Chapitre 4 - L'intrus

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Je reste muette, on ne m'a jamais parlé ainsi. Je n'ai jamais abordé le sujet avec les autres aussi. Avec Neil, tout me paraît naturel, si facile. Il est très à l'écoute et pertinent dans ses réponses, c'est agréable de parler avec lui. Je dois avouer que je suis contente de l'avoir rencontré. Pourtant, de ce que j'ai entendu au lycée, une file de prétendantes s'est déjà créées autour de lui. C'est vrai que le jeune homme à la tignasse brune est très beau. C'est pourquoi je ne comprends pas pourquoi il perd son temps avec moi. Je ne suis qu'une simple fille, fondu dans la masse. Celle qu'on ne remarque pas tout de suite, celle difficile à approcher. Je dois bien avouer que son intérêt pour moi me plaît, je me sens belle quand il pose son regard sur moi comme s'il voulait me goûter pour connaître le goût de mes lèvres.

Je me sens intéressante quand il me pose des questions sur moi et m'écoute attentivement y répondre. Les garçons de mon âge sont tous plus ou moins superficiels, intéressés par la couverture et non de ce que renferme le livre. Je suis aux yeux des autres garçons la fille pas très drôle et coincée. Il est vrai qu'après sa mort, je rembarrais chacune des personnes qui venaient s'intéresser à moi. Je jouais l'inaccessible afin de me préserver, de ne plus souffrir et d'honorer ma promesse. Mais à présent, je me rends compte que je ne fais pas réellement ça pour lui. Je ne supporte juste plus le fait d'aimer et de perdre cet amour brutalement. Aimer rimer avec perte dans mon inconscient. Aimer rimer avec douleur. Et abandon.

— Pourquoi tu es si gentil avec moi ?

Je pose la question qui me trotte dans la tête depuis longtemps. Il parait surpris, mais finit par me sourire.

— Parce que je t'aime bien, tu m'intrigues aussi. Je te trouve différente, avoue-t-il.

Je rougis et détourne le regard, gênée.

— Alors peut-être que maintenant... Tu serais plus ouverte à ce qu'on soit ami, tente Neil en passant sa main sur ma tête m'ébouriffant au passage mes cheveux.

— Tu es sur la bonne voie, le taquiné-je en repoussant ses mains afin de me recoiffer.

— Donc je dois encore prouver ma bonne foi avant de mériter l'amitié de Liz.

— Exactement et ce ne sera pas facile, je l'évalue du regard cette situation semble l'amuser.

Tandis que nous arrivons devant mon perron, la nuit est déjà tombée. Je ne m'habituerai décidément jamais à la pénombre des rues dès dix-huit heures. Au loin, j'observe ma petite maison mal entretenue, mais j'aime l'expérience ainsi que l'ancienneté qu'elle dégage. Elle ne ressemble en rien aux maisons blanches toutes refaites du reste du lotissement. Tout d'un coup, mon regard se focalise sur une ombre vers la fenêtre arrière de ma maison. Je plisse les yeux afin de mieux voir qui rôde près de chez moi. Me rappelant soudainement que Beka m'a confirmé qu'elle viendrait dormir à la maison ce soir, je pense tout de suite à elle devant ma fenêtre se demandant pourquoi il n'y a personne qui répond. Je sens Neil se raidir, il ne dit plus un mot, je n'y prête pas plus d'attention et interpelle mon amie.

— Beka ? Lancé-je en direction de l'ombre.

Cette dernière se retourne vers nous en sursautant. Mais pas de réponse. Bizarre.
Je me rapproche de quelques pas, le bras de Neil se plaque contre ma poitrine m'empêchant d'approcher, je lui lance un regard interrogateur, mais il ne me voit pas, ses yeux sont fixés sur l'ombre.

— Eh ! M'écrié-je alors comprenant que ce n'est définitivement pas mon amie. Qu'est-ce que vous faites à espionner chez moi ?!

L'ombre disparaît à l'arrière de mon jardin, je ne tique que maintenant, mais comment a-t-il pu entrer alors qu'il faut les clefs pour ouvrir mon portail ? La peur fait place à la curiosité, je pousse le bras de Neil et cours vers l'arrière du jardin à la poursuite de cet intrus. J'ignore les cris du beau brun, prête à confronter l'inconnu, je déboule dans mon jardin, mais il n'y a personne.

LyraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant