Minuit
Une heure
Il n'était pas très tard, mais elle devait se lever aux aurores et il faisait tellement chaud que le sommeil l'avait quitté. Elle avait eu le malheur laissé ses fenêtres ouvertes et la chaleur de la journée s'était engouffrée dans sa chambre. Elle avait enfilé une robe de nuit qui s'arrêtait au genou et s'était passé un chiffon froid sur les tempes, mais rien n'y faisait.
Anna se tournait et se retournait dans son lit essayant de trouver une position agréable. Elle tournait en rond depuis deux heures. Elle avait rangé ses malles, lustrées ses bottes, lue et s'était même tressée les cheveux sans l'aide de Rachel (les deux tresses étaient un peu lâches, mais elle n'était pas peu fière de son résultat).
Elle devait se défouler.
Agacée, elle se leva et sortit discrètement dans le couloir. La fête était terminée et le personnel s'agitait deux étages plus bas dans les autres ailes du palais pour préparer les dernières festivités.
Le valet somnolait sur sa chaise et ne se réveilla pas quand elle se faufila par la porte dérobée derrière lui. Elle descendit par le petit escalier dissimulé. Ophélia l'avait informée dès son arrivée que les domestiques empruntaient des couloirs et des escaliers différents des aristocrates pour ne pas être vu. Elle arriva finalement au rez-de-chaussée et ouvrit une fenêtre du couloir donnant sur le côté le plus sauvage du parc.
Anna glissa à l'extérieur.
Elle retomba sans un bruit sur le gazon coupé au millimètre près et se mit en route en direction du kiosque. Contournant les bosquets taillés, elle s'éloignait du palais par une petite allée dont les gravillons mordaient la chaire de ses pieds nus.
Silencieuse, elle s'avança dans le parc où les jardiniers moins minutieux avaient laissé l'herbe pousser. Elle arriva près de l'étang. La jeune femme contourna les berges humides garnies de fleurs sauvages pour rejoindre le petit pont en bois qui menait au kiosque entouré d'eau.
Ce petit archipel était un havre de paix. Les branches des saules pleureurs glissaient doucement dans l'eau et les étoiles se reflétaient à la surface.
Elle avait cueilli quelques fleurs qu'elle s'amusait à jeter sur la surface lisse. Un léger vent se leva et les amena sur la rive d'en face.
Elle écouta la nuit.
Les grenouilles. Le vent. La chouette. Le bruissement des arbres. Le murmure de la ville. Un souffle chaud dans sa nuque.
Elle n'eut pas le temps de se défendre ou de crier qu'une main se plaqua sur sa bouche lui mimant le silence. Immobile, elle attendit le bon moment pour frapper.
L'inconnu la tourna pour lui faire face. Il s'éloigna et son visage fut éclairé par la pleine lune.
Le prince.
Voyant qu'elle l'avait reconnu, il retira sa main.
- Espèce d'aliéné ! Ne vous a-t-on jamais appris à ne pas apparaître derrière les gens la nuit ? J'ai failli faire une attaque !
Un grand sourire éclaira le visage de l'héritier.
- Oh, Trésor pardonnez-moi ! Ce n'était pas mon intention.
- Oui, c'est cela, je connais votre esprit mesquin, sourit-elle.
- Vous n'étiez pas là ce soir, se justifia-t-il. Ne me dites pas que vous n'êtes pas venue parce que nous sommes sortis hier, car vous n'avez rien bu !
Elle inclina la tête sur le côté.
- Me prenez-vous pour une petite joueuse ? Après les raclées que je vous ai mises ? Si je ne suis pas sortie, c'est parce que demain ou plutôt aujourd'hui, je dois me lever tôt et je refuse d'avoir la gueule de bois !

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Le destin d'Anna
Historical FictionAnna est l'héritière de Herelna. Elle a dédié sa vie à protéger et servir son royaume mais son manque de coopération lui attire les foudres du roi. Punie, elle est envoyée en mission dans le royaume d'Ortus où elle se retrouve mêlée aux intrigues d...