Lyra

Chapitre 5 - Boire la tasse

Je les laisse alors pour un bain chaud. Aussitôt, au contact de l'eau bouillante, mon corps nu se détend instantanément. La mousse créee un tapis blanc sur la surface de l'eau, avec lequel je m'amuse, aujourd'hui est mon seul jour de congé, et je compte bien en profiter ! Battant de la jambe au rythme de la musique sortant de ma chaîne hi-fi. Mes pensées vadrouillent, le visage de Neil me vient en tête. Ce jeune homme me provoque des sensations que je n'arrive pas à maîtriser, je peux faire semblant de le détester, ou de feindre une amitié, mes sentiments ne veulent décidément pas me quitter.

Quand je repense à ses fossettes lorsqu'il sourit, son regard ténébreux mais si ardent quand il est posé sur moi. Pourtant, croyez moi quand je vous dis que je n'ai rien voulu de tout cela, c'est juste arrivé comme ça sans prévenir. Je me surprends même parfois à être curieuse de le connaître davantage. Voulant scruter chacune de ses expressions, chaque haussement de sourcil, me demandant ce qu'il pense à cet instant précis. Les joues rouges, je plonge la tête sous l'eau comme si je pouvais échapper à ces pensées intrusives. Sous l'eau tout paraît si calme, seul le son du battement de mon cœur emplit mes oreilles. Si je le pouvais, je resterais sous l'eau éternellement, mais je n'ai pas assez de souffle, j'émerge la tête de l'eau en reprenant ma respiration.

Je me demande comment ça se passe dans le salon, je sais que Beka ne m'en voudra pas de l'avoir laissé avec Neil. Au contraire, je suppose que ça l'arrange bien. Le même picotement que tout à l'heure vient me taper dans le ventre. Je ne suis pas jalouse ! Pourquoi le serais-je ? Je déteste ne pas pouvoir contrôler mes émotions. Je déteste ressentir ce genre de sentiment envers lui. Pourquoi d'ailleurs ? Parce qu'il est sympa avec moi ? Pff... Pathétique, tu es pathétique.

Je me laisse retomber mollement dans mon bain, l'eau recouvrant bientôt tout mon visage. Je me remets en apnée et reste sous l'eau quelques minutes profitant de l'absence sonore dans cette masse liquide et chaude. J'adore faire des bains, c'est le seul moment de la journée où je m'accorde de la tranquillité. Toute ma vie se passe dans l'angoisse, suivant le fil continu du temps qui s'écoule si rapidement. J'ai peur, je ne sais pas de quoi, mais ma vie m'échappe peu à peu, je ne peux pas l'ignorer.
Je prends le temps de me concentrer sur la peau de mes doigts commençant à devenir fripé par l'eau. Je suis dans mon bain pour me détendre et non me poser trois mille questions créant une angoisse flagrante en moi. Je reste alors sous l'eau le temps de faire le vide dans ma tête.

Quand je n'ai plus de souffle, je remonte à la surface. Mais cette fois quand j'émerge de l'eau, la peur m'irradie la peau, l'homme de tout à l'heure est là. Juste devant moi à me fixer. Trop terrorisée, je n'ai même pas une pensée sur le fait que je sois nue. Un long chapeau noir lui barre le visage, dont je ne peux qu'apercevoir une mèche blonde s'en échapper, rien de plus. Ses yeux sont cachés derrière des lunettes de soleil et un foulard couvre le reste de son visage jusqu'à son cou.

Je n'ai pas le temps d'en voir plus que l'homme se rue sur moi. Mon cri est étouffé par sa main gantée, de l'autre, il appuie contre ma tête. J'ai à peine le temps de prendre ma respiration qu'il me pousse la tête sous l'eau. J'essaye avec mes bras de l'atteindre pour le repousser. Mon cœur bat fort dans mes oreilles, comprenant qu'il est plus fort que moi, j'essaye de me dégager ou du moins de faire du bruit pour alerter les autres en bas. Je remue violemment des jambes contre les parois de ma baignoire, mes bras, eux, recherchent aveuglément les poignets de mon agresseur pour y planter mes ongles.

Prise de panique, manquant de souffle, je manque de m'étouffer dans l'eau de mon propre bain. L'homme relâche son emprise, j'en profite pour reprendre bruyamment mon souffle, la gorge nouée je tente bien que mal de hurler à l'aide. L'homme le comprend vite et replonge ma tête sous l'eau. La peur et l'incompréhension se mêlent en un sanglot, mais je n'ai pas le droit de pleurer maintenant, je dois me battre. Dans un regain d'espoir, je plante mes ongles dans sa peau espérant lui provoquer une réaction, n'importe laquelle, afin de me donner le temps de sortir la tête de l'eau. Je ne veux pas mourir noyée, je ne veux pas mourir.