Chapitre 12

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Elie

J'ai eu beaucoup de temps pour réfléchir là où je voulais aller en premier. J'ai observé les plans de l'hôpital pendant que Valentine était aux toilettes. Après une inspection rapide des lieux, j'ai trouvé l'endroit parfait. Je sors en trombe de l'aile, Ben sur mes talons. Quel plaisir de pouvoir passer cette porte qui me rappelle trop celle du C.R.I. Je prends la direction de la cage d'escalier et les monte quatre à quatre. Je suis à bout de souffle quand j'arrive en haut. Ben, lui, a à peine les joues rosées par l'effort. Avantage d'être footballeur. Il me regarde interrogateur. Nous sommes sur le dernier palier des escaliers et il est exigu. Si bien que mes pieds touchent ceux de Ben. La porte de service se trouve juste à côté de nous, je la pousse et place un caillou qui traîne pour la bloquer. Un air frais s'engouffre dans les escaliers. Je souris. La liberté. Enfin un semblant. Ben me regarde dubitatif. Mais je m'en fous, je suis hypnotisée par la vue qui s'offre à moi. Sans m'en rendre compte, j'ai rejoint le bord du toit plat de l'hôpital. Ben me tient le poignet et m'observe inquiet.

-Tout va bien, soufflé-je.

Je détache lentement ses doigts de mon poignet et place un pied sur le reste du toit surélevé. Puis un autre. Et voilà. Je suis à la limite de ma liberté. Je souris quand une bourrasque de vent me fait tanguer. J'ouvre mes bras et m'offre au monde. Je dis merci. Merci à la vie de m'avoir fait rencontrer Ben. Tyler. Selena. Un rayon de soleil sort d'un nuage et illumine mon visage. Je jette un coup d'œil à Ben qui a toujours le bras tendu vers moi. J'esquisse un sourire. Il me protège quoi qu'il arrive. Je remonte mes yeux vers ses lèvres qui sont très légèrement bleutées à cause du vent. C'est vrai que nous sommes en novembre et qu'il fait un froid de canard. Mais rester cloîtrée dans ma chambre, dans ce confort inhabituel pourtant familier, m'a donné soif de vie et d'émotions fortes. Je relève encore un petit peu les yeux et tombe sur son regard intense. Il me coupe à nouveau le souffle. Je vois qu'il essaye de me transmettre tout ce qu'il pense. Tout ce qu'il ressent. Et je prends tout. Tout ce qu'il a à me donner. Tout ce qu'il me dit silencieusement. Je descends de la partie surélevée du toit. Je me retrouve à sa hauteur. Il me regarde une dernière fois puis me prend dans ses bras. Il me serre fort et je lui rends son étreinte. Nous restons là un moment. Perdus au milieu du vent.

-Je commence à avoir froid, me chuchote-il à l'oreille.

Je glousse et nous rentrons toujours enlacés.


27 mois avant l'université, s'il y en a une.

Cela fait un mois que j'ai emménagé ici, au Centre de Recherches Isis. Aujourd'hui commence la partie concrète de l'expérience. La majorité des autres sujets ont été renvoyés chez eux. Je suis le meilleur pour faire avancer la recherche contre les maladies génétiques. Pour reprendre les mots de Steeve. Ma chambre est toujours fermée à clé et je n'ai plus aucune occasion de sortir. Depuis ma tentative d'évasion, l'autre jour, ils ont reliés la salle d'eau à ma cellule par un tunnel. Ce jour-là, Steeve et le Docteur qui est en charge de mon cas sont venus me voir. Le Docteur n'était pas content que j'aie tenté de m'évader. Steeve, lui, affichait un grand sourire. Ce qui était très perturbant. Avant de quitter la chambre derrière le Docteur, il s'est approché de moi pour me chuchoter ces quelques mots à l'oreille : "Il est trop tard ma douce Elinor, tu es coincée. Mais ne t'inquiète pas, je ferai un bon père." Ces deux phrases ont tourné en boucle dans ma tête. Le lendemain, j'avais d'énormes cernes et une mine horrible. Si bien qu'un médecin généraliste est venu m'ausculter pour savoir si je n'avais pas chopé un truc. Aujourd'hui, on m'a informée qu'on allait tester des médicaments développés pour tenter d'éradiquer ces saletés. Cela fait une heure qu'on m'en a injecté deux. Je. Ne. Me. Sens. Pas. Bien. J'ai déjà vomi trois fois, alors que je n'ai rien mangé depuis 24h. Les scientifiques derrière la vitre n'ont pas l'air de s'inquiéter pour moi. J'ai la tête qui tourne. Et d'horribles crampes au ventre. Ils m'ont empoisonnée. Ils vont me tuer. Bye, bye leur sujet d'expérience. Au fond, je m'en fous de mourir, je suis en enfer ici. Mon frère saura se débrouiller sans moi. Et ma mère jouera la comédie devant son public, mais je sais qu'elle n'en aura que faire et qu'elle se dira que je suis morte pour la bonne cause. Que j'ai accepté de participer. Que je ne dois m'en prendre qu'à moi-même.

I NEED YOU.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant