19 - La dure vérité

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Mon arrivée dans l'appartement se fait au ralenti et à toute vitesse. Isaac me rentre dedans parce que je me suis arrêtée en plein dans mon élan, dans l'entrée. Anthony me regarde tristement, Katerina se trouve sur le canapé. Ses mains sont à plat sur ses genoux, son visage ne laisse rien paraître. Peut-être qu'elle est pas là pour ça.

- Salut Kat ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? je demande avec un faux sourire.

- Mon frère m'a envoyé un message. Je cite. " J'ai croisé la fille que j'ai tatouée du point virgule, celle que tu cherches pour je sais pas quoi. Il s'avère que c'est une pote à toi et Isaac. Je peux pas t'en dire plus. A plus p'tite soeur. "

T'as clairement tout dit tête de con.

- Insulte pas mon frère Willow, il voulait juste m'aider.

Merde. Je pense à voix haute maintenant.

- Et donc, pourquoi tu me cherches au juste ?

- T'es sérieuse ? Tu sais très bien pourquoi. Ton tatouage. Je voulais parler à la fille qui s'était fait tatouer ce symbole, pour la soutenir. Au cas où elle n'aurait personne. Je me serais jamais doutée que c'était toi.

- Les gars, vous pouvez nous laisser s'il vous plaît ? je demande en me tournant vers les garçons.

- Pas de problèmes.

Ils s'en vont dans le couloir, j'en profite pour m'asseoir sur le fauteuil perpendiculaire au canapé. Katerina semble énervée. Pas vraiment ce à quoi je m'attendais.

- Pourquoi tu t'es faite tatouer un point-virgule ?

- A ton avis.

- Tu a été harcelée ? Agressée ? Je ne peux pas deviner toute seule !

- C'est pas vraiment un sujet dont j'ai envie de parler avec toi pour l'instant. Je ne suis pas prête.

- Pourtant Isaac le sait. T'as pas eu de mal à lui en parler. C'est quoi le problème avec moi ?

- Ecoute Kat, si Isaac sait c'est parce qu'il a entendu une conversation avec mon frère. J'ai pas eu à en parler avec lui pour qu'il l'apprenne. Prononcer ces mots, me replonger dans cette histoire je peux pas. Pas maintenant. J'ai déjà du mal avec ma psy. C'est pas contre toi.

- Tu mens putain ! T'as ce tique quand tu mens, tu touches la bague sur ton index. Je te connais depuis deux mois mais tu sais bien qu'on dirait que ça fait dix ans. Je vois pas le problème !

- J'ai pas envie de t'en parler ! Mais putain lâche moi !

Je me lève en furie, elle ne comprend pas. Elle ne VEUT tout simplement pas comprendre. Je ne peux pas trahir la confiance d'Isaac lui disant qu'il comprend parce qu'il a vécu la mort de sa soeur jumelle, qu'il s'est fait harcelé. Si il ne lui a pas dit, je vais pas le faire. Elle ne respecte pas mon souhait de me taire. Elle est juste vexée de ne pas être la personne à qui je me suis confiée. C'est peut-être injuste mais elle a une vie de famille heureuse et sans problèmes alors elle ne comprendras jamais vraiment.

Je prend un taxi, j'ai besoin de le voir. Au moins d'être avec lui. Mon téléphone vibre sans cesse, je l'éteins pour être seule. Je ne veux pas être suivie non plus. J'ai envie de hurler au monde ma haine. Je me demande pourquoi c'est sur moi que ça tombe toujours. Je veux dire, la mort de papa puis une mère alcoolique, le viol orchestré par ma propre génitrice. Mon frère non plus ne mérite pas ce qui lui est tombé dessus. La famille Mickaels est maudite je crois. Moi qui voulait pas me rappeler mes casseroles, Kat a mis les pieds dans le plat.

Le taxi me dépose, la pluie menace de tomber depuis un moment déjà. J'imagine que c'est cliché qu'il pleuve quand on va au cimetière. L'enterrement de papa était pluvieux, comme notre moral à tous. Je déambule au milieu des allées, une bouteille de bourbon à la main. Je n'ai pas vingt et un an mais je m'en fou. Qui respecte vraiment cette loi ici de toute manière. La pierre tombale de mon père est propre, je dépose les fleurs achetées en chemin.

- Salut papa.

Je m'écroule comme un cachalot devant sa tombe.

- Tu dois avoir honte de ta fille. Je bois devant toi. J'imagine que même si tu es devenu qu'un squelette, je peux faire semblant que c'est toi. Dans une semaine c'est ta mort anniversaire. Toi-même tu sais pourquoi je dis mort avant anniversaire. J'ai l'air tellement ridicule.

Un rire désespéré sort de ma bouche mêlé à mes larmes. Je prend une gorgée au goulot pour faire passer cette horrible sensation de dégoût de moi. Evidemment ça ne marche pas alors je recommence jusqu'à arriver à la moitié de la bouteille. Je tangue un peu même assise, mais tout ce qui sort de ma bouche n'est que la foutu vérité.

- Tu deviendrais fou de rage si t'étais là. Pour Marla. Je veux dire qui fais ça à son enfant merde !? J'en veux à mort à ce connard de m'avoir pris mon père parce que déjà, t'es mon père. Mon héro, souriais je fière.

- Mais aussi un peu parce que si t'étais encore vivant, rien de tout ça ne serait arrivé. On serait tous heureux ensemble. Je sais toujours pas ce que Anthony et sa mère se sont dit. Il ne veut rien me dire. Il semble ne plus être en contact avec elle. Je m'en veux d'avoir pris le seul parent qui lui restait, si je n'avais rien dit ils se parleraient encore. Il aurait sa mère adorée.

- Tout ce que j'ai pars en fumée à un moment ou un autre. A quoi ça sert d'avoir des amis si je suis aussi maudite ? Ils vont partir ou il va leur arriver quelque chose. Tout le monde part un jour.

Elle avait raison cette Peyton Sawyer de merde.

Le silence retombe sur le cimetière. Je n'ai plus la force de parler, de bouger. Les larmes qui roulent sur mes joues sont la seule chose en mouvement en fait. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, il fait jour depuis longtemps. Je ne bouge toujours pas. J'ai la force maintenant mais plus l'envie.

Ma tranquillité me fait réfléchir comme jamais. J'arrive au moment où un récapitulatif est nécessaire. Premièrement, j'ai fais le deuil de mes deux parents. Je me considère orpheline. Deuxièmement, mes séances de psy avec le doc m'aident beaucoup à faire le deuil de cette partie de moi qui est morte pendant que je me faisais violer. Enfin, mes amis m'aident à remonter la pente ainsi que mon frère. Petit hic, le temps que je ne serais pas totalement remise, je n'arriverais pas à parler de mes problèmes à mes amis.

Je suis interrompue dans ce brainstorming de mes émotions par le craquement d'une branche derrière moi. Je me tourne presque trop vite puisque j'ai mal au cou. Je vois Anthony et Isaac, les yeux larmoyants. Bordel, est-ce que je parlais encore à voix haute ? La question tourne dans ma tête tandis qu'ils s'approchent tous les deux de moi. Ils marchent si lentement qu'on croirait qu'ils essaient de ne pas effrayer une biche.

- Vous êtes là depuis combien de temps ?

- Environ quatre heures, réponds Isaac.

- On est arrivés au "Je sais toujours pas ce que Anthony et sa mère se sont dit".

Les gars s'assoient de chaque côté de moi. Ma tête se pose sur l'épaule de mon grand frère et mes mains attrapent celle d'Isaac. Une larme solitaire coule. Mon frère l'essuie comme si de rien était.

- Comment tu savais où me trouver ?

- C'est l'anniversaire de la mort de papa dans une semaine. Isaac a pensé que tu serais là quand j'ai parlé de ce jour de merde.

J'apporte la main d'Isaac à ma bouche pour l'embrasser. Il sert la mienne pour notifier de son soutien. J'ai de la chance de les avoir. J'ai seulement peur de les perdre. Mais je vais travailler dessus.

- J'ai dis à Kat pour moi, confesse Isaac.

PersonneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant