Un nouveau jour

4 décembre

En arrivant dans la Grande Salle, le dimanche soir, elle fut accueillie par la mine souriante de Minerva. Cette dernière ne l'avait presque pas vue du week-end et elle était prête à parier qu'elle s'était inquiétée. Heureusement pour elle, la directrice était déjà prise en otage dans une conversation, elle échapperait donc au discours maternel pour le moment.

Evidemment, elle n'avait pas fait exprès de sortir si tard de ses appartements. D'ordinaire, il lui arrivait de passer du temps à la bibliothèque, sortant un peu plus et profitant de ses dernières heures au calme avant de retrouver ses élèves. Mais cette fois, elle s'était surprise à rester longuement dans son lit, se rendormant à plusieurs reprises pour replonger dans des songes bercés par une voix grave.

Le repas avait beau être délicieux, ce soir encore, elle ne parvenait pas vraiment à trouver l'appétit. Un peu distraitement, elle jouait avec des carottes, toujours intriguée par les derniers mots du potionniste. Il avait décidément un don pour les phrases énigmatiques.

Comme s'ils ne s'était pas vraiment quittés, elle avait senti son aura l'entourer, tout au long de la journée. Son pull encore imprégné du parfum du bar, elle avait passé la nuit en le gardant contre elle, se sentant apaisée à son contact. C'était comme un chemin tracé vers le passé. Les senteurs se mélangeaient les unes aux autres, la ramenant irrémédiablement en arrière, la laissant profiter encore un peu de sa présence.

Elle pouvait distinguer l'odeur du bois qui est en train de se consumer lentement dans la cheminée, adoucit par les notes caramel de sa boisson, il n'y avait que l'alcool qu'il buvait pour venir rehausser ce parfait mélange, lui donnant un peu plus de caractère. Elle reconnaissait son propre parfum, évidemment, celui qu'elle portait tous les jours, mais elle pouvait également discerner celui de l'homme. C'était une senteur bien particulière qui semblait mêler bois et poivre, une odeur franche mais légère dans le même temps.

Oui, comme une enfant qui a besoin d'un doudou pour bien dormir, elle avait serré son pull contre son buste pour se sentir enivrée par ces multiples parfums qui se répondaient les uns aux autres, comme s'ils étaient faits pour être mis en contact.

En jetant un coup d'œil autour de la table, elle remarqua qu'il était absent. De toute évidence, Minerva s'inquiétait beaucoup moins de son sort ... Ou était parce qu'elle savait que lui, aurait la force et l'aplomb nécessaire pour l'envoyer paître royalement ? Dans tous les cas, il était gagnant dans cette histoire.

La directrice avait toujours eu avec elle une attitude maternelle, mais cela avait semblé s'accentuer après la guerre. Ils étaient tous passés par des moments difficiles, perdant de nombreux proches et elle pouvait comprendre son besoin de s'assurer que les personnes autour d'elle soient en bonne santé et se sentent bien. S'il ne fallait que ça pour la rassurer, elle savait qu'elle pourrait s'y habituer.

En tant que directrice de maison, que professeur, et que supérieur, Minerva avait toujours été d'un grand secours et d'une aide précieuse, présente aussi souvent que possible. D'une certainement manière, Hermione était heureuse de pouvoir lui apporter une forme de réconfort.

La salle se vidait progressivement, certains élèves étant bien décidés à aller se coucher tôt pour pouvoir affronter la semaine dans les meilleurs conditions. Une heure après que les premiers élèves n'aient quittés la table, la directrice se leva, invitant ceux qui étaient toujours là, à rejoindre leurs dortoirs.

Quelques professeurs se trouvaient encore à table, mais ils allaient bientôt prendre le même chemin que les élèves et rentrer chez eux.

« Hermione, que diriez-vous de passer prendre une tasse de thé dans mes appartements ?

-Ce serait un plaisir, Madame. »

Elle était à la fois heureuse et étonnée de cette proposition. Elle savait qu'en temps que directrice, Minerva se devait de travailler parfois très tard et elle s'attendait plutôt à la voir se reposer, si elle avait fini de travailler. Quoiqu'il en soit, une tasse de thé en bonne compagnie ne se refuse pas, surtout quand on sait qu'en matière de thé d'exception, l'Ecossaise est plus que pointilleuse.

Elles remontèrent toutes les deux le grand escaliers et le jeune femme ne put s'empêcher de donner un petit coup d'œil en arrière, cette scène lui rappelant inévitablement les deux soirées précédentes, à la différence qu'elle avait remonté seule, les escaliers.

En tant qu'anciennes Gryffondor, elles avaient toutes les deux leurs appartements à proximité de la tour des Rouges et Or. Ce détail l'avait rassurée quand elle avait emménagé, constatant qu'elle ne serait pas tellement loin de ses habitudes d'élève.

Chez Minerva, la décoration était étonnamment écossaise : des rideaux, aux couvertures, en passant par les coussins, toute la pièce était couverte par le tissu si caractéristique de la région. Elle qui avait longtemps pensé que tous les appartements étaient identiques, elle découvrait aujourd'hui qu'on était loin du compte. Il n'y avait que très peu de similitudes entre leurs résidences, de la disposition des pièces tout comme dans leurs tailles. Le rouge dominait, évidemment, accompagné généralement d'un fin liseré doré, mettant en évidence la maison à laquelle elle appartenait. Tout cela les plongeait dans une ambiance de Noël, un peu avant l'heure et Hermione n'allait certainement pas s'en plaindre.

Elles s'installèrent toutes les deux dans le fauteuil, juste devant le feux, laissant infuser le thé à la cannelle dans leurs tasses, diffusant ce parfum épicé dans toute la pièce. Le silence se prolongeait entre les deux femmes sans être oppressant pour autant. Elles dégustaient lentement leurs boissons respectives, buvant à petites gorgées pour pouvoir en savourer le goût.

« Alors, comment se passent les cours ? Les élèves y sont-ils réceptifs ?

-Tout se passe bien ! Evidemment, il y en a toujours qui trouveront que les cours sont inutiles, mais je pense que c'est le lot de tous les enseignants.

-Je crains ne pas pouvoir vous contredire. Vous n'êtes pas sortie de tout le week-end, ou vous avez su vous faire discrète ? »

Une lueur malicieuse brillait dans les yeux de l'écossaise mais, son visage étant tourné vers les flammes, Hermione ne pouvait apercevoir ce petit détail. Bien que la question ait pu lui paraître étrange, elle préféra remettre cela sur la curiosité de son aînée.

« A dire vrai, je me suis montrée assez paresseuse, ce week-end. J'ai dormi plus longtemps que d'habitude et il est vrai que j'ai surtout travaillé pendant la journée. Mais en soirée, je suis sortie en dehors du château, pour une fois.

-En parlant de sortie, je suis encore désolée que celle de vendredi dernier ait dû être annulée.

-Ne vous inquiétez pas.

-Vous n'avez pas reçu mon message trop tard, tout de même ?

-Je m'apprêtait à sortir quand je l'ai reçu. J'allais rentrer chez moi, mais puisque vous m'aviez transmis l'envie de sortir, je suis quand même partie.

-Je suis heureuse de l'entendre. Je pense que nous remettrons notre sortie à ce vendredi, pour ne pas changer les bonnes habitudes. Il paraît qu'un nouveau bar a ouvert, d'ailleurs, à Pré-au-Lard. »

En entendant cette dernière remarque, Hermione ne put s'empêcher de se tendre quelque peu. Si elle ne savait pas encore si elle sortirait le mercredi, elle était déjà pratiquement certaine de vouloir le refaire, le vendredi soir. Que se passerait-il si ses collègues décidaient d'en faire de même ? Et pire : que se passerait-il si elles venaient spécifiquement dans celui-ci ?

Elle ne pouvait pas refuser la sortie et risquer de se faire voir, en dehors du château, cela ne se faisait absolument pas. Mais elle n'avait pas envie de sortir avec elles et devoir observer de loin, avec regret, cette place, dans la pénombre, au calme, où il se trouverait certainement. Puisqu'elle ne voulais pas non plus mentir honteusement pour un sujet si banal, il fallait qu'elle trouve une solution.

Heureusement pour elle, la nuit semblait être tombée rapidement, lui donnant la parfaite excuse pour se dérober. Une fois sa tasse terminée, elle remercia vivement Minerva avant de prendre congé pour retrouver ses propres appartements.