2 décembre

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Alors qu'elle s'était finalement faite à l'idée de sortir ce soir, Minerva lui avait fait parvenir une note qui précisait que certains professeurs ne se sentaient pas très bien. Visiblement, elle n'avait pas été la seule à se faire surprise par le froid en ce début de mois.

Ce mot lui était parvenu alors qu'elle allait quitter le château, ce qui la fit hésiter. Elle pouvait tout à fait rebrousser chemin et retrouver le confort et la chaleur de ses appartements. Mais c'était comme si l'extérieur l'appelait, la priant de venir. Elle resta quelques secondes immobile avant de finalement resserrer son manteau autour d'elle pour prendre le chemin de Pré-au-Lard.

Puisqu'elle avait choisi de sortir ce soir, elle ne changerait pas ses plans. Et puisque les autres étaient malades, elle pourrait parfaitement profiter calmement, dans un coin de la taverne.

Une fine pellicule de neige semblait être tombée sur le village, juste assez pour décorer le chemin de quelques notes blanches et donner une esquisse du tableau magnifique qui s'étalerait en hiver. Elle sentait les graviers craquer sous ses pieds et elle souriait en constatant qu'elle marchait parfaitement en rythme avec la musique qui lui trottait en tête.

Tandis que dehors, la fraîcheur était piquante, elle eut juste à ouvrir la porte de la taverne pour se sentir accueillie par une douce chaleur. Cet établissement avait ouvert depuis quelques semaines, à peine, et cette nouveauté avait attiré sa curiosité.

En ce mois de décembre, évidemment, tout était décoré sur le thème de Noël, arborant des couronnes, des guirlandes et des sapins garnis de décorations vintages dans des tons de rouge, blanc, vert et or.

Puisqu'elle cherchait une place au calme, elle se dirigea immédiatement vers la salle du fond qui semblait plongée dans une demi-pénombre réconfortante. Quelques tables étaient dressées, mais une seule d'entre elles attira immédiatement son attention : celle où un homme était installé.

Elle l'avait décidément trop regardé si elle parvenait effectivement à le reconnaître à sa silhouette. Malheureusement pour elle, quand il se redressa, elle eut la confirmation qu'elle n'avait pas fait d'erreur, c'était bien Severus Snape à cette table.

« Miss Granger, quelle surprise. Ne me dites pas que ces dames vous suivent. »

Si elle ne s'attendait pas à le voir, elle ne s'attendait certainement pas à ce qu'il l'interpelle de manière si directe. Pourtant, elle devrait le savoir, faire des détours et prendre des pincettes ne faisait pas partie de ses caractéristiques premières. Ce n'est qu'une fois la surprise passée, après quelques secondes, qu'elle put articuler quelques mots, un peu trop faiblement à son goût.

« Non, je suis seule. Apparemment, certaines ont pris froid et il était préférable de reporter.

-Mais vous, vous êtes là, ce qui n'est pourtant pas dans vos habitudes.

-Et bien, puisque j'étais déjà habillée et prête à quitter le château, j'ai préféré venir tout de même. Mais comment savez-vous que ce n'est pas habituel pour moi ?

-J'ai déjà bien trop entendu Minerva se plaindre de votre solitude prolongée et, je crois venir ici un peu trop souvent. »

Elle ne put s'empêcher de rougir, regardant autour d'elle, se sentant quelque peu décontenancée et ne sachant plus vraiment ce qu'elle devait faire maintenant.

« Comptez-vous vous asseoir, ou préférez-vous passer la soirée debout, à jouer les porte-manteau au milieu de la pièce ? »

Il semblait la transpercer du regard, mais dans le même temps, elle parvenait à déceler de la malice dans son regard, traduisant la sympathie déguisée dans cette phrase. Remarquant qu'une place était libre, juste devant elle, face à lui, elle y déposa son manteau avant d'y prendre place.

Visiblement, il était surpris qu'elle prenne place à sa table et elle devait bien avouer qu'elle n'était pas peu fière de son effet.

Le silence entre eux se prolongea et bien qu'un peu gênant, au départ, c'était comme si la tension redescendait progressivement. De son côté, il pouvait toujours boire une gorgée de sa boisson pour se donner de la contenance mais elle, elle n'avait rien à quoi se raccrocher.

Il appréciait, d'une certaine façon, de la découvrir dans de telles situations. Définitivement, elle n'était plus l'horripilante élève qui recrachait le contenu de ses lectures sur ses évaluations. Alors qu'il marchait un jour, dans un couloir, pour se rendre dans son laboratoire, il remarqua que la porte de sa salle de classe était ouverte.

Du couloir, on pouvait l'entendre faire son cours, d'une voix assurée et claire, pleine d'entrain et qui racontait le récit avec force et conviction. Elle était bien loin de réciter un fait appris par cœur, elle vivait sa leçon, vivait les scènes dans les moindres détails. Il aurait été trop naïf de penser que tous les élèves étaient attentifs. Certains semblaient las et fatiguée, griffonnant quelque chose sur une feuille, un peu distraitement. Mais d'autres étaient assurément subjugués par cette leçon, plongeant avec leur professeur dans ces histoires moldues fantastiques.

C'était étrange pour lui de la découvrir dans ce cadre. Même s'ils étaient collègues depuis quelques temps maintenant, c'était la première fois qu'il pouvait véritablement la voir donner cours. Pas le moins du monde déstabilisée par les questions des étudiants, elle y répondait même avec la ferveur caractéristique des jeunes enseignants.

Ce jour-là, pendant un bref instant, il s'était arrêté et avait découvert une toute nouvelle jeune femme, comme s'il s'agissait d'une parfaite étrangère. Quand ils étaient à table, avec les autres professeurs, il avait l'impression de revoir son étudiante, mais quand elle était seule, elle était cette jeune femme qui s'épanouissait au fil des jours. Elle dégageait quelque chose de particulier, un détail qui semblait tout remettre en question et changer complètement la manière dont il la voyait, la faisant passer, de plus en plus souvent, d'étudiante à femme.

Elle avait été servie, mais il ne se souvenait même pas d'avoir aperçu la serveuse s'approcher de la table. Devant lui, un autre verre avait été déposé et à en juger par la mine qu'elle affichait, il ne pouvait venir que d'elle.

« Vaine tentative pour me saouler ?

-Je n'oserais pas, puisque vous êtes apparemment un habitué.

-Disons que j'y ai déjà passé quelques soirées, depuis son ouverture.

-Je dois bien admettre qu'il semble agréable.

-De quoi vous faire sortir plus souvent ? »

Elle avait l'impression de déceler quelque chose de particulier dans cette question, sans pour autant savoir définir exactement ce dont il s'agissait. Elle prit une gorgée de bièraubeurre, laissant le liquide couler lentement pour gagner quelques précieuses secondes de réflexion.

« Tout dépendra de la compagnie que j'aurai. »

C'était la réponse la plus neutre qu'elle avait pu trouver mais qui pourrait, peut-être, attiser la curiosité de l'homme. Même si leurs discussions étaient élémentaires, ce soir, elle appréciait sincèrement ce moment, étant finalement heureuse d'avoir choisi de sortir.

Pendant quelques heures, ils continuèrent à parler, échangeant sur d'autres sujets, comme à leur habitude. Ce soir, ils laissaient la fatigue les guider, restant assis à cette table et ne s'arrêtant pas de parler avant de se sentir somnoler. Puisqu'ils rentraient tous les deux au château, ils firent le chemin ensemble, ne se séparant qu'au moment de retrouver leurs appartements respectifs.

Elle n'avait pas particulièrement bu, pourtant, au moment de se séparer de l'homme, elle se sentit portée par une forme de courage absolument inédite. Alors qu'elle avait à peine monté quelques marches du grand escaliers, elle s'immobilisa pour ensuite lui faire face à nouveau.

« Quand sortez-vous, habituellement ?

-Mercredi, vendredi et samedi. »

Alors qu'elle enregistrait ces informations, il semblait hésiter. Juste avant de tourner les talons pour redescendre dans les cachots, il laissa échapper une petite phrase qui n'avait pas échappé à la jeune femme.

« A demain, même heure. »

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant