Personne

37 - Suspicions et cache-cache

Quelques semaines sont passées depuis que nous avons rencontré Théo et on peut dire qu'il fait partie intégrante du groupe maintenant. Il est tout aussi enfantin et drôle que Max. On s'est vite rendu compte de ce qui les avaient attirés l'un à l'autre. Ceci étant dit, ça me fait vraiment bizarre de nous voir tous en couple. Mais notre dynamique de groupe est devenue un pan essentiel de ma vie, de notre vie à tous. On se retrouve tous les midi pour manger ensemble et raconter nos cours de la matinée. Quelques soirées bien arrosées ont créées des souvenirs inoubliables.

Pourtant, j'ai l'impression que Isaac me cache quelque chose. Il est plus renfermé que d'habitude. Il est là sans l'être pendant nos sorties de groupes. Il est à 100% là seulement quand on est que tous les deux et j'ai le sentiment qu'il y arrive avec peine. L'autre jour quand je suis entrée dans notre chambre il a caché quelque chose derrière son dos. Il s'est énervé quand j'ai voulu savoir ce que c'était et j'avoue avoir essayé de fouiller mais je n'ai rien trouvé.

Je suis avec Max en cours de droits des affaires et nous nous ennuyons comme des rats morts. C'est à un tel point sur l'échelle de l'ennui qu'on joue au uno sur notre téléphone. D'ailleurs je gagne presque à chaque fois ce qui est plutôt drôle parce qu'il semble au bord de l'explosion. Mais il se restreint avec une force extraordinaire.

- Tu sais Maxou. Tu peux t'énerver tu sais, je le ferais à ta place.

- Je ne m'abaisserais pas à ton niveau, sorcière, réplique-t-il en serrant les dents.

Mon éclat de rire me vaut des regards désapprobateurs de la part d'élèves dans les rangées devant nous. Je montre mon majeur telle une gamine de seize ans qui confronte ses parents. Max sourit en coin et dès qu'il se rend compte que je le vois me fusille du regard. Quels enfants nous faisons. La fin du cours a mis une éternité à sonner. Max et moi sautons presque de nos chaises pour sortir. Une fois dehors, nous rejoignons le parking. C'est lui qui conduit, moi je suis la dj. C'est comme ça qu'on fonctionne, celui qui conduit ne choisit pas la musique vu qu'il ne peut pas danser.

- T'as pas intérêt à remettre ta musique pourrie, je te préviens.

- Eh ! Comment tu peux dire que The Rose c'est nul !? je m'offusque.

- On comprend une parole sur deux, c'est à chier, se moque-t-il.

- Excuse toi sur le champ.

- Sinon quoi Wiwi ? C'est moi qui conduit je te rappelle.

- Ok. D'accord.

Max n'aime pas la Kpop parce qu'il ne comprend pas les paroles. Ce que je peux comprendre. De là à dire que c'est nul franchement il abuse. Je connecte alors mon téléphone au Bluetooth de sa voiture et je lance à fond Back Door de Stray Kids. Il veut critiqué, qu'il critique alors. Mais je vais le bassiner avec et il va devenir fou. Il hoche la tête en rythme au début de la chanson et je le filme pour lui montrer plus tard. Puis les paroles commencent à sortir des baffles et son visage change d'expression.

- Eh ouais mon pote. Au lieu de dire que c'était nul t'aurais juste dû dire que tu n'aimais pas. Maintenant je vais te rendre fou.

- Satan ! Arrête ça tout de suite, s'insurge-t-il.

Je rigole de lui jusqu'à la maison. Il n'a jamais roulé aussi vite de toute sa vie. C'était hilarant. Quand nous entrons dans l'appart, il n'y a aucun bruit. On se regarde, surpris. On avance doucement comme si on ne voulais pas réveiller quelqu'un. Personne dans le salon ni la cuisine. Les chambres sont vides aussi. Nous regardons nos téléphones mais ils sont éteints. Merde. Le uno a déglingué notre batterie à tous les deux. Nous rigolons jaune puis ça part en fou rire incrédule. On branche nos cellulaires et en attendant je nous sers une bière. C'est enfin vendredi et la semaine a été longue.

- Tu penses qu'ils font quoi ? demande Max.

- Probablement entrain de se faire kidnapper par un ex taré d'un d'entre nous.

Silence. Un ange passe.

- Trop tôt ?

- Non. . .

Il explose de rire et moi aussi. Mais des larmes se mêlent aux rires et vite nous nous rendons compte que nous ne pleurons plus de rire. Il me prend dans ses bras. Notre câlin dure une seconde ou une éternité, je ne saurais dire. Sans vraiment de conviction je vais chercher le pack de bière dans le frigo et je rejoins mon meilleur ami dans le salon. Il est affalé sur notre canapé gris, pile sur la tâche de vin que j'ai faite lors d'une de nos nombreuses soirées. Max met de la musique dépressive comme si on ne l'était pas déjà assez. On boit d'abord en silence puis on se met à parler de la vie et de ce qu'on ferait dans telle ou telle situation. Du genre.

- Tu préférerais qu'on te laisse branché toute ta vie si tu deviens un légume ? Ou tu veux qu'on te débranche ? me demande-t-il dans le plus grand des calmes.

- Je voudrais qu'on attende genre, un mois et si je me suis pas réveillée, pouf. Débranchage. Et toi ?

- Je veux qu'on me laisse brancher. Peu importe le temps que ça prendra, je suis un tel casse burnes que je me réveillerai pour continuer à faire chier le monde.

- Véridique, ricanais-je.

- Garce.

C'est ainsi qu'on refait le monde en nous soûlant à la bière et au whisky quand on manque de bière. Max affalé sur le pauvre canapé taché et moi assise en travers du fauteuil avec la tête qui pend dans le vide. A côté de celle de mon jumeau. Les téléphones, le groupe, tout ça est loin de nous. Je pense que c'est entrain de devenir une de ces traditions débiles qui restent toute une vie. Se soûler dans le salon en parlant de la vie parce qu'on arrive pas à gérer la nôtre. Et le pire c'est que je crois que ça marche. Il suffit juste de le faire avec la bonne personne.

Un bruit de serrure qui se déverrouille m'interromps dans mes pensées philosophiques. Un Isaac, un Caleb et un Théo accompagnés d'un Katerina à l'envers entrent en trombe. Max et moi nous relevons en une seconde en nous regardant, paniqués. Comme des enfants pris sur le fait, nous les regardons avec des yeux de chiens battus et un sourire contrit.

- Ca vous arrive de répondre au téléphone ? commence Kat.

- On avait plus de batterie, réponds Max.

- Tous les deux !? continue Caleb.

- Bah. . . C'est que pendant notre dernier cours on s'ennuyait comme des rats morts. Alors on a joué au uno sur nos téléphones. Résultat, plus de batterie.

Je hausse les épaules et ils semblent en colère et perdus. Je crois qu'ils vont nous enfermer.

- On devait se retrouver au bar habituel après votre cours espèces d'imbéciles, fini Isaac.

Max et moi nous regardons puis on réalise qu'on avait complètement oublié. On se retourne en un seul beau sourire d'excuse. Théo lève les yeux au ciel, Isaac ses bras et Kat et Caleb rigolent sous cape. Ils nous rejoignent en nous poussant pour avoir de la place. On reprend la discussion comme si rien n'était arrivé, comme si nous n'avions pas disparus pendant des heures.