elle contenait en elle depuis le début de la semaine.

Complètement désemparé, il la laissait se défouler sur lui, comprenant parfaitement sa détresse. Il avait agis égoïstement mais il avait surtout fait ce qui lui semblait le plus judicieux, pour lui-même.

Après le week-end qu'ils avaient partagé, après qu'elle soit partie, il avait finalement succombé à toutes les pensées noires qui avaient essayé de s'insinuer en lui. Il avait eu besoin de partir, de s'éloigner de tout, pour pouvoir à nouveau respirer.

C'est vrai, il n'avait pas voulu penser à ce qu'elle pourrait ressentir. Il avait volontairement occulté cet aspect, sachant que s'il n'agissait pas ainsi, il ne pourrait jamais partir. Mais s'il était resté, il savait d'avance que ce fragile équilibre qu'ils essayaient de construire, tous les deux, serait détruit à jamais.

Tout ce qu'il put faire, à cet instant, c'était l'entourer de ses bras et la serrer aussi fort que possible contre lui. Elle sembla s'apaiser à ce contact, gardant ses bras entre eux, maintenant qu'elle ne pouvait plus le frapper. Elle pleurait moins, et progressivement, elle retrouva un peu plus de contenance.

« Je me suis inquiétée. J'ai retourné cette situation dans tous les sens. Je me suis posée des questions par dizaines.

-Je sais ... Mais maintenant, on pourra en discuter et je pourrai t'expliquer. »

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant