Chapitre 9

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La vie n'est qu'un éternel recommencement. J'ai conduit jusqu'à Sam. Cette fois-ci, adossé au mur décrépi de sa salle de sport, il m'attend la clope au bec. J'ai la tête en vrac. Tout ce que je veux s'est oublié. Qu'il me dise que tout ira bien. Je veux... je ne sais plus. Putain.

— Aller vient dans mes bras, mon con.

Il ouvre les bras et comme la grosse loque que je suis, je me suis écroulé contre lui. Il est tout ce que j'ai. C'est pathétique à dire à presque trente ans. L'odeur de sueur et de cigarette me réconforte d'une façon bizarre. Comme si j'avais retrouvé un peu le repos de l'âme. Mon frère, mon meilleur ami.

Le sentiment de devoir fuir avait cessé de me poursuivre. Mais quand Garry m'a obligé de parler d'elle, l'urgence et l'agonie se sont fait sentir, comme quand j'étais enfant. La fuite en avant, mais la fuite tout de même. Je voulais être libre et elle me poursuit même à des centaines de kilomètres et des années de distance.

— Tu sais que tu vas devoir me parler pour que je puisse t'aider ?

Encore un peu de tendresse avant d'évacuer mon trop-plein par la violence. Juste quelques secondes grappillées, un peu plus. Juste... me sentir bien. En paix.

— J'ai dit à Kary qu'on passait la soirée tous les deux. Elle a posé aucune question. Alors tu veux faire quoi ? Bière et pizza sur ton canapé, ou tequila sur ma terrasse ?

— Tu ne me proposes pas la tournée des bars miteux ?

— Avec ton casier, non Ez, je vis très bien avec les mains non écorchées. Et je ne tiens pas particulièrement à me faire fouiller le cul pour aller te voir en prison !

On rit comme deux imbéciles. Il a toujours le mot pour déconner. Ça me fait du bien putain. On sait tous les deux qu'on va finir dans les rues à casser du déchet qui rôde trop près des filles un peu saoules qui veulent seulement rentrer chez elles.

Pendant qu'on mangeait une pizza quelconque, pas la meilleure de New York, malheureusement. Il n'a pas arrêté de me charrier du fait que le psy réussit à me perturber. Connard. Il comprendrait que c'est un monstre avec ses questions détournées et son but de me faire parler alors que je n'en ai, foutrement, pas envie. Je pensais être plus fin que lui en jouant le jeu, mais je me fous le doigt dans l'œil jusqu'au coude ! Il est rusé ce salopard !

On marche de long en large d'une rue qui ne va pas tarder à être envahie par la première vague de gens qui finisse la soirée bien accompagnée. C'est toujours intéressant de voir les choix de chacun. Quelques-unes ont vraiment l'air heureuses de leur décision. Les autres ont une mine renfrognée affichée au visage. Elles veulent simplement de la compagnie pour combler le vide de leur lit. Nous, on est présent pour la troisième catégorie. Celle qui rentre seule et qui compte le rester. Celle qui est souvent prise pour cible par des mecs saouls et dangereux.

Justement ce que je pensais. Deux gars bousculent une petite nénette qui titube sous l'effet de l'alcool. On va se rapprocher pour comprendre de quoi il en retourne. L'ivresse n'excuse pas tout. À nous de le lui faire comprendre !

— Je vous ai dit de me lâcher. Je ne suis pas intéressé et j'ai mon ami qui m'attend.

— Sapé comme tu es, on sait tous les trois que tu n'attends que ça que quelqu'un lève cette jupe pour t'enfourner une queue bien dure.

OK, j'en ai assez entendu. Ça suffit. Une phrase d'accroche bien sentie ? Ouais. Voilà, je la tiens...

— T'es sûr qu'elle va la sentir ? Avec une aussi petite, je ne suis même pas sûr qu'elle arrive à la voir !

Il arrête net, ouais, les insultes sur les petites bites fonctionnent toujours ! Il se retourne en tapant sur épaule de son pote, prêt à en découdre. C'est ça, le gros dur, fais-moi plaisir. Quand la fille s'est mise à courir loin de nous, j'ai attendu de la perdre de vue pour m'avancer vers nos deux comparses. Ils n'ont toujours pas vu Sam qui se tient dans l'ombre de la ruelle.

Le prix du péchéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant