Lyra

Chapitre 26 - Sacrifice du cœur

Léon me contourne avec une facilité et une rapidité déconcertante. Pour se placer devant l'autel face à la foule. Je dois avouer que le spectacle est presque cinématique avec la pleine lune rouge nous surplombant dans le ciel et les torches illuminant le visage démoniaque du nocturne. D'ailleurs, quelque chose a changé en lui, comme si sa noirceur déjà bien apparente avait prit une bonne fois pour toutes le dessus. La haine déforme ses traits et le rend encore plus effrayant qu'il ne l'est.

— Dans nos temps anciens, lors des cérémonies comme celle-ci, nous pratiquions les sacrifices. Et ces deux femmes m'ont donné une idée fabuleuse. Pourquoi ne pas en faire un pour témoigner notre reconnaissance éternelle à l'Élue.

— Non, tu n'es pas obligé d'en arriver là, m'écrié-je décontenancée par la tournure que prend la situation.

— Je pense que je t'ai assez laissé le droit à la parole pour ce soir Lyra, répond Léon d'une voix cinglante.

En accord avec ses paroles, il agite ses mains dans ma direction. Je me retrouve subitement dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. Seule ma tête est encore en possession de bouger. J'ouvre alors la bouche pour demander ce qu'il m'arrive, mais aucun son ne sort de celle-ci.

— Tu m'as beaucoup déçu Lyra. Moi qui pensais que tu te ferais une joie de régner à mes côtés... Enfin, ce n'est pas grave, avec ou sans ton consentement, j'arriverais à mes fins, il tourne la tête vers Claryssa en lui faisant un signe de la main. Viens, tu as l'honneur d'être la sacrifiée de la soirée ! Quelle chance, on applaudit tous la sorcière.

Devant l'inactivité de la foule, Léon renifle sèchement et fait quelque pas vers cette dernière avec un calme inquiétant. Le connaissant, ça ne sent pas bon du tout. Et comme pour confirmer mes peurs, le nocturne tape du poing contre le sol exactement de la même manière que moi il y a quelques heures. Tandis que le comité de personnes crient de terreur, la pierre se fissure sous leur pied. Puis dans un grondement effrayant un morceau de la falaise s'effondre, faisant disparaître une trentaine de nocturnes dans les flots agités de la mer. Je ne peux que regarder cette tuerie sans pouvoir faire le moindre mouvement, leur dernier cri se répercutant dans ma tête. Les pauvres survivants n'osent même pas s'enfuir sous le regard glacial de leur chef. Un silence de mort règne à présent, seules les vagues crée un bruit de fond en s'écrasant contre les falaises. Je ne me demande même pas s'ils ont survécu, à en voir la puissance des vagues ainsi que celle du courant, je ne peux qu'espérer qu'ils soient mort rapidement... Claryssa est blanche comme un linge, c'est compréhensible quand on sait que c'est la prochaine. Une douleur sourde vient m'irradier la poitrine et le ventre. Je reconnais bien cette sensation, celle de la peur. Maintenant que Léon nous a montré qu'il n'avait plus de limite, je suis réellement inquiète pour mon amie.

— Comme je l'ai dit tout à l'heure, reprend le nocturne en riant comme s'il ne venait pas de tuer une trentaine de personnes. Applaudissez.

Le comité abdique sous la pression et applaudit sans grande conviction. Léon s'approche alors de Claryssa sans me lâcher du regard. Il empoigne son bras brutalement et la traîne de force jusqu'à l'autel. J'essaye de bouger, serrant les dents sous l'effort que cela me demande. Mais rien n'y fait.

— Regarde bien Lyra, c'est le cadeau que je t'offre, me lance-t-il en forçant la druidesse à se mettre à genoux devant moi.

Des larmes roulent le long de mes joues. Je suis l'Élue, celle qui est censée changer les choses et sauver le monde magique. Alors pourquoi suis-je là, immobile, sans pouvoir faire le moindre geste pour aider Claryssa !

Sous mes yeux, il attrape ses cheveux pour la contraindre à me regarder. Son regard est empli de peur, mais en croisant le mien, j'ai comme l'impression que la druidesse reprend du poil de la bête. Sa respiration jusque-là saccadée revient à la normale. Je me demande bien comment elle s'y prend pour garder son calme alors qu'elle est sur le point de se faire sacrifier.