Oui

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Les cloches et les carillons accompagnèrent le carrosse devant le Grand Temple. La foule retenue derrière des barrières exaltait de joie à son passage remuant avec frénésie des drapeaux blancs ornés d'amaryllis rouges. Quelques badauds s'étaient procuré les mêmes drapeaux avec le blason de Tiona.

Anna s'enfonça dans son siège pour ne pas être vue de l'extérieur. Sa tante et sa mère lui tenaient les mains pour lui apporter du réconfort. Sa mère, Angélique, était arrivée la veille avec comme seule bonne nouvelle un Alexis vivant. Ils n'avaient pas réussi à convaincre son oncle d'annuler le mariage, mais il avait consenti à libérer le chevalier.

- Ma Colombe, nous serons toujours là pour toi.

Sa mère approuva les paroles de sa petite sœur. Toutes d'eux vêtues d'une robe bleu nuit épinglée d'une broche en forme de lynx, elles l'observaient les yeux embués de larmes.

Elles se remémoraient leur mariage. La veille, les deux sœurs avaient dormi dans le même lit se promettant que rien ne les séparerait. Le lendemain Angélique s'était marié avec un prince attentionné et Anaïs avec un comte violent. Vingt-cinq ans plus tard, l'une avait appris à aimer et l'autre s'était faite veuve. Elles n'avaient pas eu leur mot à dire.

L'histoire se répétait.

La veille, Anna avait veillé avec sa mère et sa tante dans le même lit qui lui promirent que rien ne les séparerait. Aujourd'hui, Anna se mariait avec un égoïste doublé d'un crétin. Elle se rêvait à la tête d'Herelna, mais elle serait reine d'Ortus. Elle n'avait pas eu son mot à dire.

- Tu es magnifique, murmura sa mère en observant son visage.

Anna portait sa première robe de la journée. Celle-ci avait un col bateau qui dévoilait ses épaules et son cou orné d'une parure de diamants qui scintillait de mille feux. La robe avait un corset qui lui en plus de lui affiner sa taille lui coupait la respiration. Le tissu d'un blanc pur formait une large corolle qui tenait à distance ses interlocuteurs, mais qui l'empêchait de se mouver avec agilité. À croire qu'ils voulaient l'empêcher de s'enfuir. Ses cheveux étaient maintenus dans un chignon sophistiqué et un diadème ornait sa tête sur laquelle était épinglé un voile léger, mais d'une longueur indécente. Elle avait besoin de six personnes pour bien le placé derrière elle.

La voiture ralentit.

- Mère, est-ce normal d'avoir si mal au cœur que j'ai envie de l'arracher de ma poitrine ?

- La douleur partira.

Elle marqua une pause le regard dans le vide.

- Ou tu t'y habitueras, ajouta-sa tante.

Le carrosse se stoppa.

- Je ne veux pas vous quitter maman.

Les mains fuselées de sa mère encadrèrent son visage. Les yeux fermés, elle colla son front sur celui de sa fille et inspira profondément.

- Je serais toujours avec toi mon enfant. Je t'aime Anna plus que tout au monde.

Elle sentit les larmes monter.

- Ne pleure pas tes yeux vont gonfler, la sermonna-t-elle doucement.

Elle rabattit le voile sur son visage après avoir déposé un baiser sur sa joue.

La portière s'ouvrit.

Anna s'appuya sur la main que son père lui tendait. Le duc de Herelna l'aida à descendre et prit son bras pour l'escorter jusqu'au temple. En haut des marches, elle se retourna pour saluer la marée humaine qui scandait des cris de joie. Aucune tête blonde, aucun visage familier.

Le destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant