12 décembre

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Ce lundi matin, en arrivant dans la Grande Salle, elle fut surprise de découvrir un siège vide, là où Severus s'asseyait habituellement. Il était le seul absent et sachant qu'elle l'avait quitté la veille, en fin d'après-midi, elle trouvait cela d'autant plus étrange.

Elle s'installa auprès de ses collègue, mais cette absente pesait lourd pour elle. Tout en mangeant son omelette, sans grande motivation, elle écoutait les conversations autour d'elle, essayant de capter quelques informations concernant l'homme. Malheureusement, il semblait autant absent physiquement que dans la bouche de ses collègues.

Elle savait que ce n'était pas la première fois qu'il ne se présentait pas à un petit-déjeuner, mais aujourd'hui, cela avait un goût particulier. Ils avaient vécu pendant ce week-end une parenthèse, isolés du monde avec pour seule préoccupation la présence de l'autre et d'une certaine manière, voilà que tout ceci prenait fin d'une manière un peu brutale.

Ils n'avaient pas véritablement posé de mots sur cette relation qui était née entre eux et jusqu'à ce matin, elle n'en avait pas véritablement ressenti le besoin. Pourquoi se mettre une pression inutile en essayant de décrire ce qu'ils ressentaient. Entre eux, ils savaient déjà  tout ... Ou presque.

Pourtant, face à ce siège vide, en arrivant, elle avait eu du mal à respirer, se sentant presque étouffer. Elle s'attendait, peut-être un peu naïvement, à le voir ce matin, et à être accueillie avec un timide sourire qu'elle serait la seule à voir. Elle lui aurait répondu, un peu timidement, elle aussi, rougissant à l'idée que quelqu'un intercepte cet échange. Au lieu de ça, elle avait senti une forme de tristesse étreindre son cœur, en découvrant qu'elle ne serait pas happée par ce regard noir et profond.

Le repas touchait à sa fin et elle avait à peine manger, n'appréciant pas la nourriture autant que les autres jours. Dans tous les cas, elle devait absolument laisser de côté tout cela. Elle avait des cours à donner, une journée à assurer, sans attirer l'attention, pour éviter à tout prix un flot de questions auquel elle n'aurait pas la force de répondre. Mais ce néant l'accompagnait, sans véritablement lui laisser de répit, l'obnubilant à chaque instant.

La journée paraissait interminable et terne, et malheureusement, aucune de leurs pauses ne lui permit de retrouver le sourire. Il ne s'était pas présenté aux autres repas de la journée et elle ne l'avait pas non plus croisé dans les couloirs. C'était comme s'il n'avait été qu'un fantôme, un spectre qu'elle avait côtoyé mais qui n'avait jamais véritablement été là.

En revenant chez elle, elle s'était plongée dans ses corrections, essayant de se changer les idées de tous les moyens possibles. Malheureusement, elle arriva bien trop vite à son goût, la laissant seule, aux proies à ses pensées.

Allongée dans son lit, elle ne pouvait arrêter le fil de ses pensées, comme s'il s'agissait d'un film que l'on se repasse en vitesse accélérée. Elle se mit alors sérieusement à douter de l'existence de ces derniers jours. Aurait-elle pu imaginer tout ceci ? Le retrouver dans ce bar et les moments qui en avaient découlés ne pourraient être qu'imaginaires ?

Sa tête se faisait lourde et elle pouvait presque sentir les aiguilles qui venaient piquer ses tempes et l'empêcher de réfléchir clairement. Tout ce qu'elle parvenait à identifier, c'était qu'elle avait un mauvais pressentiment dont elle ne pouvait se défaire. Cette disparition subite n'avait rien d'innocent et malheureusement, elle n'était pas en mesure d'avoir de réponses à ses questions dans l'immédiat.

Après s'être tournée et retournée dans son lit, sans parvenir à trouver le sommeil, elle capitula, se redressant pour attraper sa cape et sortir dans le parc.

Elle n'avait plus fait ses balades nocturnes depuis longtemps et étrangement, elle fut soulagée en sentant le piquant du vent venir effleurer son visage. Emmitouflée dans sa cape d'hiver, il n'y avait que sa tête et ses mains qui dépassaient du vêtement et qui s'engourdissaient avec le froid.

A cette heure, le parc était paisible et calme, plongé dans la pénombre et habillé d'une brume épaisse. Même si les conditions étaient semblables, cela n'avait rien à voir avec le matin où elle était venue cueillir des plantes. Comme pour accentuer ce fait, elle dû se souvenir que ce matin-là, il était apparu mais que ça ne serait certainement pas le cas aujourd'hui.

C'était étrange de constater que quelque chose n'allait pas, sans parvenir à expliquer comment ou pourquoi. L'absence de l'homme n'avait rien de véritablement extraordinaire, mais cette fois, cela sonnait étrangement.

S'il avait eu un rendez-vous, ne lui en aurait-il pas parlé ? Dans un sens, pourquoi aurait-il dû le faire ? Il n'y avait pas de véritable raison, si ce n'est qu'aujourd'hui, elle s'inquiétait peut-être pour rien. Non, elle savait que ce n'était pas rien. Il y avait quelque chose mais elle ne parvenait pas à déterminer quoi, avec précision.

Était-elle en cause dans ce cas ? Elle l'avait vu douter, à plusieurs reprises, durant la journée, mais avait mis cela sur sa conscience qui le travaillait peut-être. Il y avait tellement de chose pour les séparer, tellement de différences et de raison de ne pas s'entendre, de ne pas être ensemble.

Il était plus âgé qu'elle et sa mauvaise réputation le suivait, malheureusement. Il avait été son professeur, il y a quelques années et elle pouvait parier sa magie que certaines langues ne pourraient s'empêcher de faire des commentaires, si elles apprenaient un jour qu'ils avaient été intimes. De caractère, ils étaient aussi assez différents ...

A force d'énumérer mentalement toutes ces raisons, elle se mettait également à prendre peur. C'était-il retrouvé dans le même état ? Avait-il douter, en imaginant une possible suite et avait-il préféré fuir la situation ? Cela lui ressemblait si peu.

Dans son esprit, il est de ceux qui se battent pour leurs idées, de ceux qui sont prêts à donner leur vie pour une cause qu'ils jugent louable. Que ses choix soient discutables, c'était évident, mais on ne pouvait tout de même pas lui enlever le fait qu'il avait eu, très jeune, assez de force que pour s'élever, au yeux de tous, pour s'engager et se battre pour sa vision du monde, qu'elle ait été bonne ou pas.

Il est de ceux qui se remettent en question, même s'il ne le laisse pas paraître. Mais il est aussi de ceux qui savent tenir tête, quand ils savent qu'ils ont raison. Il fait preuve de rigueur, se montre exigeant, tant avec les autres qu'avec lui-même.

Et puis, au-delà de tout, il est celui qui lui a fait éprouver des sentiments absolument inédits.

Avec lui, elle s'est sentie estimée, valorisée et même, privilégiée. Il lui a fait ressentir qu'elle n'était pas une collègue parmi d'autres, ni même une femme quelconque, noyée dans la masse de femme qu'il avait pu côtoyer dans sa vie. Il lui avait su lui montrer ses qualités, la pousser, pour qu'elle se révèle et donne le meilleur d'elle-même.

Si elle mettait de côté les sentiments qu'elle éprouvait pour lui, il restait un homme qu'elle admirait et elle ne pouvait passer au-dessus du mauvais pressentiment qu'elle éprouvait, encore et toujours, depuis ce matin.

Les joues engourdies par le froid et le bout des doigts complètement insensible, elle hésitait entre continuer sa balade et rentrer pour essayer de retrouver le sommeil. Marcher ne l'aidait pas vraiment, au contraire, puisqu'elle ne cessait de ressasser tout ce qu'il s'était passé en interprétant, déraisonnablement, tout ce qu'il s'était passé. Mais elle n'était pas certaine pour autant de réussir à dormir si elle rentrait maintenant.

Elle resta immobile durant de longues minutes avant de finalement choisir la solution de raison, et reprendre le chemin de ses appartements. Après tout, demain serait un autre jour qui pourrait, peut-être, lui apporter plus d'explications.

Un nouveau jourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant