Chapitre 3

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Lorsqu'il se leva ce jour-là, Drago était de mauvaise humeur. Il avait fait des cauchemars toute la nuit, comme souvent à l'approche de Noël, et il s'était tourné et retourné dans son lit sans parvenir à se reposer correctement.

Au moment de se lever, il avait hésité à laisser la boutique fermée pour une fois, pour pouvoir dormir un peu — au moins pendant la matinée — cependant l'idée de ruminer et de tourner en rond sans rien avoir à faire ne le tentait pas vraiment. Il finit par se lever lentement, presque à contrecœur. Il faisait froid dehors, et quitter l'abri douillet de sa couette était presque une torture.

En arrivant dans sa petite cuisine, il se servit un café serré pour se réveiller, et il faillit laisser tomber sa tasse, le cœur battant la chamade, en découvrant un hibou sur le rebord de la fenêtre. L'animal le fixait en attendant patiemment, un message attaché à la patte.

Il regarda longuement le rapace, espérant qu'il finirait par partir, espérant que c'était une erreur. Il y avait peut-être un sorcier dans le quartier, n'importe quoi qui puisse expliquer sa présence sur le bord de sa fenêtre.

Cependant, le parchemin noué à sa patte et l'immobilité de l'oiseau prouvaient que ce n'était pas un hasard. Quelqu'un cherchait à le contacter et le monde magique l'avait visiblement retrouvé.

Nauséeux, il vida sa tasse dans l'évier, abandonnant l'idée d'ingérer quoi que ce soit, et il ouvrit la fenêtre, les mains tremblantes, sans se préoccuper du froid ou des rafales de vent. Il prit rapidement la missive lorsque le hibou tendit la patte, s'attendant presque à recevoir des coups de bec en représailles de la longue attente.

Mais l'animal resta stoïque et s'envola à tire d'ailes dès que son message fut délivré.

Drago mit un long moment avant de déplier le parchemin, essayant d'étouffer les souvenirs du monde magique qui menaçaient de le submerger. Il s'était habitué au papier bien trop fin du monde moldu et aux stylos, et toucher la texture de ce papier épais lui amenait en mémoire des souvenirs doux-amers. Son cœur battait à tout rompre et ses mains tremblaient au point qu'il dut s'y reprendre à plusieurs fois pour briser le sceau de cire.

L'en-tête le glaça. « Ministère de la Magie ».

Il ferma les yeux, essayant déjà de prévoir ce qu'il allait faire de sa boutique lorsqu'il serait emprisonné. Il était évident qu'il était temps pour lui de payer ses erreurs passées, puisqu'il ne comptait plus fuir indéfiniment.

Lorsqu'il rassembla assez de courage pour lire la lettre, il découvrit un message terriblement informel. Le Ministère lui demandait de prendre rendez-vous au plus vite avec le ministre de la Magie en personne pour une affaire de la plus haute importance.

Visiblement, le Ministère savait qu'il était dans le monde moldu puisqu'un numéro de téléphone était indiqué, ainsi qu'une adresse postale moldue.

Drago déglutit, puis soupira. En laissant le parchemin bien en vue sur la table de sa minuscule cuisine, il alla se préparer pour ne pas ouvrir la boutique en retard, agissant machinalement. Depuis qu'il avait racheté sa librairie, il était d'une ponctualité exemplaire, quelles que soient les circonstances. Le jeune homme avait surtout besoin de réfléchir, d'avoir un peu de temps pour digérer cette nouvelle.

Il travailla toute la journée, presque par automatisme. Son esprit ne cessait de revenir au message du monde magique qui l'attendait chez lui, à cette demande — cet ordre implicite — lui enjoignant de se présenter devant le ministre au plus vite.

Il songea avec un amusement détaché qu'il ne savait même pas qui était le nouveau ministre de la Magie. Il se doutait que ce n'était plus le petit pantin de Voldemort, Thickness. Dans ses souvenirs, l'homme avait été présent à la bataille de Poudlard et il y était mort. Il était parti avant de connaître le nom de son successeur.

Finalement, presque à contrecœur, il prépara une affichette, soigneusement calligraphiée, sur laquelle il annonçait une fermeture exceptionnelle pour raisons personnelles.

Après une légère hésitation, il ne nota pas de date de retour, espérant qu'il ne s'agissait que d'un rendez-vous pour s'assurer qu'il n'avait pas l'intention de semer le trouble, et qu'il pourrait reprendre sa vie moldue.

Il était prêt à laisser sa baguette au ministre si nécessaire, pour prouver sa bonne foi. La magie ne lui était plus vraiment indispensable. C'était plus une vieille habitude du quotidien de l'avoir sur lui qu'un réel besoin, après tout il s'était parfaitement acclimaté au monde moldu.

Amer, il songea que Noël était la période où il avait le plus de clients et que la boutique risquait de se retrouver en difficulté... avant de se traiter d'idiot. Les finances de sa boutique pourraient très bien rapidement devenir le moindre de ses soucis.

Il ferma soigneusement la librairie après avoir accroché son petit panneau, passant quelques secondes à observer la devanture, espérant qu'il reverrait vite cet endroit qu'il avait appris à aimer au cours de ces cinq dernières années.

Puis, il retourna chez lui à pas lents, le cœur lourd, perdu dans ses pensées, les mains dans ses poches, poings serrés.

Il tremblait nerveusement et il décida de régler cette histoire au plus vite. Il n'allait certainement pas se terrer chez lui comme il aurait pu le faire autrefois. Il avait changé.

À peine entré chez lui, il composa soigneusement le numéro indiqué sur le parchemin sur son téléphone, qu'il avait fait installer pour pouvoir gérer sa boutique de chez lui, et il attendit une réponse. Il eut un sentiment d'irréalité totale en entendant une voix féminine annoncer tranquillement.

— Ministère de la Magie. Que puis-je pour vous ?

Se demandant depuis quand le Ministère avait une ligne téléphonique, il répondit, d'un ton absent.

— Bonjour. J'ai reçu un courrier me demandant de prendre rendez-vous avec le ministre de la Magie.

À l'autre bout du fil, il n'y eut pas la moindre hésitation, comme si ce genre de communication était habituel.

— Bien sûr. Il y a un créneau qui s'est libéré demain matin vers dix heures, si ça vous convient. C'est votre jour de chance, il faut habituellement plusieurs semaines pour avoir un rendez-vous. C'est à quel nom ?

Drago se retint de commenter ce qu'il pensait de sa chance, et il donna machinalement sa nouvelle identité.

— David Black.

Avant qu'il n'ait le temps de corriger, la femme au bout du fil avait noté, avait confirmé le rendez-vous pour le lendemain matin, dix heures et avait raccroché, le laissant légèrement groggy.

Il ne dormit pas de la nuit, restant allongé, immobile, les yeux grands ouverts, fixant le plafond. À certains moments, il commençait à suffoquer en pensant que peut-être il serait à Azkaban pour sa prochaine nuit. Il se leva à l'aube, sans avoir fermé l'œil.

Il ignora son reflet dans le miroir, ne cherchant même pas à dissimuler les cernes impressionnants qui marquaient son visage encore juvénile.

Après une douche rapide et brûlante pour détendre ses muscles, il enfila un jean et pull épais, se rappelant distraitement qu'il n'avait plus le moindre vêtement sorcier.

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