Chapitre 1

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Sept années plus tôt, à la fin de la guerre qui agitait le monde magique, il avait fui.

Seul.

Loin de ses parents, loin de ses amis, loin de tout ce qu'il connaissait. Il avait pris conscience de ce qu'il avait fait, de ses multiples erreurs, et il avait pris la fuite, en pleine nuit, sans dire au revoir.

À l'époque, il n'était qu'un adolescent perdu et effrayé, craignant de finir en prison. Il avait conscience qu'il devrait un jour payer pour ses erreurs, mais il n'avait jamais été courageux au point d'affronter le jugement des autres. Cette fois n'avait pas fait exception.

Les premiers mois avaient été compliqués. Il avait pris conscience qu'il ne connaissait rien au monde en dehors de sa petite vie confortable et surprotégée. Il s'était obligé à s'adapter, comme une étrange punition, qu'il s'infligeait à lui-même. Comme une rédemption pour prouver qu'il n'était pas si mauvais que tout le monde l'imaginait.

Lui qui détestait autrefois les moldus sans les connaître vivait désormais comme eux, sans pour autant chercher à se lier à l'un d'entre eux. Il gardait ses distances et il s'était replié sur lui-même dans une bulle de solitude.

Il aurait pu s'apitoyer sur son sort et se laisser aller, terminer à la rue et mendier puisqu'il n'avait plus rien, ou même se laisser mourir et cesser de lutter.

Mais il avait survécu à la guerre, à la marque sur son bras et à tout ce qui aurait pu mal tourner durant son adolescence chaotique. Il était au contraire plein de combativité, bien décidé à prouver qu'il était capable de faire quelque chose de sa vie.

Il était bien trop fier pour terminer en mendiant, se laissant crever misérablement. Si certains moldus n'avaient pas le choix et subissaient leur mauvaise fortune, lui avait la chance d'être un sorcier et il était majeur. Tant qu'il restait discret, il pouvait se servir de la magie en dernier recours et s'éviter le pire.

C'était bien loin de ses standards d'enfance. Il ne possédait pas de Manoir immense, il louait un minuscule appartement décrépi dans un quartier pauvre. Il avait oublié son amour de la mode sorcière de luxe pour s'habituer de vêtements moldus classiques, achetant pour la première fois de sa vie dans les chaînes de grande distribution. Il avait appris à préférer le confort aux apparences.

Il n'était plus un riche oisif prétentieux, mais il avait dû faire ses preuves et trouver un travail. Un travail moldu.

Ainsi donc, Drago Malefoy avait bien changé. Il était devenu un autre homme, laissant derrière lui l'adolescent terrifié qui se pensait supérieur. Il avait grandi par la force des choses et la vie l'avait fait mûrir.

Sept années plus tôt, lorsque Voldemort était tombé, Drago avait laissé sa mère l'enlacer alors qu'il contemplait le champ de bataille, effaré. Dans un camp comme dans l'autre, il y avait des camarades de son âge qui étaient morts, forcés de se battre sans avoir pu réellement choisir leur camp. Ils avaient été précipités dans une guerre qu'ils ne comprenaient même pas.

Il avait vu les Aurors commencer à arrêter les Mangemorts qui continuaient de se battre et il avait compris que sa vie était terminée. Qu'ils allaient venir pour eux et qu'ils seraient jetés à Azkaban.

Il avait brièvement croisé le regard vert de Potter et ils s'étaient fixés un long moment, sans haine pour une fois ni reproches. Il lui avait adressé un signe de tête bref, comme pour le remercier et il l'avait observé s'éloigner avec ses amis.

Il avait regretté un instant leurs années d'affrontement. Potter s'était révélé moins stupide et moins lisse qu'il ne l'avait imaginé au premier abord.

Mais le héros du monde magique avait repoussé son amitié à leur rencontre, même si leur destin avait été scellé bien avant leur naissance.

Étrangement, aucun Auror n'était venu vers eux ce jour-là. Ils avaient reçu des regards haineux, pleins de colère, mais rien de plus. Finalement, ils étaient partis de Poudlard, Drago encadré par ses parents, tremblant à chaque pas, craignant d'être rappelé et arrêté comme il le méritait.

Une fois dans le Manoir familial, il s'était retranché en silence dans sa chambre sans un mot ni un regard pour ses parents. Il les aimait, mais il leur en voulait également. Ils auraient dû le protéger, l'empêcher de faire autant d'erreurs. Ils auraient dû assurer sa sécurité et faire en sorte qu'il n'ait pas à se battre avant même d'être majeur.

Sa mère l'avait regardé s'éloigner avec tristesse, mais elle n'avait rien fait pour le retenir. Son père était hagard, perdu dans son monde, indifférent à ce fils qui n'avait pas réussi à redorer le blason familial. Depuis son évasion d'Azkaban, il était différent, bien loin de l'homme puissant et respecté qu'il avait été.

Drago avait passé la nuit éveillé, incapable de trouver le sommeil, sursautant à chaque bruit — qu'il soit réel ou juste imaginaire. Le Manoir n'était plus un refuge, il avait été souillé par Voldemort qui s'y était installé sans scrupules. Sa propre culpabilité le dévorait et les regrets le rendaient fou.

Le lendemain, il était resté enfermé dans sa chambre, essayant d'envisager un futur, quel qu'il puisse être. Il était conscient qu'il n'avait aucun avenir désormais. Personne dans le monde magique anglais ne lui ferait confiance. Le nom des Malefoy était frappé d'infamie. Personne ne pourrait le regarder sans méfiance ou sans haine, surtout avec la marque encore visible sur son bras.

Sa famille était encore fortunée, leurs coffres étaient pleins d'un or amassé depuis plusieurs générations, mais leur aisance ne durerait probablement pas éternellement.

Ce fut au milieu de la nuit suivante que Drago se décida. Il partit avec les vêtements qu'il avait sur le dos, sa baguette — qu'il n'avait pas pu abandonner — et quelques gallions en poche, l'équivalent de l'argent de poche qu'il avait à Poudlard pour aller à Pré-au-Lard.

Rien de plus.

Aucun souvenir personnel, ni photo, ni bijou. Rien qui puisse lui rappeler son passé. Il abandonna également son hibou majestueux, décidant qu'il n'en aurait plus besoin. Il laissa juste un parchemin sur son lit, avec un « Désolé » soigneusement calligraphié.

Tout était dit. Ses parents comprendraient.

Il ne se sentait pas le courage de s'expliquer davantage, d'avouer la rancœur qu'il avait envers ses propres parents et sa peur d'être enfermé à Azkaban pour ses nombreuses erreurs passées. Il n'oubliait pas qu'il avait lancé l'Imperium, qu'il avait provoqué les blessures de Katie Bell et manqué d'empoisonner Ronald Weasley accidentellement. Pire encore, il avait permis aux pires monstres du monde magique d'entrer à l'intérieur de Poudlard et il avait contribué à la mort de Dumbledore, même s'il n'avait pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de sa mission.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant