Chapitre 4 : Sicilienne en devenir

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Nina

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Nina

Bip. Bip. Bip. Bip.

– Tiens, tu jetteras ça.

L'homme jette la capote fermée et pleine sur le lit. Heureusement, ils se protègent toujours. C'est une règle, pour tout le monde. Ces messieurs ne veulent pas attraper d'infections, et la mafia ne veut pas voir sa marchandise diminuée.

Après chaque prestation, un des hommes de mon géniteur vient vérifier si le client s'est bien protégé et encaisse les sous. L'argent ne passe jamais entre les mains des prostituées. Nous ne disposons pas de nos corps, alors on ne va certainement pas disposer de notre argent.

À douze ans, j'ai déjà vu beaucoup d'hommes. Je n'aime pas ça, mais c'est normal, le sexe n'est pas fait pour les femmes. Alors je me contente de serrer les dents.

Sauf quand ils sont dans ma bouche.

Je me rhabille et sors du bordel. À mon âge, on ne nous fait pas faire des nuits complètes, simplement quelques prestations isolées. En revanche, je vais bientôt faire mon premier voyage. Les Siciliennes sont souvent louées par des étrangers : Russes, Français, Espagnols, Libyens ... La Cosa Nostra traite essentiellement avec l'Europe et l'Afrique du Nord, afin de rentabiliser le voyage un maximum.

Je vais passer deux jours à Paris avec d'autres filles, pour satisfaire un riche homme d'affaires. Il les a demandées jeunes. Comme moi. Je sens que je ne vais pas aimer ça, mais je prendrai sur moi. Je n'ai pas envie de me faire frapper.

– Nina !!! Où étais-tu?

Clac.

Ben voilà. Même pas besoin de désobéir pour se prendre une claque. Je me relève et fais face à mon géniteur.

– Tu étais encore au studio de danse ?!

– Non.

– Ne me mens pas !!!

Clac.

Putain.

– J'étais chez Virginia avec un client.

– Où est l'argent ?

– Chez Virginia.

– Il ne t'a rien donné ?

– Sa capote.

– Tu es vraiment nulle Nina. Même baiser un type tu ne sais pas le faire. Si tu savais t'y prendre il t'aurait laissé un généreux pourboire.

Je baisse la tête en me promettant de m'améliorer. Je passe tellement de temps cachée dans le studio de danse qu'il est vrai que je loupe parfois les cours de Virginia. Mais c'est plus intéressant d'apprendre à danser qu'à sucer un vieux porc.

Mon géniteur m'adresse un regard méprisant et m'envoie rejoindre les autres dans l'atelier pour détailler la cocaïne.


Bip. Bip. Bip. Bip.


Je sors de classe après m'être faite frapper par le professeur. Selon lui, je n'étais pas assez attentive. Je suis fatiguée en ce moment. Et je suis un peu barbouillée aussi. J'aimerais juste pouvoir m'allonger sans que personne ne vienne me déranger.

C'est la Cosa Nostra qui nous fait l'école. Tous les enfants de la mafia suivent des cours dispensés par des professeurs grassement payés par l'organisation. Comme ça, il n'y a pas de risque que quelqu'un s'inquiète de nos absences ou des marques sur notre corps.

Après l'école, nous devenons les petites mains de la mafia : détailler la drogue, emballer les armes, décharger un conteneur ... C'est souvent à ce moment-là que je m'éclipse pour aller danser un peu. Je le fais aussi après un client.

J'arrive toujours à rentrer dans le studio de danse, derrière les miroirs. Comme ça, je peux apprendre sans être vue. En face de la professeure, je suis ses mouvements et je les reproduis pour m'évader quelques minutes.

Parfois quand elle corrige une élève, je ferme les yeux et j'imagine que c'est moi qu'elle vient aider. Que c'est mon bras qu'elle replace dans l'axe et que c'est ma pointe de pied qu'elle tire.

Mais ce jour-là je ne me sens vraiment pas bien, je n'ai même pas la force d'y aller. Alors quand j'arrive dans la grande villa principale, la femme de mon géniteur me prend à part.

– Depuis combien de temps tu n'as pas saigné ?

– Hier. Giovanni m'a cogné la lèvre et ....

– Pas là idiote ! En bas.

– Oh ! Euh ... L'autre jour, j'ai eu un client qui a été un peu brutal et ...

– Mais non !

Elle me donne une tape sur la tête. Je ne comprends pas ce qu'elle veut savoir.

– Tes clients se protègent toujours ?

– Mes clients oui.

Elle lève ses sourcils dessinés, comprenant mon sous-entendu.

À partir du moment où nous sommes sur le marché, les hommes de la Cosa Nostra n'ont plus le droit de nous toucher. C'est pour ça qu'ils en profitent quand on est plus petites. Après, nous sommes réservées aux clients. Selon eux c'est ce qui permet de garder un certain prestige. Et donc un certain prix.

Mais les jeunes du village ne l'entendent pas comme ça et ça leur arrive de nous prendre dans un coin, entre deux cours. Et ils n'ont pas tous le réflexe de se protéger, bien qu'on leur répète depuis tout petit qu'ils doivent le faire. Pour se protéger de nous. Ben oui, nous les putes, on pourrait leur transmettre des infections, car nous enfilons des kilomètres de queues.

À qui la faute ?

La femme de mon géniteur attrape le premier objet qui lui tombe sous la main pour me frapper avec. Le manche du balai rebondit sur mon dos, que j'ai appris à courber dès qu'une main se lève devant moi.

Mon géniteur est violent, mais je crois que sa femme l'est encore plus. Elle déteste tous les enfants illégitimes de mon père. Je peux la comprendre, on est la preuve vivante de l'infidélité de son mari, et en plus elle doit nous nourrir et nous loger.

Mais nous n'avons pas demandé à venir au monde. À vrai dire, si on m'avait demandé mon avis, j'aurais très probablement demandé à ce qu'on me tue dans le ventre de ma mère.

Elle pose le balai après quelques coups et vocifère ses insultes en agitant ses mains autour de moi.

– Enceinte à treize ans ! Manquait plus que ça. Tu es vraiment la pire de toutes Nina. Tu nous amène tout le temps des problèmes. Pezzo di merda !


Bip. Bip. Bip. Bip.


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NdA

Concernant les chapitres sur le passé de Nina, je vous rappelle que rien de tout ça n'est acceptable. La petite Nina accepte sa situation et essaye d'en tirer du positif car c'est son mécanisme de survie. C'est un syndrome de stress post-traumatique.

Le fait que les actes et les mots dans ces chapitres nous perturbent et nous choquent est normal. En revanche, les réactions de la petite Nina (et de la grande) s'expliquent par son éducation et ses traumatismes. Elle aurait bien besoin d'une thérapie, mais nous n'en sommes pas encore là.

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D.W.

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