Chapitre 45

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Le capitaine Thomas Moore était un homme grisonnant, âgé d'une cinquantaine d'années et surtout de nationalité anglaise. Il semblait sévère au premier abord — probablement pour asseoir son autorité sur son équipage — mais Drago avait vite découvert qu'il était juste.

En entrant dans sa cabine, Drago essaya de cacher son inquiétude. Cependant, le capitaine le dévisagea attentivement et lui désigna un siège devant lui.

— Vous avez beaucoup de secrets, jeune homme.

Drago se recroquevilla sur lui-même, mais le capitaine lui adressa un petit clin d'œil.

— Comme nous tous, je suppose. Cependant, j'aimerais savoir si vous voulez... continuer à naviguer ou si vous vouliez juste vous rendre à Bali.

Drago se passa la langue sur ses lèvres et il haussa les épaules en évitant le regard de l'homme.

— Je... n'ai pas vraiment d'attaches. Je pensais continuer à voyager, mais je ne sais pas vraiment...

Le capitaine haussa un sourcil moqueur et il intervint.

— Un voyage pour retourner vers l'Angleterre ou au contraire pour rester à distance ?

Toute couleur quitta le visage de Drago et il écarquilla les yeux, muet de stupeur. Le capitaine soupira et se leva, pour poser une main sur son épaule.

— Pas de panique, j'ai reconnu votre accent. J'ai une proposition à vous faire, mais je veux savoir la vérité à votre sujet. Je ne compte pas aider un criminel en fuite.

Drago soupira et il haussa les épaules.

— Je ne m'appelle pas vraiment James David, mais je préfère ne pas... donner mon véritable nom. Je ne suis pas... enfin, j'ai quitté l'Angleterre après une rupture et... j'ai besoin d'oublier. Je ne veux pas être retrouvé, pas pour l'instant.

Drago n'avait pas pu affirmer qu'il n'était pas un criminel, pas avec son passé de Mangemort. Cependant, il se montra aussi honnête qu'il le pouvait, avec un soupir résigné.

Le capitaine le fixa longuement et il hocha la tête.

— Une rupture, hein ? Quelqu'un vous a fait du mal ?

Drago écarquilla les yeux et secoua vivement la tête.

— Non ! Pas ce genre de rupture. Nous... Je voulais le protéger.

Il y eut un lourd silence et Drago s'empourpra, particulièrement mal à l'aise. Les moldus étaient comme les sorciers : certains étaient tolérants et d'autres repoussaient toute différence chez leurs semblables. Il espérait que le capitaine Moore ne s'offusquerait pas de son orientation sexuelle.

Finalement, le capitaine murmura, pensivement.

— Je vois... Très bien, James. Vous êtes un bon élément, fiable et travailleur. Puisque vous voulez... voyager encore, je peux vous écrire une lettre de recommandation. Disons que mes collègues sauront que vous avez fait vos preuves.

Drago hocha la tête, troublé.

— Merci capitaine.

L'homme eut un sourire affectueux et il lui tapota l'épaule.

— Si vous pouvez rester deux semaines à quai à Bali, il y a une croisière qui traverse le Pacifique pour se terminer en Alaska. Un mois de traversée et le capitaine du Seabourn Sojourn est un ami.

Cette fois, Drago ne put dissimuler son émotion.

— Ce serait parfait. Je dois avouer que la chaleur tropicale par ici est plutôt difficile à supporter.

Le capitaine laissa échapper un éclat de rire joyeux.

— Pas étonnant avec votre peau claire ! Vous avez plutôt de la chance de ne pas avoir grillé directement sous ce soleil d'enfer...

Le dernier jour passa à une vitesse folle pour Drago et il se retrouva à terre pour la première fois depuis quinze jours, à Benoa, une province de Bali.

Un peu dépassé, il regarda autour de lui, découvrant sous la chaleur moite une île beaucoup plus peuplée que l'Australie.

Fidèle à sa promesse, le capitaine Moore lui avait remis une solide lettre de recommandation, lui assurant une place sur la prochaine croisière qu'il choisirait. Puisqu'il ne comptait pas retourner en Australie, le jeune homme s'installa au plus près des sites touristiques, et il offrit ses services dans les nombreux hôtels et restaurants du coin.

Son séjour à Bali se déroula dans une sorte de brouillard d'épuisement, jusqu'à l'arrivée du Seabourn Sojourn à quai. Il travaillait avec acharnement pour une poignée de piécettes, jusqu'à tomber de sommeil le soir venu.

En arrivant au port, Drago découvrit avec stupéfaction que le paquebot était bien plus grand que Le Lapérouse, puisqu'il accueillait quatre fois plus de passagers à bord. Il était également deux fois plus long, mais lorsque Drago se rendit à bord pour rencontrer le capitaine, il eut l'impression d'être en terrain familier. Le léger roulis du bateau sous ses pieds était une sensation qui lui avait manqué, alors même que son expérience se résumait à une seule croisière de quinze jours...

Le capitaine Anton était un homme taciturne, qui le dévisagea avec méfiance. Cependant, il se détendit en lisant la lettre de son collègue et il eut un sourire pincé.

— Thomas m'a contacté à votre sujet. James, n'est-ce pas ?

Drago hocha la tête.

— James David, oui.

Drago le laissa le dévisager en silence, essayant de ne pas se tortiller sous le regard sombre. Cet homme semblait aussi abordable que le professeur Rogue l'avait été en son temps, mais pour une raison inconnue, Drago ne se sentait pas menacé.

Finalement, le capitaine hocha sèchement la tête.

— Vous êtes prêt à passer un mois entier en mer et à quitter le soleil pour le froid de l'Alaska ?

Drago se détendit et il ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire.

— Un peu de fraîcheur et de grisaille ne pourra que m'aller. Le climat tropical est plutôt étouffant.

Le capitaine lui sourit brièvement, puis il hocha la tête.

— Présentez-vous ce soir pour embarquer. Je demanderai à un membre de l'équipage de vous indiquer votre cabine. Si vous avez des questions, c'est le moment.

Drago secoua doucement la tête.

— Pas de questions, capitaine. Je serais là.

— Parfait, James. Passez une bonne journée.

En quittant le paquebot, Drago regarda autour de lui, un peu étourdi. Il allait traverser la moitié du monde cette fois et c'était quelque chose qu'il n'aurait jamais envisagé de faire un jour.

Harry lui manquait toujours autant, mais il sentait en même temps plus vivant que jamais. Il emballa ses maigres affaires, avant d'explorer un peu les environs, ce qu'il n'avait jamais pris le temps de faire depuis qu'il était arrivé d'Australie. Les paysages étaient magnifiques, bien sûr, mais Drago avait conscience qu'il manquait quelque chose pour que ces moments soient parfaits.

Ou plutôt quelqu'un.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant