Sous Tutelle

Chapitre 36

Lorsque Drago s'éveilla complètement, il était seul dans la chambre. Tendant l'oreille, il entendit le choc des casseroles provenant de la cuisine et il comprit que Harry devait préparer le repas.

Il lui fallut quelques secondes pour s'étirer et finir de se réveiller entièrement.

Avec un soupir, il se remémora la conversation qu'il avait entendue entre Harry et Hermione. Il était dans un demi-sommeil à ce moment-là et il pouvait toujours prétendre que c'était une hallucination ou une invention de son esprit, mais il savait avec certitude que c'était réel.

L'acceptation calme de Harry quand il avait annoncé qu'il l'aimait avait allumé un brasier dans son cœur, et Drago avait compris qu'il l'aimait également en retour, même s'il ne l'avait pas compris plus tôt.

C'était un peu étrange de s'avouer ce genre de choses, après une enfance passée à apprendre que l'amour n'était qu'une invention de romantiques idiots. Son père lui avait appris qu'il devait toujours y avoir un intérêt pour lui dans ses relations, et c'était certainement la raison pour laquelle il n'avait jamais eu de vrais amis proches. En tout cas, pas des amis comme Hermione, prêts à se soucier de son bien-être ou capables de lui parler à cœur ouvert.

Quant aux relations, son père avait été encore plus cynique, traitant le mariage comme une transaction commerciale et le sexe comme une méthode pour produire un héritier. Dans l'univers de Lucius Malefoy, seule la puissance comptait. Le pouvoir, la fortune, ses petits jeux de pouvoir étaient ce qui le faisait vivre. Le reste n'était que des distractions dont il pouvait se passer.

Ses parents n'avaient jamais caché que leur mariage avait été arrangé et qu'il n'y avait jamais eu d'amour entre eux. Si à l'époque où il vivait dans le monde magique il n'avait pas été choqué par ce fait, désormais, il trouvait ça... terriblement triste.

Le rappel de sa propre situation avait été comme un seau d'eau glacée jeté sur lui. Aux yeux du monde magique, il était à peine plus qu'un elfe de maison, devant expier ses crimes. Harry avait tout pouvoir sur lui et les sorciers penseraient que Harry se servait de lui. Ils ne seraient jamais vus comme un couple légitime.

Drago pourrait s'en accommoder, mais Harry perdrait tout. Ses amis, sa réputation... il serait montré du doigt et Drago savait à quel point il haïssait être au centre de l'attention.

S'il y avait une chose que Drago savait, c'était bien que Harry ne reculerait pas. Il ne lui tournerait pas le dos, pas même si ça devait lui coûter une partie de sa vie.

Harry Potter était d'une loyauté sans failles. Lorsqu'il donnait son amitié — ou son amour — il ne revenait jamais en arrière. C'était une des raisons pour lesquelles Drago l'admirait désormais — il était bien trop idiot à Poudlard pour comprendre à quel point une telle loyauté était précieuse.

Drago était déchiré entre la joie d'apprendre que les sentiments de Harry étaient sincères et la peur de se rendre compte qu'il était prêt à tout abandonner pour lui. À une époque, Drago aurait pris ce qu'il voulait sans se soucier des conséquences. Mais il avait changé. Il faisait de son mieux pour être quelqu'un d'honorable, pour prouver sa valeur.

Il refusait de voir Harry se sacrifier et quitter le monde magique pour lui. La magie coulait dans le sang de Harry et il serait malheureux loin de ce monde. Il était un héros et il devrait être acclamé, plutôt que d'être la cible de manœuvres politiciennes du ministre de la Magie...

Forcer Harry à l'exil le détruirait lentement, il n'avait pas le moindre doute à ce sujet. Quoi que puisse prétendre Harry, il appartenait au monde magique et il avait besoin de ses amis à proximité. Il n'était pas fait pour une vie de solitude, à se cacher avec un ancien Mangemort.

Un instant, Drago pensa qu'il devrait repousser Harry en se montrant infect. Il avait su être mauvais à Poudlard, il aurait juste à se souvenir de cette époque et à laisser remonter cette personnalité si peu attirante. Peut-être avec une certaine dose de colère, Harry baisserait les bras et s'éloignerait de lui-même. Cependant, Drago en doutait : le Harry adulte était bien moins impulsif que l'adolescent qu'il avait été. Sans compter que Drago n'était pas certain de pouvoir se montrer assez terrible pour le repousser.

Frustré par le tour qu'avaient pris ses pensées, Drago secoua la tête et repoussa toutes ses préoccupations pour plus tard. Il se leva avec précautions, grimaçant encore lorsque certains muscles s'étiraient, et rejoignit Harry dans la cuisine d'un pas lent.

Le large sourire joyeux de Harry pour l'accueillir fut un coup au cœur de plus pour Drago. Il prit conscience que pour la toute première fois de sa vie, il se souciait plus de quelqu'un d'autre que de lui-même.

Harry lui jeta un bref coup d'œil curieux, sa prise de conscience devant se lire sur son visage, mais Drago s'empressa de lui sourire à son tour, évitant son regard pour ne pas dévoiler sa détresse.

— Tu aurais dû me réveiller plus tôt. J'ai l'impression de passer mon temps à dormir.

Harry haussa les épaules avec un clin d'œil.

— Tu en as besoin pour récupérer complètement. Ne t'en fais pas, tu seras bientôt entièrement remis.

Drago lui répondit d'un sourire discret et Harry s'approcha pour le prendre dans ses bras. Après une brève hésitation, Drago s'agrippa à lui, sans pouvoir s'empêcher de penser à tout ce que Harry risquait de perdre à cause de lui. Pour lui.

Alors qu'il était blotti contre Harry, le cœur battant douloureusement, une esquisse de plan commença à se former dans son esprit pour protéger Harry. Cependant, il aurait besoin d'aide pour aller jusqu'au bout de son idée et lorsqu'il l'aurait mis en application, Harry lui en voudrait probablement terriblement.

Drago pourrait vivre avec un cœur brisé. Par contre, il n'était pas sûr de pouvoir survivre si Harry venait à être blessé à cause de lui. La possibilité que Harry soit une victime collatérale était suffisante pour le décider et il soupira lorsque Harry l'embrassa. Il répondit à son baiser avec presque du désespoir, parce que désormais, son temps près de lui était compté.