saboter ma vie

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Elle entendit son prénom et la foule s'exalter. Elle n'entendait que sa condamnation.

Elle vit les lèvres du prince remuer. Elle ne voyait que la trahison.

Elle sentit Édouard lui serrer la main et Alexis la bousculer en saisissant son épée. Elle ne sentait que la douleur.

Elle goûta le sang de sa lèvre qu'elle avait mordu pour s'empêcher de hurler. Elle avait le goût de la rage.

La foule se leva comme un seul homme pour la chercher. Elle. Celle qui avait déserté Ortus avant d'y retourner. Elle était revenue pour régler des affaires, mais aussi pour voir un ami se fiancer. Finalement, l'ami s'était avéré être le bourreau.

Anna se leva et s'avança vers l'estrade aveuglée par la colère les oreilles bourdonnantes. Derrière elle, Alexis avait rangé son épée et Sir Édouard murmurait des paroles inaudibles. Elle devait régler le problème avec le principal concerné. Devant elle, le prince la regardait du haut de l'autel le visage neutre. Insensible aux cris de son père et du comte de Maliu, il gardait ses yeux clairs encrés dans les siens.

Elle monta sur l'autel et quand elle fut à proximité de l'héritier elle fit ce que personne dans la salle n'attendait.

Elle le gifla.

La Cour se tut. Les ministres arrêtèrent leurs plaintes. La reine et le roi gardèrent la bouche ouverte. Les religieux étaient médusés. Le deuxième prince rit de bon cœur. Sonia cria. Le Vautour afficha une expression horrifiée.

Tous les regardaient. Elle ne voyait que lui. Le traître.

C'est alors que son visage impassible se fissura. Elle vit ses yeux brillants de colère. Sans dire un mot, il la saisit par le poignet et la traîna dans la salle adjacente à celle de l'autel. Les prêtres étaient tous dans le temple à côté. Il claqua la porte de sa main libre et la verrouilla.

Elle se retira de sa poigne comme brûlée par son touché et s'éloigna le plus possible. Lui la regardait placidement ayant retrouvé son calme.

La gifle lui avait permis d'exprimer sa rage et celle-ci s'était un peu adoucie.

- Retournez là-bas et dites-leur que vous vous êtes trompé, commença-t-elle posément.

Il secoua la tête.

- Je ne me suis pas trompé.

Finalement, la gifle ne l'avait pas calmée.

- Oh que si vous vous êtes trompé ! Je vous montrerai votre erreur si vous ne la réparez pas ! Vous allez retourner dans ce temple et vous fiancer à Sonia !

- Je ne peux pas, répliqua-t-il tranquillement.

Elle passa une main dans ses cheveux.

- Vous venez de merder donc vous allez rattraper le coup ! Retournez voir votre peuple et choisissez-la ! Bordel, ce n'est pas si compliqué de dire Sonia de Casteria ! Six pauvres syllabes !

Elle faisait les cent pas se passant la main sur ses joues qui chauffaient. Lui restait parfaitement calme adossé contre une colonne de marbre blanc. Son manque d'attention attisa sa rage.

- Comment avez-vous osé me faire ça ? Vous disiez que nous étions amis !

- Maintenant, nous sommes fiancés, avança-t-il goguenard.

- Espèce de connard !

Le prince grimaça. Il se décolla de la colonne.

- Anna-

- Non ! lui cria-t-elle. Vous avez perdu le droit de m'appeler par mon prénom !

Son regard s'assombrit.

- Je l'ai fait pour le royaume et parce que le roi l'a demandé, se justifia-t-il.

- Menteur ! Vous n'en avez rien à faire des paroles de votre père ni de votre royaume ! Vous n'écoutez que vos désirs comme un sale, gamin pourri gâté ! Pourquoi me faire du mal ? Je pensais que nos escapades et nos insultes étaient nos marques d'affection.

Il fit un pas vers elle la dominant de toute sa hauteur.

- J'ai fait ce que je devais faire, répondit-il en appuyant sur chaque syllabe. Mais vous avez raison... On m'a ordonné d'épouser Sonia.

Elle se précipita sur lui le visage tordu de colère.

- Menteur ! Connard ! Salop !

Elle martelait son torse avec toute la force dont elle était capable. Elle voulait lui faire mal comme il lui avait fait mal.

Le jeune homme encaissa quelques coups avant d'inverser la situation. Il lui ceintura les mains et les plaqua au-dessus de sa tête. Elle se débâtait comme une folle. Il la poussa contre le mur et l'immobilisa.

- Je l'ai fait pour vous, chuchota-t-il comme s'il craignait qu'on les entende.

Elle secoua sa tête pour dégager les mèches tombées devant ses yeux. Elle voulait affronter les yeux de ce traître.

- Menteur, grogna-t-elle. Vous l'avez fait pour votre petite personne !

- Vous êtes sur la liste noire de votre roi ! Si vous partez, vous serez capturée et torturée avant d'être exécutée !

Il vit son visage se décomposer et elle cessa de se débattre alors il lâcha ses poignets, mais ne se recula pas pour autant.

- Pourquoi me tuerait-il après m'avoir envoyé ici ? Cela ne lui servirait à rien, constata-t-elle dubitative. Personne ne sait, il n'aurait pas pu l'apprendre.

- Je ne sais pas, mais quelqu'un a parlé.

- Menteur ! Nous, nous ne nous plantons pas des coups de couteaux dans le dos ! attaqua-t-elle.

- Menteur par ci menteur par là... Vous n'avez que ce mot à la bouche, marmonna-t-il.

Anna le repoussa. Elle en avait assez de lui. Il s'éloigna d'un pas, mais il était toujours trop proche. Épuisé par ses reproches, il se défendit.

- Je vous ai protégé !

- Non ! Vous venez de m'offrir un avenir pire que la mort !

Il secoua la tête. Elle voyait qu'il se retenait de ne pas exploser.

- Vous devriez me remercier d'avoir sauvé votre peau !

Elle fut prise d'un rire hystérique.

- Moi ? Vous remercier ? Vous venez de saboter ma vie !

Elle se décolla du mur. Et s'avança pointant d'un air accusateur le prince.

- Vous deviez choisir Sonia ! C'était le plan ! Mais vous avez tout fait foiré comme d'habitude, j'ai envie de dire !

- J'ai glissé sur une tuile chez le baron, je vous l'ai déjà dit ! Il avait plu !

- Mais oui, c'est ça !

- Et puis vous ne m'avez jamais dit de ne pas vous choisir ! argua-t-il.

Il se passa la main dans les cheveux ce qui défit sa coiffure. De nombreuses mèches rebelles tombaient sur son front.

- Si je ne l'ai pas précisé c'était parce que c'était évident que vous ne pouviez pas me choisir !

- Mais quelle évidence ? explosa-t-il. Comment aurais-je pu deviné que vous vouliez que j'épouse Sonia ?

- Espèce de crétin aveugle ! Tous ces goûters et ces balades en tête-à-tête ! Ces deux dernières semaines, seuls tous les deux ! Vous deviez tomber amoureux d'elle !

Elle se massait le crâne comme si elle avait face à elle l'imbécile du royaume. Lui avait l'air déboussolé.

- Comment vouliez-vous que je m'entiche d'elle alors que je passais le reste de mes journées avec vous ?

Face à l'incompréhension qu'elle affichait, il poursuivit.

- Nous nous sommes retrouvés pendant presque deux mois chaque matinée, chaque après midi, chaque soirée pour s'entrainer, s'amuser, comploter ! C'est avec vous que j'ai le plus ri ces derniers moi pas avec vos cousines !

Il s'approcha. Leurs poitrines se frôlaient. Leurs yeux ne pouvaient se détacher.

- Alors dites moi ! Dites-moi comment je pourrais préférer Sonia à vous ! termina-t-il le souffle court.

Anna l'avait écouté sans flancher, sans reculer. La gorge sèche, elle essaya de se défendre.

- Parce que c'est comme ça ! Vous le devez comme je dois rentrer chez moi ! Vous avez passé suffisamment de temps avec Sonia pour l'aimer et nos aventures n'étaient qu'une distraction,, soutient-elle la voix rauque.

Défense nulle et illogique

- Mais c'est vous que je préfère ! explosa-t-il. 

- Moi, je vous déteste, termina-t-elle d'une petite voix peu convaincante.

Toute en retenue, il entrouvrit ses lèvres et réduit les derniers centimètres qui les séparaient. Sa bouche se posa sur la sienne, elle en frissonna. Elle imagina un instant se laisser aller lorsqu'il exerça une légère pression sur sa lèvre inférieure. 

Elle sentit une chaleur naitre dans son ventre. 

Sur sa lancée, le prince effleura le haut de sa bouche. C'est tendre mais amer. Envoutant mais douloureux. 

Anna le détesta pour ce qu'il lui faisait ressentir. Elle s'écarta de son visage les yeux humides. Elle ne savait pas où elle en était. 

- Comment osez-vous m'embrasser après m'avoir fait ça ?

Elle renifla.

- Laissez-moi rentrer chez moi.

Anna s'écarta de ses bras et partit vers la porte. Elle la déverrouilla et avant de revenir dans le temple, se retourna une dernière fois.

- Si vous tenez réellement à moi alors laissez-moi partir.



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Le destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant