15 - Détresse

245 18 1
                                    

Les vacances approchent à grand pas. L'automne commence à pointer le bout de son nez en ce début de mois d'octobre. A Los Angeles, on ne ressent pas vraiment ce changement. Mais le savoir me mine encore plus le moral qu'il ne l'était déjà.

Depuis les révélations d'Isaac je ne sais pas trop comment agir avec lui. Il essaie de me parler mais je l'évite par peur de dire ou faire quelque chose de mal. Je ne sais pas pourquoi j'ai peur, j'ai vécu des choses difficiles aussi. Même si ce ne sont absolument pas des traumatismes similaires, nous avons tous les deux été blessés d'une manière que personne ne pourra jamais comprendre.

- A quoi tu penses Willow, demande Spencer.

- Isaac. Mais c'est pas important. D'ailleurs je dois y aller, j'ai cours dans quelques minutes. On se voit bientôt ?

- Bien sûr !

Il me dit qu'il m'enverra un message et je vais vers mon amphi, n'attendant bien évidemment pas Isaac. D'une parce que je l'évite et de deux parce qu'il est incapable d'arriver à l'heure. Je m'installe seule dans le fond de la salle. J'ai pas envie de sociabiliser aujourd'hui. En plus Max n'est pas là, il m'a envoyé un message pour me dire qu'il se sentait pas bien. C'est pas son genre, lui qui à l'air toujours au top. J'irais le voir après les cours.

- Salut.

- Salut, Isaac.

Il s'installe à côté de moi de façon si naturelle, je ne vais pas mal lui parler. Juste pas parler du tout. Ca me semble une bonne idée.

- Tu m'évites.

- Non.

- Willow, regarde-moi.

Je le fais.

- On sait tout les deux que tu m'évites depuis mes "révélations", mime-t-il les guillemets.

- Bon peut-être un peu. Mais m'en veux pas ok. C'est juste que tu m'as dis des trucs horribles qui te sont arrivés, j'ai répondu à tes questions aussi. Cette nuit, matinée confessions c'est beaucoup à digérer pour moi. Je voulais éviter de dire quelque chose ou faire quelque chose qui t'aurais blessé, vexé ou mis en colère.

Pour l'ignorance c'est loupé. Il me regarde sans rien dire mais ses yeux parlent à sa place. Il est tout aussi gêné que moi mais il ne veut pas que ça change quelque chose. Parce que le fait est que c'est vraiment dur de voir tout en noir mais c'est ce que nous faisons tous les deux. La plupart du temps. Ce nous savons tous les deux en partie de ce que l'autre à vécu est comme un poids en moins sur nos épaules.

- Et si on faisait comme ci on ne s'était rien dit ? On s'aiderait si on en avait besoin mais on ne parle pas de c'qu'on ressent à ce propos là. C'est une bonne idée non ? propose-t-il.

- On va faire comme ça. Interdiction d'en parler à qui que ce soit sous aucun prétexte et aide en cas d'urgence. Il nous faut un signe ou un mot, pour que l'autre le sache.

- Qu'est-ce que tu dis du mot infini ? Dis-le si je suis avec toi pour que les autres ne sache pas de quoi on parle et l'emoji infini par message si je suis pas là. Idem pour moi.

Je touche mon collier. C'est un génie. Ce collier infini est ce que je possède de plus chère dans ce monde, il veut dire tellement pour moi. Il me rassure.

- Deal.

Il me sourit de toutes ses dents, fier de lui. Son regard est un des plus bienveillant que j'ai pu voir à ce moment là.

Le cours est passé au second plan depuis une bonne dizaine de minutes. Mais pour une fois, je m'en fiche. Aucun de nous deux ne veut mettre un terme à cet échange silencieux qui ralentis le temps. Seulement la sonnerie de fin du cours le fait pour nous. Nous nous levons en même temps, son bras vient se poser sur mes épaules naturellement.

- Tu prends tes aises.

- Ouais.

Pendant que je sors mon téléphone de ma poche, il ricane fier de lui. Je dois savoir ce qui arrive à Max. Même si c'est pas grave, j'ai besoin d'être sûre qu'il va bien. Sinon je veux l'aider. Isaac s'assoit avec nos plateaux aux côtés de Caleb et Katerina alors que j'appelle Max. Il ne répond pas. C'est pas dans son habitude. Il décroche à la troisième sonnerie la quatrième fois que je l'appelle.

- Eh ! Tu vas bien maximax ?

- Arrête de m'appeler Willow. Je vais bien.

- Si t'allais bien tu aurais prévenu quelqu'un que tu ne venais pas en cours et tu ne me parlerais pas comme ça. Alors dis moi ce qu'il se passe avant que je débarque chez toi.

- Je suis juste un peu malade. Faut pas en faire tout un plat. Tu m'as réveillé. C'est pour ça que vous aviez pas de nouvelles. Maintenant, je retourne me coucher. Salut.

Il raccroche sans que j'ai le temps d'ajouter quoi que ce soit. Je rejoins les autres, encore plus inquiète que je ne l'étais déjà. Apparemment ça se voit, vu la tête des autres quand j'arrive.

- Alors ? Il a dit quoi ? commence Caleb.

- Il est soi-disant malade. Mais si il l'était il nous aurait envoyé un message, et il ne m'aurait jamais aussi mal parlé. Pas vrai ? je gémis presque.

Caleb semble surpris, Kat a les sourcils levés et Isaac les poings refermés à en avoir les jointures blanches. Alors j'ai raison. Un truc ne va pas. Il faut que j'aille le voir. Ma chaise grince contre le sol tandis que je prend la pomme sur mon plateau. Kat semble comprendre et m'envoie un texto. Je vois l'adresse de Max. Je la remercie du regard et m'en vais le pas rapide.

Quand j'arrive chez lui, je suis surprise d'être dans un quartier huppé de la ville. C'est le côté où tout le monde transpire le luxe. Il ne parle pas beaucoup de lui en temps général, il blague sur tout et n'importe quoi sans jamais vraiment s'ouvrir. On dirait moi quand je suis avec le groupe. Peut-être que c'est pour ça qu'on s'entend si bien pour faire des conneries.

- Max ? Ouvre la porte, c'est Will.

Je frappe comme un mastodonte sur la porte de sa luxueuse maison. Il y a une voiture devant une immense porte de garage alors il est vraiment chez lui. Ou alors il vit avec ses parents et ils vont me prendre pour une ex folle alliée.

- Bordel pourquoi t'es presque entrain d'enfoncer ma porte d'entrée !?

Je le pousse pour entrer dans une majestueuse entrée en marbre immaculée, deux escaliers sur les côtés d'une magnifique table en bois massif ornée d'un vase qui coûte plus cher que mon appart.

Je me tourne pour lui mettre une tape derrière la tête.

- Aieeee !

- C'est pour m'avoir menti et mal parlé. Maintenant je peux savoir pourquoi t'as les yeux rouges et bouffis ? T'as pleuré Maximax ?

Il me regarde dans le blanc des yeux sans me répondre. Mes sourcils se froncent quand je comprend que oui. Il essaie de dire quelque chose mais il a la gorge tellement nouée qu'il n'y arrive pas.

- Oh vient par là Maximax.

J'ouvre grand mes bras pour qu'il s'y réfugie, je déteste le voir comme ça lui qui a toujours la joie de vivre. Ses larmes deviennent des sanglots étouffés par mon pull. Ma main sur son dos, le caressant en lui chuchotant que ça va aller. L'autre tient son cou près de moi. Il me sers la taille si fort que si j'étais une tomate je serais en bouillie.

Après un moment, ses sanglots cessent mais quelques larmes roulent encore sur ses joues. Il renifle comme un buffle et il rigole un peu dans une plainte. Je lui demande où se trouve la cuisine et il nous y conduit. Tout est fait de blanc et de noir, propre comme si personne n'y habitait. Je cherche les verres pour que Max puisse se calmer.

- Merci, dit-il la voix enrouée.

Je l'observe boire son verre d'eau, ses yeux dans les miens. Je vois bien qu'il est au bord du gouffre. J'attends qu'il finisse son eau, pose le verre sur l'îlot central et me tend la main pour m'emmener dans l'immense salon. Tout est ouvert, les baies vitrées font toute la hauteur des murs. Mon regard se repose sur Max, les yeux de nouveau humides. Je m'assois à ses côtés attendant sagement qu'il parle.

- Ma soeur est morte.

PersonneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant