Introduction :

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⚠️ Nous aborderons plusieurs sujets sensibles dans ce roman, comme le décès et le deuil ⚠️



Mes mains pleines de sang sont éclairées par la lumière de la lune dans le ciel. Ce n'est pas mon sang, mais celui de mon petit ami. Je pose mon regard sur son corps gisant sur le sol froid. Le rythme de sa poitrine, gêné par des spasmes de douleur est saccadé. Il est en train de lutter pour rester conscient. La pâleur de son visage contraste avec le rouge vif de son sang s'écoulant sur le côté de sa tête. J'aimerais retirer mon regard de son corps allongé sur le goudron, mais je n'y arrive pas. Je n'arrive pas à détacher mes yeux de sa bouche entrouverte créant un nuage de fumée à chacune de ses respirations devenues si précieuses.
Je caresse son visage sentant mon cœur se briser petit à petit, chaque fissure me provoquant une douleur lancinante dans la poitrine. Et comme si ce n'était pas suffisant dans ma tête c'est la confusion totale: ma raison se bat violemment avec le déni. Tout est ok... Tout est ok... Je vais fermer les yeux et me réveiller, toute la soirée va se rembobiner puis je recommencerai tout. Il n'est pas en train de mourir, tout est ok.
Je me répète cette phrase sans cesse dans ma tête. Comme si c'était une formule magique pour réaliser mon souhait.
Mais la raison reprend vite le dessus, et me rappelle ce qui est en train de se passer sous mes yeux. Une folle envie de hurler mon désespoir me prend.

Après avoir hurlé et imploré le ciel pour qu'il ne meure pas, je n'ai à présent plus de voix. Il ne me reste qu'un peu de force pour me permettre de sangloter.

— Ne pleure pas, ça va bien se passer, me souffle-t-il avec son sourire d'ange.

— S'il te plaît, s'il te plaît, répété-je secouée par de violents sanglots. Je t'en prie, reste avec moi. Les secours vont bientôt arriver.

— Ils arriveront trop tard, Liz, sa voix n'est plus qu'un murmure.

J'attrape son visage entre mes mains, mes larmes coulent sur ses joues, ou alors ce sont les siennes, tout s'embrouille et se mélange. Un défilé d'images me vient en tête, tous nos souvenirs s'étalent sous mes yeux. Notre rencontre au lycée en cours de poterie, seuls nos vases en terre cuite avaient explosé en mille morceaux lors de la cuisson. Nous avions dû refaire l'exercice sur notre temps de déjeuner à notre grand mécontentement. Je me souviens alors de la première fois qu'il a posé les yeux sur moi ainsi que la première fois où il m'a avoué ses sentiments pour moi quand j'étais en pleine lecture de mon roman préféré, il m'avait observé longuement avant de me le dire. J'étais devenue rouge pivoine en baragouinant plusieurs phrases sans aucun sens. Un frisson me remonte le long de la colonne vertébrale, je le revois dans son pull oversize noir, un sourire illuminant son doux visage. Je me rappelle de nos soirées pizzas, son rire était ma source de bonheur. Je ne l'entendrai plus ! Cette constatation me retourne le ventre. La peur me comprime la poitrine m'empêchant de reprendre ma respiration, je prends mon téléphone et regarde l'heure paniquée.

— Putain, mais qu'est-ce qu'ils font ? Je suis tellement désolée, tout est de ma faute. Mais qu'est-ce que j'ai fait ? Hurlé-je frustrée d'être inutile et de le voir perdre la vie peu à peu.

— Liz, j'ai peur...

Je le serre contre moi ne pouvant retenir le torrent de larmes qui m'assaillent. Son regard noisette tout apeuré se pose sur moi, il tousse et crache du sang, je l'essuie avec ma main tremblante. Le froid me grignote le corps, mais je n'y prête pas attention, plus rien n'importe. Je le serre encore plus fort contre moi comme si ça pouvait empêcher qu'on me le prenne. Avec beaucoup d'effort, il porte la main à mon visage, mais avant qu'il ne me touche la joue, elle retombe brusquement sur le sol. Puis lentement, son regard s'éteint. La douleur est trop violente, comme si on me broyait sauvagement le cœur pour ensuite le charcuter. Je ressens maintenant le froid. Tout le froid du mois de janvier s'engouffre à l'intérieur de mon âme, un vent glacial nécrose mon cœur. Je resserre mon emprise en l'attirant contre moi, mais je sens sa vie s'échapper entre mes doigts.

— Non, non, non ! Reste avec moi, bébé, je t'en prie, je t'aime. Je t'aime !

Je fonds en larmes en réalisant que son corps n'a plus de réaction. Je pousse un cri, un cri qui déchire le silence assourdissant de la nuit. Un cri qui détruit mes cordes vocales pour faire écho à mon cœur en miette. Je ne m'arrête que quand ma voix n'émet plus le moindre son. Au loin, j'entends la sirène des ambulanciers, mais c'est trop tard, il est mort.

Après ça, tout est allé très vite, arrivé sur place, un secouriste sort de son camion en me posant plusieurs questions que je ne saisis pas obnubilée par le visage sans expression de l'amour de ma vie. Il s'approche de son corps et commence à essayer vainement une réanimation, il crie alors des ordres à ses collègues qui s'attroupent autour de lui. J'ai l'espoir de le voir se réveiller, me disant que s'ils tentent une réanimation la partie n'est peut-être pas perdue. Mais le regard grave du secouriste piétine tous mes espoirs. Je le vois se rétracter, les autres ambulanciers s'agitant toujours autour du corps de mon petit ami. Je les supplie de réessayer, en serrant sa main si froide contre la mienne. Les voyant refuser, je me rue sur son corps et pose mes paumes sur sa poitrine, j'ignore la quantité de sang autour de lui et continue le massage cardiaque que l'ambulancier avait commencé. Ce dernier tente de m'éloigner de mon petit ami voulant emmener son corps dans son camion loin de moi. Réunissant mes dernières forces, je m'accroche à lui en hurlant de continuer à faire les soins. Ils furent donc obligés de m'immobiliser à trois pour m'éloigner, pendant que je me débattais ne le lâchant pas du regard.

Ce fut le dernier jour de ma vie.

LyraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant