Chapitre 8

90 7 0
                                    

Seul, assis sur ce fauteuil, toujours aussi dégueulasse et délavé. J'attends en regardant le plafond. C'est long, putain, qu'on en finisse ! C'est chiant d'attendre le couperet.

— Bonjour Ézéchyel. Merci d'être arrivé d'avance. J'apprécie.

Il passe près de moi pour aller jusqu'à son bureau, tout en continuant de parler. Il a toujours l'air aussi débraillé. Je ne comprends pas pourquoi le juge a voulu que ce soit lui mon thérapeute.

— Aujourd'hui, j'aimerais que vous me parliez de votre famille. Père, mère, frère et sœur, cousin, si ça vous dit. Je veux un résumé. Une entrée en matière en quelque sorte. Que je sache qui vous entoure.

C'est une blague ? Son visage me fait très bien comprendre que non. Fais chier.

— Résumé ? J'ai une mère, un père, deux sœurs, deux beaux-frères et des neveux et des nièces. Il en a peut-être plus que lorsque je suis parti. Je n'en sais rien.

Voilà, dans tes dents. J'ai dressé une liste des gens qui m'entourait. Tu vas faire quoi ? Il me sourit comme un charognard. Qu'est-ce qui se passe dans sa tête à ce con ?

— Bien essayer Ézéchyel. Si j'avais voulu une liste, c'est exactement ce que j'aurais demandé. C'est un bon départ, au moins je vais pouvoir vous relancer. Bon maintenant. On se lance, décrivez-moi la famille en général. Le plus honnêtement possible. S'il vous plaît.

Quand faut y aller, faut y aller. Respire Ez. Tu peux le faire. Faut en finir !

— Je viens d'une famille baptiste, pratiquante, fervente et un peu illuminée. Ils sont tarés ! Je n'ai jamais réussi à comprendre ce qu'ils pouvaient tous trouver dans ce Dieu, je n'arrivais pas suivre sans me poser mille questions. Ils me disaient toujours d'avoir la foi et d'avancer les yeux fermés. Ils sont bien mal tombés avec moi. Je me faisais travailler la matière grise quand même. En silence, seul dans mon coin... ou j'interrogeais les profs de mon école. Eux, ils me disaient tous que j'avais le droit de croire en ce que je désirais. D'après eux, je devais prendre mon propre chemin. C'est effectivement ce que j'ai fait !

Comment ne pas parler de la religion quand je parle d'eux ? Ou comment éviter de parler de mes questionnements ? Je ne peux pas. Il n'y arrive pas.

— Ils avaient des grandes attentes envers moi et envers les gens en général. Ils étaient très fermés au monde qui nous entourait. Même leur famille réciproque ne comptait pas vraiment. Quand j'y pense, il était plutôt rare que l'opinion des autres soit calculée dans leur décision. Ils nous ont exclus de plusieurs réunions familiales parce que les avis de leurs frères et sœurs n'étaient pas en adéquation avec les leurs ! Plusieurs fois, j'ai voulu leur demander pourquoi ils nous enfermaient sur nous-mêmes, mais j'avoue que j'ai eu peur de m'en prendre plein la gueule pour avoir osé me poser des questions. C'est tellement plus simple de fermer les yeux. Mon parrain m'a littéralement dit que sa sœur était folle et que je devais continuer de me révolter ! C'était simple, mais compliqué à la fois !

Mais ta gueule Ez. Les épanchements ouvrent la porte aux questions, tu le sais ! LA FERME ! Toutes les fois où j'ai ouvert la bouche pour trouver de l'aide, ça m'a explosé à la gueule ! Avec lui, ce ne sera pas différent !

— Je comprends. On va commencer doucement. Parlez-moi de vos grands-parents.

— Mes grand-mères, puisque mes grands-pères je ne les ai pas connus. Je ne les voyais pas beaucoup, mais elles étaient présentes. Autant qu'elles le pouvaient, j'imagine. Ma grand-mère maternelle, Théodora, elle était plus difficile d'accès. Elle était, hum, comme sa fille. Borné et décapante ! Même si c'était une femme bien, je n'avais pas vraiment envie d'être avec elle. Je ne l'évitais pas, mais je ne restais pas dans son giron non plus.

Le prix du péchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant