Chapitre 48

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À son réveil, Drago se sentait misérable. Entre sa tête douloureuse et la nausée persistante provoquée par l'abus de bière, et ses confessions bien trop honnêtes à Tessa, il avait juste envie de disparaître au plus vite. Son corps bouillonnait de nervosité et il se frotta longuement le visage, regrettant de s'être laissé aller.

Tessa fit son apparition et déposa un verre d'eau et un comprimé d'ibuprofène devant lui, avec un rictus narquois.

— Je suppose que tu te souviens de notre conversation et de mon avis sur ta situation ?

Drago roula des yeux en gémissant de douleur et grogna, marmonnant au sujet de l'insensibilité de cette femme. Il avala le médicament avec un soupir en espérant que l'effet soit rapide et il réprima un haut-le-cœur en voyant l'assiette garnie d'œufs brouillés et de bacon que Tessa déposait devant lui.

— Pas moyen que je mange...

Tessa leva un sourcil moqueur.

— Tu dois t'hydrater et manger. Gras de préférence. Tu me remercieras plus tard.

À la mention du « gras » contenu dans le repas, Drago ferma les yeux avec la certitude que son teint avait viré au vert. En essayant de ne pas penser à son estomac sensible, Drago finit par manger quelques bouchées, sans conviction, en ignorant Tessa.

Il se surprit lui-même en terminant l'assiette et effectivement, il se sentait un peu mieux. C'était loin d'égaler les potions du monde magique, mais au moins, il n'avait plus l'impression qu'il allait succomber à ses abus.

Lorsqu'il eut l'impression d'être redevenu humain, il se leva lentement pour prendre congé de sa bienfaitrice, mais Tessa le toisa sévèrement.

— Que vas-tu faire maintenant, James ?

Il comprit parfaitement la question, mais il haussa les épaules avec un rictus moqueur, éludant le sujet qu'il ne voulait pas aborder.

— J'avais dans l'idée de rentrer chez moi et de prendre une longue douche brûlante. Tu avais prévu de me traîner jusqu'au port ce soir, non ?

Il nota sa déception, mais il fit de son mieux pour ne pas y accorder d'importance. Au moment de partir, il lui sourit tristement et il murmura, pleinement sincère.

— Merci de ton accueil. Tu vas me manquer quand je partirai.

La barmaid plissa les yeux, une lueur de colère passant sur ses traits.

— Encore en train de fuir ?

Drago soupira, se sentant soudainement épuisé.

— C'est probablement ce que je fais de mieux. Je vais juste retourner travailler sur une de ces croisières interminables. Je... pense sérieusement revenir par ici en débarquant, tu sais.

Tessa se détourna, avec un soupir résigné, comprenant qu'il refuserait de revenir sur ses aveux avinés.

— Si c'est ce que tu veux faire.

Drago ne répondit pas en partant, parce qu'il était incapable d'affirmer que c'était ce qu'il voulait. Il avait conscience que c'était ce qu'il devait faire, parce qu'il ne pouvait pas se permettre de s'ancrer quelque part, mais le poids de la solitude lui semblait parfois insupportable.

L'air glacial à l'extérieur termina de le dégriser et il enfouit ses mains dans ses poches pour marcher jusqu'à l'appartement qu'il louait. C'était un studio minuscule, prévu pour ceux qui venaient comme lui travailler le temps d'une saison, totalement impersonnel. Drago n'avait pas pris la peine de l'aménager selon ses goûts, conscient que son séjour n'était qu'éphémère, une fois encore.

En passant devant l'épicerie du village, qui faisait aussi bazar et librairie, il eut un petit pincement au cœur et il se demanda si Harry avait vendu sa boutique. Elle était pleinement à lui, désormais, grâce à la tutelle du Ministère. Tout comme son ancien appartement.

Drago repoussa rapidement ses pensées, refusant de laisser le passé le submerger encore une fois. Comme il l'avait dit à Tessa, il se glissa sous une douche brûlante avec un soupir puis il tituba jusqu'à son lit, où il s'écroula. Juste avant de s'endormir, il programma son réveil pour la fin de la journée puisque Tessa l'avait invité à aller admirer les aurores boréales avec elle.

Depuis qu'il était en Alaska, Drago n'avait encore jamais eu l'occasion d'admirer des aurores boréales, malgré sa curiosité à ce sujet. La seule chose qu'il savait était qu'elles étaient plus fréquentes en hiver et qu'elles s'observaient idéalement entre le parc de Denali et Fairbanks.

L'avion étant le moyen le plus facile de rejoindre ces deux destinations, il n'avait pas envisagé de s'y rendre.

Cependant, il avait entendu parler un groupe de visiteurs dans le bar de Tessa — des scientifiques qui s'étaient arrêtés à Hoonah — et ils avaient mentionné une éruption solaire assez importante, suffisamment pour qu'une aurore boréale soit visible depuis Hoonah.

Selon leurs prévisions, il serait possible d'observer ce phénomène durant la nuit à venir et Drago n'avait pas pu s'empêcher d'accepter l'invitation de Tessa à l'accompagner, impatient de découvrir ce phénomène.

Ainsi, après son réveil, se sentant bien mieux maintenant que l'alcool avait été éliminé de son organisme, Drago s'habilla chaudement. Par chance, le ciel était dégagé et il savait qu'en longeant la côte au nord du port, ils trouveraient des endroits dépourvus de toute pollution lumineuse.

Il ne fut pas surpris de découvrir que Tessa l'attendait déjà, habillée de pied en cap, portant un sac contenant des thermos de café. Ils marchèrent en silence, côte à côte, leur souffle formant de la vapeur dans le froid de la nuit. Tessa ne prit la parole qu'une fois arrivés sur leur lieu d'observation, se mordillant légèrement la lèvre.

— Écoute, James, je suis désolée. J'espère que ce n'est pas à cause de ce que je t'ai dit que tu comptes quitter Hoonah.

Drago lui sourit tristement.

— Ne t'en fais pas. Je dois juste... Je ne peux pas vraiment me permettre de rester au même endroit trop longtemps.

Tessa pinça les lèvres, puis elle soupira.

— Si tu le demandais, nous pourrions t'aider. Les gens d'ici... entre nous, on se serre les coudes. Tu as fait tes preuves, tu sais ? Tu bosses dur, tu ne demandes jamais rien. Ici, on croit aux secondes chances. À la rédemption.

Drago ferma les yeux, déchiré entre ce qu'il souhaitait et ce qu'il devrait faire pour assurer sa sécurité. Finalement, il sourit tristement en haussant les épaules.

— Peut-être. Je devrais peut-être faire cette croisière et revenir ici... et ne plus jamais en bouger.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant