Chapitre 20 - Victime du destin

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La flamme des deux grosses bougies rétrécit puis d'un coup s'enflamme de plus belle, ce qui me fait faire un bond sur ma chaise. Claryssa est concentrée sur son sort, qui d'ailleurs me fait vraiment penser à de la magie classique qu'on pourrait voir dans les films. Comparée à Neil, Peter ou Léon qui eux n'ont pas besoin d'objet pour l'invoquer. Le bâton d'encens lévitant dans les airs autour de nous me rappelle que je dois rester concentrée sur le sort de la druidesse. Elle ouvre la petite fiole et fait tomber trois gouttes sur son index, puis me la tend. Je l'imite maladroitement ayant peur de m'y prendre mal, mais sous le regard bienveillant de Claryssa, je comprends que je n'ai pas de crainte à avoir. En me voyant faire des yeux de merlins frits, la druidesse ricane et prend la parole :

— Avant d'aborder le « gros sujet Nelly », je te propose de t'expliquer un peu, car à en croire ta tête, tout ça a l'air de t'étonner. Si tu as des questions, n'hésite pas.

— Euh... C'est quoi ? demandé-je en me huilant le bout des doigts.

— De l'huile de lavande, j'ai pris aussi deux bougies. Une blanche, représentant la magie des enfants du soleil ainsi qu'une noire pour les nocturnes, m'explique-t-elle en faisant couler la cire chaude sur la table en bois formant un symbole que je ne reconnais pas.

— Mais quelle magie utilisez-vous au juste ? Vous n'avez pas utilisé une seule goutte de votre sang depuis le début.

Claryssa sourit en entendant ma remarque, puis lève les yeux vers moi un sourire mystérieux se dessinant sur son visage. La flamme oscille comme si une brise invisible lui souffle doucement dessus. Ce qui forme d'étranges ombres sur le visage de la druidesse.

— Je peux utiliser les deux...

— Les deux ?! Mais c'est impossible ! M'écrié-je en ouvrant de grands yeux.

— Tu as raison, seul les élues peuvent posséder pleinement les deux pouvoirs, Nelly et toi. Seulement...

Elle soupire longuement en jouant avec l'une de ses mèches de cheveux. La femme pleine de prestance laisse place à une jeune fille vulnérable. Je crois même déceler de la tristesse dans son regard. Je me demande ce qu'il s'est passé pour Claryssa... En y réfléchissant, elle est reclue, loin du monde. Les gens ont peur d'elle ou la méprisent. Pourtant, du peu, que je viens de voir je la trouve gentille. Bon, certes Claryssa a envoyé bouler Peter, mais il l'avait bien cherché au final ! La femme blonde tourne la tête vers moi, ses lèvres sont pincées. Quand mon regard croise le sien, je me retrouve confrontée à son immense tristesse teintée de douleur. Je ressens subitement un petit pincement au cœur. Depuis le début... Derrière tous ses sourires et son air enjoué, se cache une souffrance indicible.

— Je suis née enfant du soleil, reprend Claryssa après une longue pause. Mon père était l'ancien chef du cercle du soleil, mais comme tu le sais, il y avait cette malédiction... Elle n'a pas épargné mon père. A cette époque, je n'étais pas aussi puissante que maintenant. Et bien plus idiote. Mon père m'avait fait croire que cette guerre était dans le seul but de sauver nos frères et sœurs des sacrifices que faisait la confrérie du sagittaire. Mais c'était faux ! J'avais participé à quelque chose de trop grand... Quelque chose qui me dépassait. Cette malédiction, peste-t-elle en fronçant les sourcils. C'est elle la vraie coupable. Et avant même que je ne m'en rende compte, j'avais déjà commis l'irréparable...

— Vous avez ôté la vie de quelqu'un ? Soufflé-je en la voyant perdue dans ses pensées.

Je comprends son désarroi, être trompé par son propre père... A Neil, aussi, on lui avait fait croire que les nocturnes sacrifiaient leur proie. Mais tout ceci n'était qu'en fin de compte une propagande pour préserver la haine dans les cœurs des gens. Ses doigts s'agrippent à la lame posée devant elle. Claryssa la serre tellement fort entre ses mains, que ses phalanges virent au jaune.

LyraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant