Chapitre 2

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Les premières semaines avaient été compliquées. Drago avait souvent eu envie d'abandonner. De se laisser aller, de cesser de lutter. Mais il y avait toujours un moment où un sursaut de fierté l'obligeait à se battre. À prouver qu'il pouvait être quelqu'un de bien malgré tout, qu'il pouvait apprendre de ses erreurs.

Les premiers jours, il utilisa la magie pour jeter des sorts de confusion au gérant de l'hôtel minable qu'il occupait pour lui faire croire qu'il avait payé, se jurant qu'il le rembourserait un jour.

Il apprit rapidement comment fonctionnaient les moldus. Il échangea rapidement ses gallions dans une bijouterie pour l'or qu'ils contenaient, prétextant qu'il s'agissait d'un héritage familial pour ne pas attirer l'attention sur ces étranges pièces.

Puis, il chercha du travail.

Drago n'avait aucune expérience du monde du travail ni aucune qualification. Il avait été un élève brillant à Poudlard, bien qu'un peu paresseux. Avec son père au conseil d'administration de l'école, il pouvait se le permettre, il savait que jamais son dossier ne comporterait de mentions négatives.

Dans un monde inconnu, il devait se contenter de tâches simples, qui ne nécessitaient pas de réflexion. Qu'il ait été autrefois doué en runes ou en potions ne lui ouvriraient pas la moindre porte dans le monde moldu.

Au début, il accepta de décharger des camions de livraison pour quelques pièces. Certains chauffeurs semblaient avoir pitié de lui et acceptaient volontiers son aide. Ce qu'il gagnait lui permettait à peine de manger, mais Drago ne se découragea pas, loin de là.

Ensuite, il réussit à se faire embaucher dans un magasin pour remplir les rayons. Il avait conscience qu'il ne pouvait pas demander plus et il s'acquittait de ses tâches avec sérieux et rigueur.

Lorsqu'il trouva un poste de vendeur dans une petite boutique de souvenirs, quelques mois plus tard, il changea la couleur de ses cheveux craignant un jour d'être reconnu. Du blond platine caractéristique de la famille Malefoy, il passa à un blond foncé grâce à un produit colorant moldu.

Il s'observa longuement dans le miroir, choqué du changement, avant de hausser les épaules : de cette façon, toute personne ayant un lien avec le monde magique ne pourrait pas l'identifier. Lui-même se reconnaissait à peine.

Autrefois, il s'appelait Drago Malefoy. Il avait conscience que son prénom pouvait sembler étrange pour un moldu, alors il était devenu David Black, reprenant le nom de jeune fille de sa mère, pour brouiller les pistes. Il ne voulait surtout pas être retrouvé et cet anonymat soudain était un soulagement.

Le jeune homme travailla ainsi les deux premières années de son exil dans cette boutique. Son patron ne tarissait pas d'éloges sur son sérieux et sa ponctualité, mais il ne se lia à personne. Il ne se fit pas d'amis et ne parla jamais de son passé. Il était l'employé efficace, mais silencieux, qu'on ne voyait jamais en dehors de ses heures de travail.

Solitaire, il se contentait de peu, menant une vie simple. Si pendant son adolescence, quelqu'un avait suggéré qu'il puisse adopter ce mode de vie particulier, il aurait ricané d'un air méprisant.

À l'époque, il aurait trouvé inconcevable de se priver de ses possessions, du luxe auquel il était habitué et qu'il estimait mériter.

Pourtant, il n'éprouvait pas le moindre sentiment négatif au sujet de sa nouvelle vie, bien au contraire. Il savourait la chance qu'il avait d'avoir pu tout recommencer, et il n'avait pas l'impression de manquer de quoi que ce soit. Il était en vie, en bonne santé. Il mangeait à sa faim et son travail le tenait suffisamment occupé pour ne pas avoir à penser au passé. Il avait un toit au-dessus de la tête et des vêtements chauds l'hiver.

Il passait ses jours de congés dans une petite librairie à chercher ses prochaines lectures, découvrant un nouveau monde grâce à la littérature moldue.

Les jours de beau temps, il lisait sur un banc du parc voisin, profitant du soleil. Lorsqu'il pleuvait ou qu'il faisait trop froid, il restait chez lui, blotti dans son lit, une tasse de thé chaud à la main.

Ce fut de cette façon qu'il trouva sa vocation. En découvrant que la librairie qu'il aimait tant allait fermer parce que son propriétaire souhaitait prendre sa retraite, il pensa qu'il aimerait prendre sa suite. L'idée que l'endroit où il avait passé tant d'heures ferme lui serrait le cœur et il savait qu'il y avait de nombreux passionnés qui regretteraient la petite boutique.

Depuis son arrivée dans le monde moldu, il avait amassé un petit pécule. Il n'avait pas besoin de beaucoup au quotidien après tout et il gardait précieusement le reste. Il ne s'était jamais demandé pourquoi, mais cette somme tombait à pic pour tenter de sauver sa librairie tant appréciée.

Il lui fallut quelques semaines pour oser parler au vieil homme, tant il craignait être rejeté. Mais au contraire, le visage du propriétaire s'éclaira, et il l'enlaça presque, heureux selon lui de voir un amoureux des livres vouloir prendre sa suite.

Il l'avait remarqué, ce garçon solitaire et silencieux, et il l'avait souvent conseillé discrètement, déposant parfois un nouvel auteur devant lui, comme par accident.

David Black, jeune inconnu, offrit donc toutes ses économies pour reprendre la librairie.

Ce fut difficile au début, parce qu'il avait pris l'habitude de rester loin de ceux qui l'entouraient. Il dut apprendre à aller vers les gens qui poussaient la porte de sa boutique, à leur parler gentiment et à les conseiller. Il dut apprendre à les connaître, à écouter leurs histoires et à s'en souvenir, faisant ainsi véritablement partie d'une communauté pour la première fois de sa vie.

Ce ne fut pas inné, loin de là.

Souvent, il eut envie de renoncer.

D'oublier cette idée stupide visant à prendre la charge d'un commerce moldu, sans la moindre expérience, sans la moindre aide.

Mais, toujours, quelque chose l'empêchait de baisser les bras trop vite. Il avait fini par l'aimer cette petite boutique, un peu sombre, débordant de livres.

Lentement, il changea les choses pour l'aménager plus à son goût, bouleversant les rayonnages pour réorganiser l'espace, ajoutant des lumières pour dissiper toute ombre qui pourrait persister. Il n'aimait plus l'obscurité, sous quelque forme que ce soit.

Il apprit à connaître les habitués et à les apprécier, à les saluer et à s'intéresser à eux. C'était un intérêt sincère, réel, bien loin des relations dont il avait l'habitude autrefois, lorsqu'il était encore Drago Malefoy.

Malgré tout, il resta isolé. Il refusa de se lier à qui que ce soit en dehors de la librairie, parfaitement satisfait de son sort.

Il était vivant et aussi heureux que possible. Il ne manquait de rien, avait trouvé un métier qui lui plaisait, et sa vie était parfaitement tranquille. C'était bien plus que ce qu'il avait espéré lorsqu'il avait quitté sa précédente vie.

Il y avait des nuits où les cauchemars l'empêchaient de dormir et le réveillaient en sursaut. Ces nuits-là, son cœur se mettait à battre trop vite et trop fort, et il avait l'impression qu'il suffirait d'un rien pour que son passé vienne tout détruire.

Au lever du jour, il se traitait d'idiot, avalait des vitamines pour tenir le coup, ouvrait sa librairie et s'obligeait à continuer de sourire, comme si tout allait bien.

L'état de grâce dans lequel il vivait aurait pu durer indéfiniment. Au final, il eut le droit à sept ans avant que son monde explose.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant