Chapitre 22 - Un pied dans le vide

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Peter manque de tomber de sa chaise alors que son visage s'empourpre. Mais quelle idée étrange est passée par la tête de Claryssa, pour qu'elle dise une telle chose ? Je pense que si on regarde attentivement le nocturne, on peut comprendre très vite que ce n'est pas l'amour qui se reflète dans ses yeux lorsqu'il me regarde. L'encens qui a l'air de ne jamais se consumer flotte dans les airs se rapprochant dangereusement du jeune homme. Ce dernier lui donne un petit coup de la main ce qui le fait valdinguer tout droit vers ma tête. Prise de court, je tends les mains vers mon visage pour me protéger. Au bon moment apparemment, car quelques secondes plus tard, le bâton d'encens vient s'écraser contre ma paume droite.

— Amoureux ? Un assassin oui ! Déclaré-je en le fusillant du regard.

— Si j'avais voulu te tuer, tu serais déjà morte depuis longtemps ma chère.

— Sauf que sans moi, tu n'aurais pas la force nécessaire pour conjurer le maléfice, réponds-je sur un ton provocateur.

— Je préfère ne pas avoir la force nécessaire et vivre ma vie, peinard. Que d'en mourir pour conjurer un maléfice, siffle Peter en serrant les poings.

— Si j'en meurs, ce sera pour vous, espèce de con ! Ce sera pour te sauver toi et ta sœur et tous vos proches qui ne veulent pas périr dans une guerre qui ne les concerne pas.

Je me lève soudain de ma chaise sentant la colère monter en moi. Certes, ce nocturne odieux me sort par les yeux, mais je dois avouer que la peur elle aussi me pousse à quitter la maisonnette de Claryssa pour prendre un peu l'air. Peter, regrettant ses paroles, se lève à son tour dans l'idée de me retenir, mais la druidesse l'en empêche d'un signe de tête. Je la remercie silencieusement en refermant la porte derrière moi. J'avance sans trop savoir vraiment où aller. Je veux juste m'éloigner loin de tout le monde et me retrouver enfin avec moi-même. Après quelques minutes de marches à longer la côte, je trouve enfin l'endroit parfait. Je m'assois alors au bord de la falaise, les jambes dans le vide et le regard planté en direction de l'horizon. Le soleil couchant, éclabousse le ciel de taches orangées tirant vers le rouge. Je regarde le ciel, pensive, un soupçon de nostalgie me pesant au fond du cœur. Quand j'étais petite, j'aimais imaginer des personnages ou des animaux dans la forme des nuages. A présent, j'ai perdu cette imagination et ne vois plus que des boules de coton flottant dans le ciel.

Dans d'autres circonstances, j'aurais eu peur d'être aussi proche du vide, assise, au bord de ce précipice. Mais sachant que je vais potentiellement mourir d'ici quelques jours, la peur de tomber en devient presque futile. Claryssa m'a pourtant dit qu'elle joindrait ses pouvoirs aux miens, Peter également. Mais je n'en demeure pas moins convaincue. Et si nos pouvoirs n'étaient pas suffisants ?
Qu'est-ce qu'on est censé ressentir dans ces moments-là ? La peur ? Je la ressens déjà s'infiltrer dans mon être, petit à petit... Gagnant toujours un peu plus de terrain.
Oui, je suis complémentent effrayée à l'idée de mourir. Mais je ne peux pas leur montrer. Je ne peux pas leur dire que leur seule chance de retrouver enfin la paix qu'ils attendent tous depuis si longtemps, veut se défiler et prendre ses jambes à son cou. Nelly avait utilisé ses dernières forces pour que je sauve le monde magique, je n'ai donc pas le droit d'avoir peur. Ou de trouver ça injuste de devoir sacrifier ma vie alors qu'il n'y a même pas une semaine, je ne connaissais rien de toute cette histoire. Sentant une douleur dans la paume de mes mains, je baisse les yeux vers ces dernières et remarque qu'inconsciemment pendant tout ce temps, je plantais mes ongles dans ma chair. Je prends une grande inspiration afin de me calmer. Et me laisse bercer par le bruit sec des vagues s'écrasant contre les rochers.

Je vais peut-être mourir...
Qu'ai-je accomplis jusque-là ? Quel souvenir les gens auront de moi quand je ne ferais plus partie de ce monde ?
J'aurais aimé revoir ma mère. Refaire une soirée Vampire Diaries avec Beka ! Et écouter une dernière fois mes musiques préférées... J'aurais dû profiter pleinement des rires de mes proches et de nos bons moments passés ensemble. Nous prenons trop facilement les choses pour acquises. Alors qu'en réalité, elles ne le sont pas. Est-ce une sorte de déni que nous développons inconsciemment ? Peut-être que je suis également dans le déni en fin de compte... C'est vrai, je devrais pleurer ou hurler contre l'injustice de ce monde. Pourtant, je ne réagis pas, fixant l'horizon, comme déconnectée de la réalité.
Jusqu'à maintenant, j'ai pris les choses à la rigolade. J'avais encore du mal à accepter la magie dans ma vie. Mais la mort ? Je pense que c'est la goutte de trop. Celle qui a fait planté mon système nerveux. Au fond de moi, je veux sincèrement les aider, mais je suis si jeune pour mourir...

LyraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant