Sous Tutelle

Chapitre 60

Horrifié, Drago se leva brusquement et il ne se soucia pas de la chaise qui tombait. Il sentait le regard de Harry sur lui et sa magie s'agitait — si puissante qu'il était étonné que Tessa ne se rende compte de rien.

Incapable de faire face plus longtemps, il fit volte-face et partit en courant, sans se soucier du fait qu'il ne portait qu'un jean et un pull, sortant dans la nuit glaciale d'Alaska.

Drago courut sans but, sans réfléchir, insensible au froid.

Il ne pouvait pas faire face à Harry.

Dans sa fuite éperdue pour le protéger, il avait imaginé un Harry heureux et libre. Chaque journée de solitude, où il terminait épuisé, était un geste pour protéger Harry.

Sauf que finalement, rien n'avait fonctionné comme il le prévoyait. Harry le détestait d'avoir fui, le prenant pour un lâche probablement. Sans compter que le jeune homme semblait avoir eu une vie aussi solitaire que lui.

Drago tomba à genoux en arrivant au bord de la mer et il se rendit compte qu'il était à l'endroit précis où il avait admiré l'aurore boréale la veille.

Une larme roula sur sa joue et il l'essuya rageusement, en ignorant ses frissons de froid.

Hoonah avait été son sanctuaire. Lorsqu'il était arrivé dans cette petite ville isolée, au bout du monde, il s'y était senti bien. En sécurité. Libre. Si bien qu'il avait prolongé son séjour, encore et encore.

Désormais, sa nouvelle vie venait de voler en éclats. Chaque souvenir de Hoonah serait mêlé à Harry furieux, lui reprochant sa fuite. Harry le rejetant.

Drago était épuisé. Il n'était pas certain d'avoir encore le courage de continuer à fuir, alors qu'il n'y avait plus rien à fuir en dehors de ses souvenirs du passé.

Pour la première fois depuis qu'il avait quitté le monde magique, douze ans plus tôt, Drago regretta de ne pas avoir sa baguette à portée de main. Il aurait pu se jeter un oubliette si puissant qu'il aurait tout oublié, jusqu'à son propre nom, pour devenir une page blanche.

Il aurait été en paix, pour une fois.

Les yeux fixés sur la mer agitée, Drago se demanda quoi faire désormais. Il était revenu au point de départ, encore une fois.

Malgré les températures glaciales, Drago resta sur la côte, les yeux dans le vague. Il se sentait engourdi, le cerveau agréablement brumeux.

Lorsque Harry apparut, approchant de lui avec un sourire et le regard chaleureux comme autrefois, Drago pensa à une hallucination. À un mirage. L'idée qu'il puisse mourir de froid le traversa, mais il ne s'en soucia pas.

Son Harry imaginaire posa une épaisse couverture de laine sur lui, le réchauffant et il eut un long frisson, en fermant brièvement les yeux.

S'il pensait que Harry aurait disparu lorsqu'il les rouvrirait, il s'était trompé. Harry était toujours là, près de lui. Mieux encore : il s'installa à ses côtés et le prit dans ses bras, comme avant.

Avec un soupir, Drago se laissa aller dans l'étreinte, retrouvant l'odeur de Harry et sa chaleur.

Son Harry imaginaire le laissa se réchauffer quelques instants, avant de murmurer, de sa voix unique.

— Je suis un idiot.

Drago resta silencieux, perplexe. Harry le serra un peu plus contre lui et il laissa échapper un rire amer.

— Ton amie a raison. Je ne suis pas un héros et je ne l'ai jamais été. J'ai juste été jeté dans une situation merdique et je me suis débrouillé pour survivre.

Cette fois, Drago murmura, avec douceur.

— Tu as fait bien plus. Elle ne te connaît pas comme moi...

Harry renifla, l'interrompant.

— Pas toi, Drago. Tu es bien le seul à ne jamais avoir été aveuglé par tout ça. Cette célébrité stupide...

Le jeune homme soupira en regardant l'horizon, un pli barrant son front. Se sentant audacieux — après tout c'était une illusion de son esprit, une hallucination parce qu'il était probablement en train de mourir de froid — Drago leva la main et la lissa du doigt, pour chuchoter, avec un sourire presque espiègle.

— Peut-être que j'étais jaloux ? Je voulais peut-être que tu me regardes un peu, moi et pas les autres ? Quoi qu'il en soit, je vais te dire un secret : tu as toujours été un héros, Harry. Depuis notre deuxième année, le jour où tu as tenu tête à mon père... J'ai juste mis du temps à comprendre, même si je l'ai toujours su.

Harry le dévisagea attentivement, avant de secouer la tête, un petit sourire en coin aux lèvres.

— Pourquoi tu me dis ça ?

Drago retraça l'arc d'une pommette, s'émerveillant de pouvoir sentir la chaleur de sa peau, sa douceur également. Sans quitter Harry des yeux, il haussa les épaules et murmura, pleinement sincère.

— Tu vas repartir et je serais encore seul. Comme ça, tu penseras peut-être à moi. Parfois.

Le doigt de Drago continua son trajet, arrivant sur la joue, souriant quand il sentit le piquant de sa barbe. Il arriva aux lèvres et les retraça lentement, fasciné, jusqu'à ce que Harry gémisse son prénom.

Drago ne put s'empêcher de rougir légèrement, tout en se mordillant les lèvres, un peu nostalgique. Tout à son exploration, il ne faisait pas attention au regard intense de Harry.

Drago soupira, soudain fatigué, cessant de refouler ses sentiments.

— Tu m'as tellement manqué.

Cette fois, Harry l'attira contre lui et l'embrassa férocement. Lorsqu'ils furent haletants, Harry le garda contre sa poitrine tandis que Drago commençait à penser que son illusion était peut-être plus réelle qu'il l'imaginait.

Agrippé à Harry, il préféra savourer le moment, avec toujours la crainte que ce ne soit qu'un moment éphémère.

Harry le tira de ses pensées avec un murmure triste.

— Tu m'as manqué aussi. Et je suis désolé. Je ne me rendais pas compte que...

Harry s'interrompit brusquement en se mordillant la lèvre, puis il secoua la tête.

— Laisse-moi te ramener au chaud et m'assurer que tu vas bien. Ensuite, nous avons à parler, toi et moi. D'accord ?

Drago frissonna avec l'impression que le retour à la réalité était brutal. Il eut un mouvement de recul, mais Harry attrapa ses joues glacées entre ses mains chaudes.

— Hey, tout va bien, Drago. Je te promets, tout va bien.

Drago aurait aimé hurler que c'était faux, qu'il mentait. Plus rien n'allait dans sa vie, puisqu'une fois encore, tout avait explosé autour de lui. Cependant, il était fatigué de fuir sans cesse et de prétendre qu'il allait bien, alors il se résigna et hocha juste la tête, vaincu.