Chapitre 13

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Le matin le trouva épuisé et apathique.

Lui qui avait pensé pouvoir retourner travailler dès son retour du Ministère ne parvenait même pas à quitter son lit, avec la sensation qu'il ne servait à rien de se battre, que son destin était de toute façon tracé. Sa confortable vie moldue prenait fin et désormais et l'avenir l'effrayait. Drago ne contrôlait plus rien.

Sept ans plus tôt, il avait trouvé la force de changer de vie et de construire une nouvelle identité, loin du monde magique. Il n'avait plus rien à perdre à l'époque — hormis sa liberté — et se battre pour s'en sortir lui avait permis de reprendre vie et d'espérer de nouveau un avenir.

Maintenant qu'il avait trouvé un équilibre, qu'il était heureux, il avait l'impression de manquer de courage ou de force pour se battre encore une fois. Il était prêt à capituler.

Lorsque la porte de son appartement s'ouvrit, il ne réagit pas, résigné. Il imaginait déjà les Aurors entrer pour venir l'arrêter, malgré ce qu'avait prétendu Potter.

Il n'y avait qu'un sorcier pour déverrouiller sa porte, avec la magie.

Il ferma les yeux, avec la sensation que sa tête tournait. Il ne bougerait pas de son lit, il ne ferait pas face, il allait juste ignorer les bruits indiquant la présence d'intrus chez lui et attendre qu'ils viennent le tirer de son lit.

Il ouvrit brusquement les yeux en sursautant lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule et tirer la couette pour le découvrir. Par réflexe, il eut un mouvement de recul, levant les mains pour se protéger d'un éventuel coup, avant de se rendre compte que son visiteur n'était autre que Harry Potter en personne.

Le jeune homme brun le regardait avec inquiétude, visiblement mal à l'aise.

Drago resta silencieux, incapable de réagir, le dévisageant sans comprendre ce qu'il faisait devant lui, sous le choc. Harry sembla se méprendre sur son silence, puisqu'il se tortilla mal à l'aise avant de murmurer, comme s'il n'osait pas parler à voix haute dans le silence de l'appartement.

— Je me suis souvenu qu'on avait manqué le déjeuner hier et tu semblais... perturbé quand je suis parti, alors je me suis dit que... enfin je voulais juste vérifier que tu allais bien. Je t'ai amené des muffins, tes préférés... Enfin... ceux que tu aimais à Poudlard et...

Il se tut brutalement et rougit avant de hausser les épaules.

Drago cligna des yeux, perdu. Après sa nuit terrible, il se pensait encore perdu dans un rêve étrange et il s'attendait presque à le voir tourner au cauchemar. Mais le Potter face à lui ne commença pas à l'insulter ni à l'attaquer.

Il fronça les sourcils et se pencha vers lui, suffisamment près pour qu'il puisse sentir son odeur — ce parfum légèrement épicé qu'il semblait avoir adopté et qu'il avait découvert la veille — et pour qu'il puisse ressentir sa magie.

— Malefoy ?

Avant qu'il ne puisse parler, Harry lui passa la main dans les cheveux, presque avec tendresse, et Drago se fit la réflexion que personne n'avait eu ce genre de geste pour lui depuis longtemps. Ses parents l'aimaient certainement, mais ils n'étaient pas vraiment tactiles. Sans compter que le retour de Voldemort avait tué tout geste de tendresse au sein du manoir Malefoy : après tout, selon les préceptes du mage noir, l'amour était une faiblesse.

Il profita de cet instant aussi longtemps que possible, fixant les yeux verts si familiers, mais désormais pleins d'ombres, avant de reculer nerveusement et de se redresser, frissonnant lorsque la couette glissa complètement et exposa son torse nu à la fraîcheur de l'air.

Harry ne fit pas la moindre remarque, le connaissant assez pour savoir qu'il n'aimait pas voir ses faiblesses exposées. Il avait peut-être changé, mais une partie de son caractère restait intact.

Ainsi, son ancien camarade se redressa tranquillement et lui adressa un sourire amical.

— Je prépare le déjeuner le temps que... tu t'habilles.

Drago renifla et se leva rapidement, ignorant le regard de Harry sur lui. Il savait qu'il verrait les traces grisâtres de la marque, vestiges de ses erreurs. Mais il verrait aussi les cicatrices de ce sort qu'il avait lancé sur lui, des années plus tôt et qui avait failli le tuer. Drago ne lui en voulait plus depuis bien longtemps — il y avait même eu une époque où il avait regretté de ne pas être mort de sa main, libéré de son fardeau — mais il était prêt à parier que Potter se reprochait toujours ses actes et qu'il tenterait à un moment d'aborder le sujet.

C'était une vengeance un peu mesquine pour son retour brusque dans sa vie tranquille, mais c'était probablement la seule chose qu'il pouvait se permettre...

Il enfila un jogging confortable et attrapa un tee-shirt délavé — avec un air de défi en constatant que les yeux de Harry ne pouvaient pas quitter son bras souillé.

Au début, après la fin de la guerre, il avait soigneusement caché la marque, honteux. Cependant, il avait vite compris qu'elle n'avait pas la moindre signification dans le monde moldu et il avait appris à l'ignorer et à vivre avec. En l'exposant, c'était aussi une façon pour lui de se rappeler de la raison pour laquelle il n'était plus dans le monde magique. C'était afficher ses erreurs au grand jour, comme pour expier ses fautes...

Il quitta la chambre sans s'assurer que Harry le suivait, et marqua une brève pause en voyant un sac de pâtisseries abandonné sur la table ainsi que deux gobelets moldus contenant probablement du café. Il soupira, et débarrassa la table des tasses abandonnées la veille, sans un mot, pour les rincer rapidement dans l'évier.

Harry arriva derrière lui, l'air détendu, comme s'ils étaient les meilleurs amis au monde et qu'ils étaient habitués à se retrouver. Comme s'il n'y avait pas un fossé de sept années depuis leur dernière rencontre, à Poudlard.

— Je t'ai pris du café, avec de la crème.

Mal à l'aise, Drago marmonna un remerciement bref et il prit le gobelet tendu, refusant de s'asseoir et préférant rester debout, adossé à l'évier. Il but une gorgée prudente, avant de soupirer.

— Pourquoi es-tu là, Potter ? Tu avais peur que je prenne la fuite finalement ?

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant