Chapitre 14

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Jess m'a téléphoné ! En fait, il le fait depuis environ dix jours. Il m'appelle tous les jours. Dès le début, je savais qu'il le ferait, c'était inévitable. Ce que je ne savais pas, c'est que ce serait pour parler. Une simple discussion entre deux personnes normales. À part Sam, personne ne me parle de façon aussi désintéressé de ce que je peux leur apporter. Il n'a jamais été question de son dossier, ou donnée d'information sur un éventuel retard... Juste lui et moi. Discutant de la météo et de baseball. Je hais le baseball ! Je déteste le sport en général ! Lui semble passionné et il a cette façon de débiter un flot de paroles quasi ininterrompu. Je connais le baseball sur le bout des doigts en un seul coup de téléphone !

Son engouement est presque contagieux. Presque. Je déteste le sport ! Encore plus en écouter ! Pour lui, je fais un effort. Pas si compliquer, j'adore l'entendre.

La semaine dernière, il a joué les commentateurs, il m'a décrit le match qu'il était en train de regarder. L'entendre rire et hurler. Encouragé, grogné, devant son téléviseur est la plus agréable et la plus drôle des choses que je n'ai jamais entendues. Un vrai fan. Même si le sport ne m'intéresse pas, ce n'était même pas un calvaire de rester en ligne avec lui. Cette soirée est passée en un clin d'œil. Je n'ai même pas remarqué le temps passé. Il m'a accroché avec sa conversation interrompue de cri étrange.

J'ai des sentiments contradictoires. Il me fait du bien, mais cette situation me met mal à l'aise en même temps. C'est agréable de lui parler, pourtant j'ai peur qu'il essaie de se rapprocher de moi, pour les mauvaises raisons. Je ne voudrais pas qu'il y ait quelconque méprise. Il n'est pas obligé de me garder près de lui pour que je l'aide. Je le fais de bon cœur, sans rien demander en retour. Les premiers jours, je lui dis d'arrêter de m'appeler, qu'il ne me devait rien. Je n'ai rien demandé en échange de mon aide. Tout ce que je voulais, c'est qu'il ne perde pas de temps avec quelqu'un comme moi. Contre toute attente, il a refusé catégoriquement d'interrompre nos conversations. Je l'ai prévenu que j'étais un gouffre émotionnel. C'était son choix de réitéré ses appels. Et il est conscient de qui, je suis. Il sait dans quoi il met les pieds. Je le respecte, je ne m'engage à rien. Et si nous trouvons ne serait-ce qu'un peu de réconfort ? La situation me convient. Il apaise certaines douleurs et certaines peurs.

Ce matin, je me suis même surpris à me demander à quel moment de la journée il allait me téléphoner. Pendant qu'il serait en route vers l'école ou ce soir pendant que je serais coincé dans les embouteillages ou encore en soirée pour écouter un film ensemble chacun chez soi. J'en rêve presque ! Sa voix, ses rires et ses vannes nulles, légères et décalées, c'est comme un vent de fraîcheur dans ma vie de solitaire. C'est étrange. Je lui ai dit de ne rien attendre de moi et pourtant c'est moi qui m'accroche à lui. Je ne vis que pour bosser et lui parler. Je ne fais rien d'autre. Je ne veux rien faire d'autre à vrai dire. Je veux qu'il soit partout avec moi. Je ne m'imagine plus la vie sans lui.

Ça serait pathétique de dire que mon illumination d'hier y est pour quelque chose ? Peut-être, mais ça reste la vérité !

Assis sur mon sofa en regardant, je ne sais quoi, j'ai cliqué sur le bouton « surprenez-moi ». Je n'ai rien suivi, pour être franc ! J'ai réalisé quelque chose d'effrayant. Je suis seul. Je n'ai qu'un seul véritable ami, je suis sans famille et sans amour. Je m'occupe tellement la tête avec des futilités, que j'ai réussies, à occulter, la plus flagrante des vérités. À part le travail, Sam et les baises occasionnelles qui se font inexistantes ces derniers temps, personne ne m'avait appelé sur ce téléphone. Juste pour discuter... Je n'ai personne... Je suis pathétique ! Les appels de Jess sont devenus des moments attendus, désirés.

Même si ce n'est pas la joie depuis mardi après-midi.

Il ne pouvait pas payer, il m'a appelé pour que je repousse le paiement. Je savais que ce jour viendrait. Rien de choquant en soi. Il a le banquier particulier à son service. Je lui ai dit de m'avertir le cas échéant. Bizarrement, il semblait embêté d'être obligé de me le demander. Son malaise palpable m'a fait comprendre assez aisément que s'il s'était rapproché de moi à la base c'est qu'il le voulait. Il me voulait près de lui. Pas pour la sécurité, juste pour moi. Bel et bien, pour la personne que je suis.

Le prix du péchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant