Je vais vous fumer

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— Blanc, rouge, noir et vert. Le blanc était un génie militaire, le rouge un combattant hors pair, le noir la terreur des pauvres gens et le vert la mort en personne, continua le jeune prince.

À ces mots, les cheveux d'Anna se redressèrent sur sa nuque et la main qui tenait le ruban se fit fébrile.

— Main armée de la couronne partout où ils passaient le chaos s'installait. Les habitants préféraient tirer...

D'un geste machinal, Anna se crispa et tendit le ruban. Elle était suspendue aux lèvres du prince attendant la suite.

— Vous pouvez lâcher le ruban, murmura une voix doucereuse à son oreille.

Elle eut un mouvement de recul tant la voix était proche.

Seul le prince Gabriel semblait avoir remarqué l'absence de la jeune femme. Ses yeux bleus essayaient de percer le regard troublé de la nordienne. Autour d'eux, l'attention était focalisée sur monsieur de Moncareuil qui avait perdu.

Elle était encore sous l'effet des paroles du prince Arthur. Elles lui avaient fait rappeler des paroles anciennes. C'était stupide.

— Victor, vous devez déclarer votre admiration à l'une des demoiselles présentent, ordonna le maître du jeu.

Le brun poussa son fauteuil devant Charlotte et lui déclama :

— Je ne suis pas poète, mais chevalier. Je n'ai ni vers ni poème à vous offrir, mais sachez-

— Vous êtes revenu parmi nous ? souffla le prince à son oreille.

— Je ne suis jamais partie, répondit-elle.

— Vous sembliez être dans le monde des songes.

— Non, j'écoutais votre frère et maintenant que je veux écouter votre ami, mais vous me distrayez.

Anna se concentra sur le jeu, mais le chevalier avait fini de délivrer sa pensée à une Charlotte rouge comme une tomate. Il prit la place du jeune garçon avec tous les rubans en main. Chaque joueur prit sa bande de tissus et le chevalier put conter son histoire.

— Dans une petite maison près de la forêt, se trouvaient un grand-père et une grand-mère. La grand-mère aimait cuisiner les pâtisseries, particulièrement les galettes. Un jour, alors que grand-père lisait tranquillement le journal, la grand-mère préparera une galette. Elle rassembla tous les ingrédients, prépara la pâte puis la mit à cuire dans le four. Puis, la grand-mère posa la galette sur le rebord de la fenêtre. Au bout d'un moment, la galette commençait à s'ennuyer... Elle décida donc de se laisser tomber dans l'herbe et continuer son chemin.

Anna essayait de l'écouter, mais le regard persistant du prince la dérangeait.

— C'est indécent de dévisager une femme, souffla-t-elle à l'héritier.

— Oh trésor, nous savons ce qui est indécent pour vous... 

Il laissa sa phrase en suspens. La jeune femme déglutit. Jamais il n'oserait évoquer leur rencontre à l'auberge.

— Ce n'est certainement pas un regard qui vous fait rougir ni même un baiser mais-

— Taisez-vous, souffla-t-elle.

— Des mains sur votre taille, compléta-t-il.

Anna se remémora la soirée et la colère l'envahit.

Comment osait-il ?

Elle prit l'éventail de sa poche et lui gifla les doigts.

Sous l'effet de surprise, l'héritier lâcha le tissu. Il répliqua en lui donnant un coup sur la main qui lui fit à son tour lâcher le ruban.

Le destin d'AnnaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant