Chapitre 10

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Harry baissa la tête avant de soupirer, avec une expression fatiguée. Puis, il avoua, dans un souffle hésitant, sans regarder Drago.

— Malefoy... Je suis désolé. Je croyais que tu savais pour le procès. Je... J'ai longtemps cru que tu te cachais chez tes parents, personne n'a jamais parlé de ton... départ. Je pensais que tu m'évitais... Après tout, tu avais toutes les raisons de douter de mes intentions...

Drago leva un sourcil moqueur en apprenant que sa disparition n'avait jamais été signalée finalement.

— Bien évidemment. La disparition d'un Mangemort... Qui ça intéresse ?

Le brun hirsute face à lui ne réagit pas, continuant de parler d'un ton monocorde, perdu dans ses pensées.

— Je n'ai su pour ton départ du monde magique que... quand ton père est mort, il y a quelques semaines. C'est Kingsley qui... l'a mentionné et je lui ai hurlé dessus. Je l'ai accusé d'avoir... d'avoir fait quelque chose. De t'avoir chassé ou un truc du genre.

Drago se laissa tomber sur le siège face au brun, le fixant attentivement, sans oser parler. Harry soupira et laissa échapper un rire grinçant, sans joie.

— J'ai démissionné. J'ai claqué la porte et je leur ai dit de chercher un autre... champion à exploiter.

Le jeune homme haussa un sourcil surpris à ces révélations qui montraient Harry Potter sous un autre jour. Cependant, sa première réaction ne fut pas de demander des explications, mais de poser la question qui lui trottait dans la tête depuis le Ministère.

— Qu'est-ce qui est arrivé à ta voix ?

Harry pinça les lèvres, renfrogné, et il se concentra sur sa tasse de thé, observant le sachet de papier qui infusait. Il resta silencieux si longtemps que Drago crut qu'il n'aurait pas la moindre réponse. Il s'apprêtait à changer de sujet quand Harry soupira et commença à parler, chuchotant presque.

— Après la bataille de Poudlard... Kings m'a convaincu de devenir Auror. C'était ce que je voulais, avant. Enfin, c'était ce que je pensais vouloir. Beaucoup de Mangemorts ont profité du chaos ce jour-là pour fuir, et si certains voulaient reprendre une vie normale, sans violence, certains étaient déterminés à... à se venger. Bien évidemment, en tant qu'Auror j'étais assigné à leur recherche et à leur capture. C'était... c'était ce que tout le monde attendait de moi. J'étais celui qui avait mis fin à la guerre, alors... Peu importe. Tout ça n'est qu'un ramassis de conneries. La vérité, c'est que j'ai tenu six mois environ avant de tomber dans une embuscade.

Drago déglutit, incapable de le quitter des yeux, fasciné par son récit. Il avait le cœur battant comme s'il devinait exactement ce qu'il allait dire, mais il ne l'aurait interrompu pour rien au monde. Les émotions défilaient sur le visage de Harry, complétant son histoire : résignation, agacement, colère... Harry reprit, après un haussement d'épaules faussement désinvolte.

— Je n'avais aucune formation, aucune... compétence. C'était à prévoir que ma chance allait un jour tourner. Durant deux jours, ils ont vengé la mort de leur maître et de leurs compagnons. Je suis passé près de la folie, je crois... Ma voix... mes hurlements ont endommagé mes cordes vocales, irrémédiablement.

Drago ferma les yeux, légèrement nauséeux. Il poussa le sucrier vers Potter, se souvenant qu'il buvait son thé avec plusieurs sucres, et il afficha un sourire un peu forcé, essayant de ne pas penser à la somme de douleur qu'il avait subie pour obtenir une voix si éraillée.

— Visiblement, tu n'es pas plus fou qu'avant.

Harry laissa échapper un rire soulagé et ses yeux verts brillèrent de reconnaissance un bref instant en croisant son regard. Il regarda autour de lui une fois de plus avant de fixer Drago.

— Et toi ? Pourquoi ici ?

Le jeune homme prit le temps de boire une gorgée de thé, pour se laisser le temps de rassembler son courage. Puis, il s'obligea à répondre honnêtement.

— Après la bataille, mes parents m'ont ramené au manoir. La première nuit... je me suis rendu compte que je ne pourrais plus jamais dormir paisiblement, pas après... pas après qu'il ait vécu là-bas. Il avait tué des gens, torturé... Alors je suis parti. Je ne voulais pas être jeté à Azkaban même si je savais que je le méritais. Je n'ai rien pris avec moi, et j'ai rejoint le monde moldu. Je me disais que... que personne ne m'y chercherait et que je pourrais peut-être tout oublier.

Harry se pencha vers lui, attentif. Il l'interrompit, doucement.

— Et ça a marché ? Tu as... réussi à oublier ?

Drago ferma un instant les yeux, puis haussa les épaules avec une grimace désabusée.

— Pas vraiment. J'ai appris à... vivre différemment. J'ai travaillé pour gagner de l'argent, pour payer cet appartement. J'ai... j'ai repris une librairie. La plupart du temps... enfin. Parfois, les cauchemars reviennent me hanter, mais je suppose que c'est le juste retour des choses, non ?

L'ancien Gryffondor pinça les lèvres et fronça les sourcils, hésitant visiblement à objecter. Il préféra rester silencieux et boire un peu de thé, observant sans cesse son vis-à-vis.

Drago l'ignora, tête baissée. Il s'était perdu dans ses propres souvenirs, essayant vainement d'imaginer ce qu'aurait pu être sa vie dans le monde magique. Finalement, il soupira.

— Tu disais que tu avais été attaqué il y a longtemps, non ? Alors, pourquoi ne démissionner que maintenant ?

Harry eut un rire amusé, de son étrange voix. Puis, il haussa les épaules.

— Je n'ai pas repris mon poste d'Auror, après... Personne n'a osé insister, il me suffisait de faire entendre le son de ma voix pour stopper n'importe quel argument visant à me convaincre. J'ai eu droit à un poste de bureau, je soupçonne même qu'ils l'ont créé pour moi... De la paperasse, soi-disant pour surveiller qu'un nouveau Voldemort n'apparaissait pas. Éplucher les rapports, surveiller les jeunes diplômés, contrôler les rassemblements.

Drago émit un ricanement moqueur, l'interrompant brusquement, ses yeux brillant d'un éclat métallique comme autrefois, lorsqu'ils se battaient sans cesse.

— Conneries. C'était surtout pour te surveiller, toi, Potter. Tu es bien naïf si tu penses que...

Harry le coupa, incapable de cacher son air amusé.

— J'en suis conscient. Je... n'avais pas vraiment mieux à faire. J'avais besoin de calme probablement. De... vivre normalement, ou presque. D'avoir l'impression d'avoir ma place, d'être intégré.

Drago haussa un sourcil et attendit une précision qui ne vint jamais. Il soupira.

— Alors ? Qu'est-ce qui a changé ? Pourquoi démissionner si tu étais satisfait de ton sort ?

Leurs regards s'accrochèrent et s'affrontèrent un instant. Puis Harry baissa la tête, l'air soudain las. Il murmura, chuchotant presque, comme s'il répugnait à avouer un sombre secret.

— Je n'ai jamais dit que j'étais satisfait. J'étais... perdu. Je n'avais plus envie de lutter, même pour prendre ma vie en main. Je... me suis laissé guider, et même après... Après l'attaque, je... J'ai encore fait les gros titres des journaux et je voulais juste... une vie normale.

Sous TutelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant